dimanche 22 février 2009

La fin du rêve américain

Européen convaincu, il y a tout de même quelque chose que j'admire chez les Américains: ce que j'appellerai leur capacité de résilience, cette faculté qu'ils ont de digérer (plutôt rapidement) les soubresauts de leur histoire pour mieux repartir de l'avant. Par exemple, notez que le cinéma français commence tout juste à aborder sérieusement ce qui s'est passé pendant la guerre d'Algérie, bientôt cinquante ans après les événements. Toujours engagés militairement sur le sol irakien, les Américains, eux, abordent le conflit "en direct". Bien évidemment, ce n'est pas uniquement positif. Le recul historique offre parfois un regard plus juste sur tel ou tel fait, et rien ne dit que, demain, nous aurons forcément la même vision de la réalité. Sans attendre, se libérant des mensonges de l'administration Bush, quelques réalisateurs ont pu inventer la guerre et ses conséquences, porter le fer de leur imagination dans la chair d'un pays meurtri, et ainsi livrer leur vision des choses. C'est évidemment plus ou moins intéressant. D'après moi, ça l'est beaucoup dans le film dont je vais parler aujourd'hui: Dans la vallée d'Elah, signé Paul Haggis.

Tommy Lee Jones - je suppose que vous l'aurez reconnu - aurait pu obtenir l'Oscar de la meilleure interprétation masculine pour ce rôle, l'année dernière. S'il a finalement été devancé par Daniel Day-Lewis, il n'en livre pas moins une prestation remarquable, toute en colère retenue et en détermination. Le héros du film, c'est lui, un vétéran du Vietnam dont le fils, engagé volontaire en Irak, disparaît au cours d'une permission. Le père s'étonne, bien sûr, de ne pas avoir été prévenu de ce retour, puis s'inquiète, forcément, de ne plus avoir aucun signe de vie. En face de lui, la hiérarchie militaire suppose l'absent resté auprès d'une fille et l'accuse finalement de désertion. Chose impossible à admettre pour des parents, qui plus est déjà affaiblis par la perte d'un premier enfant - Susan Sarandon est géniale dans le (petit) rôle de la maman. Et ce n'est qu'un début, car la police militaire découvre les restes d'un corps dont les empreintes digitales semblent correspondre à celles du disparu. C'est là que, déjà très intéressant, Dans la vallée d'Elah devient passionnant. Exactement le genre de films qui me scotche dans mon fauteuil.

Stop ! Je n'en dirai pas plus sur le déroulement de cette intrigue complexe. J'ai déjà cité Tommy Lee Jones: le second personnage principal est celui d'un flic - civil celui-là - qui va accepter de l'aider pour savoir ce qui s'est passé. Un rôle que Paul Haggis a eu l'excellente idée d'offrir à une Charlize Theron méconnaissable ! Remarquez, je savais cette actrice capable de métamorphoses physiques assez lourdes, faisant ainsi oublier sa singulière beauté. C'est particulièrement vrai ici: cette Emily Sanders n'est pas laide, mais n'a rien de sexy. C'est l'archétype de l'Américaine moyenne, pas Marge Simpson non plus, bien sûr, mais la femme travailleuse, qui doit élever seule son enfant et qui trouve du temps pour s'occuper des autres. Vous craignez les clichés ? Je peux comprendre. Il faut pouvoir "entrer" dans ce type de films. Vous auriez tort d'y renoncer. Dans la vallée d'Elah est une oeuvre véritablement poignante, qui parle des Etats-Unis d'aujourd'hui comme on le fait trop peu souvent. Chaque personnage a des failles, même les "bons". J'aime autant insister sur ce que mon titre vous aura sans doute fait comprendre: on ne rigole pas vraiment. D'après moi, le film n'en est pas moins réussi, parce qu'il suscite la réflexion et évite tout manichéisme. Autre signe tangible que la vérité des choses est très changeante selon les points de vue, il est aussi inspiré de faits réels...

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