Une chronique de Martin
Regarder pour la première fois Les enfants du paradis, c'est prendre un risque important: celui d'être déçu. Vous me direz, la menace vaut pour toutes les oeuvres artistiques. Pas faux. Cela dit, il faut savoir qu'en 1995, à l'occasion du centenaire du cinéma, l'oeuvre mythique de Marcel Carné a été élue meilleur film français de tous les temps. Autant dire que la barre avait été placée très haut: m'y confronter pouvait donc légitimement m'inquiéter un peu, vous ne trouvez pas ?
Au final, si je ne me crois pas en mesure de valider un tel jugement de valeur, je dirai que j'ai beaucoup aimé Les enfants du paradis. Notons d'abord que le film a été tourné pendant la guerre, tournage qui a débuté en 1943, s'est interrompu et a repris pour une sortie effective en salles en 1945. La comédienne principale, Arletty, était d'ailleurs absente de la première, assignée à résidence qu'elle était pour avoir fréquenté un officier allemand pendant les années d'occupation. Ce contexte me paraît important pour apprécier réellement le travail accompli à sa juste valeur. Le long-métrage devrait d'après moi ne pas se résumer à une mise en scène inspirée sur un joli scénario de Jacques Prévert - et même s'il est aussi cela. Si j'ai aimé cette vieille production, c'est aussi parce que je trouve qu'elle offre du rêve et que j'imagine qu'à l'époque, bien de choses ont reposé sur des bouts de ficelle, des astuces pour faire ainsi face à la pénurie et aussi, osons-le dire, un certain courage pour endurer les difficultés de la guerre et réaliser une oeuvre d'une beauté romantique aussi absolue. Laissez-moi vous dire ce qui m'a touché...
L'histoire, d'abord: Les enfants du paradis vivent dans le Paris populaire de 1830. Ils sont pour la plupart saltimbanques. Il y a Garance, la femme, l'étoile lumineuse autour de laquelle gravitent plusieurs hommes: Deburau le mime, Lemaître le comédien, Lacenaire le bandit et de Montray l'aristocrate. C'est beaucoup, évidemment, et la grande modernité du film est de montrer d'abord une femme libre, qui, non seulement refuse de choisir, mais encore, visiblement, aimerait mieux vivre sa vie seule, au gré du vent. Maintenant, ce qui s'avère possible au milieu des artistes de la rue ne l'est pas si facilement dans la réalité quotidienne de la capitale sous la Restauration. Bien vite, l'ordre masculin vient régenter la vie de Garance: injustement accusée de vol, elle parvient à s'en sortir, mais une autre affaire lui amène des complications plus sérieuses. Elle s'en tire également, mais en renonçant à un peu de sa liberté. J'aime autant ne pas vous dire ce qu'il lui arrive exactement, histoire de préserver la surprise. Sachez juste que, de par l'arrière-plan historique du film, tout paraît réaliste et bien amené. Il y a là plus que de simples dialogues: un texte. Une vraie intrigue de roman.
Littéraire par nature, Les enfants du paradis n'en reste pas moins un film, je le dis sans hésitation. En fait, pour être exact, je devrais dire deux films. La durée totale du métrage dépasse très légèrement les trois heures: l'oeuvre se découpe donc en deux parties, "Boulevard du Crime" "et '"L'homme blanc'", la seconde se déroulant en réalité quelques années après la première. Cette cassure peut permettre d'apprécier le travail de Marcel Carné en deux temps, avec une pause au milieu ou en deux soirées, par exemple. La dramaturgie n'y perd rien et y gagne peut-être, sachant que la mise en scène s'inspire largement de celle du théâtre, un rideau se levant et tombant même deux fois sur les images. Ce visuel "à l'ancienne" déroute, parfois. Reste que je ne peux que vous inciter à le découvrir, si ce n'est pas déjà fait: cette pièce historique du septième art mondial n'a pas volé sa très flatteuse réputation. Porté (entre autres) par l'interprétation sublime d'Arletty, Pierre Brasseur et Jean-Louis Barrault, c'est réellement un véritable travail d'orfèvre, à l'évidence étudié, soigné, jusque dans ses plus petits détails. Pourtant, et même s'il a pu profiter de moyens colossaux pour l'époque, son financement reste probablement sans commune mesure avec celui dont bénéficient aujourd'hui les grosses productions. Il se dégage donc une ambiance de magie qui, passé le cap d'une intrigue à vrai dire un peu surannée, pourrait bien vous mettre des étincelles dans les yeux. J'espère pour vous ce résultat, fruit de la magie éternelle du cinéma.
Les enfants du paradis
Film français de Marcel Carné (1945)
Un smiley qui pleure, parce que, si on s'émerveille, c'est d'émotion. Après avoir longtemps, en tant que critique, joyeusement dézingué les créations du duo Carné/Prévert, François Truffaut avait admis finalement qu'il aurait échangé la totalité de ses films contre celui-là. C'est vous dire sa place dans le patrimoine cinématographique national. Je suis très heureux d'avoir vu ce film, même si je n'aime pas parler d'incontournable. Disons juste, en toute humilité, que j'ai passé un très bon moment, comme devant Les visiteurs du soir, oeuvre du même réalisateur. Si maintenant vous aimeriez retrouver un peu de cette ambiance, en couleurs cette fois, je conseille également Moulin rouge. Un peu plus jeune et quelque peu décalé, du fait probablement de sa nationalité, le film de John Huston livre une autre belle et notable vision du Paris artistique du 19ème siècle. Avec pour héros Toulouse-Lautrec, donc plutôt vers 1880-1900.
Au final, si je ne me crois pas en mesure de valider un tel jugement de valeur, je dirai que j'ai beaucoup aimé Les enfants du paradis. Notons d'abord que le film a été tourné pendant la guerre, tournage qui a débuté en 1943, s'est interrompu et a repris pour une sortie effective en salles en 1945. La comédienne principale, Arletty, était d'ailleurs absente de la première, assignée à résidence qu'elle était pour avoir fréquenté un officier allemand pendant les années d'occupation. Ce contexte me paraît important pour apprécier réellement le travail accompli à sa juste valeur. Le long-métrage devrait d'après moi ne pas se résumer à une mise en scène inspirée sur un joli scénario de Jacques Prévert - et même s'il est aussi cela. Si j'ai aimé cette vieille production, c'est aussi parce que je trouve qu'elle offre du rêve et que j'imagine qu'à l'époque, bien de choses ont reposé sur des bouts de ficelle, des astuces pour faire ainsi face à la pénurie et aussi, osons-le dire, un certain courage pour endurer les difficultés de la guerre et réaliser une oeuvre d'une beauté romantique aussi absolue. Laissez-moi vous dire ce qui m'a touché...
L'histoire, d'abord: Les enfants du paradis vivent dans le Paris populaire de 1830. Ils sont pour la plupart saltimbanques. Il y a Garance, la femme, l'étoile lumineuse autour de laquelle gravitent plusieurs hommes: Deburau le mime, Lemaître le comédien, Lacenaire le bandit et de Montray l'aristocrate. C'est beaucoup, évidemment, et la grande modernité du film est de montrer d'abord une femme libre, qui, non seulement refuse de choisir, mais encore, visiblement, aimerait mieux vivre sa vie seule, au gré du vent. Maintenant, ce qui s'avère possible au milieu des artistes de la rue ne l'est pas si facilement dans la réalité quotidienne de la capitale sous la Restauration. Bien vite, l'ordre masculin vient régenter la vie de Garance: injustement accusée de vol, elle parvient à s'en sortir, mais une autre affaire lui amène des complications plus sérieuses. Elle s'en tire également, mais en renonçant à un peu de sa liberté. J'aime autant ne pas vous dire ce qu'il lui arrive exactement, histoire de préserver la surprise. Sachez juste que, de par l'arrière-plan historique du film, tout paraît réaliste et bien amené. Il y a là plus que de simples dialogues: un texte. Une vraie intrigue de roman.
Littéraire par nature, Les enfants du paradis n'en reste pas moins un film, je le dis sans hésitation. En fait, pour être exact, je devrais dire deux films. La durée totale du métrage dépasse très légèrement les trois heures: l'oeuvre se découpe donc en deux parties, "Boulevard du Crime" "et '"L'homme blanc'", la seconde se déroulant en réalité quelques années après la première. Cette cassure peut permettre d'apprécier le travail de Marcel Carné en deux temps, avec une pause au milieu ou en deux soirées, par exemple. La dramaturgie n'y perd rien et y gagne peut-être, sachant que la mise en scène s'inspire largement de celle du théâtre, un rideau se levant et tombant même deux fois sur les images. Ce visuel "à l'ancienne" déroute, parfois. Reste que je ne peux que vous inciter à le découvrir, si ce n'est pas déjà fait: cette pièce historique du septième art mondial n'a pas volé sa très flatteuse réputation. Porté (entre autres) par l'interprétation sublime d'Arletty, Pierre Brasseur et Jean-Louis Barrault, c'est réellement un véritable travail d'orfèvre, à l'évidence étudié, soigné, jusque dans ses plus petits détails. Pourtant, et même s'il a pu profiter de moyens colossaux pour l'époque, son financement reste probablement sans commune mesure avec celui dont bénéficient aujourd'hui les grosses productions. Il se dégage donc une ambiance de magie qui, passé le cap d'une intrigue à vrai dire un peu surannée, pourrait bien vous mettre des étincelles dans les yeux. J'espère pour vous ce résultat, fruit de la magie éternelle du cinéma.
Les enfants du paradis
Film français de Marcel Carné (1945)
Un smiley qui pleure, parce que, si on s'émerveille, c'est d'émotion. Après avoir longtemps, en tant que critique, joyeusement dézingué les créations du duo Carné/Prévert, François Truffaut avait admis finalement qu'il aurait échangé la totalité de ses films contre celui-là. C'est vous dire sa place dans le patrimoine cinématographique national. Je suis très heureux d'avoir vu ce film, même si je n'aime pas parler d'incontournable. Disons juste, en toute humilité, que j'ai passé un très bon moment, comme devant Les visiteurs du soir, oeuvre du même réalisateur. Si maintenant vous aimeriez retrouver un peu de cette ambiance, en couleurs cette fois, je conseille également Moulin rouge. Un peu plus jeune et quelque peu décalé, du fait probablement de sa nationalité, le film de John Huston livre une autre belle et notable vision du Paris artistique du 19ème siècle. Avec pour héros Toulouse-Lautrec, donc plutôt vers 1880-1900.
1 commentaire:
"paris est tout petit pour ceux qui, comme vous, s'aiment d'un aussi grand amour"...
Dans le même genre d'atmosphère (mais plus léger), je conseille "French Cancan" de Renoir !
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