lundi 4 août 2025

Un monde virtuel ?

Jusqu'où ira-t-il ? Le réalisateur Quentin Dupieux peut-il être stoppé ? L'accident de piano, sorti en juillet, est son septième long-métrage depuis 2020 (et déjà le quatorzième de sa carrière, débutée en 2007). Parmi ses partenaires nommés au générique: Netflix et Arte France. J'appelle cela faire un grand écart, mais il n'y a aucune honte à avoir !

Quentin Dupieux s'est presque toujours fait remarquer par son sens de l'absurde et sa capacité à faire des films relativement courts. L'accident de piano atteint presque l'heure et demie: on peut dire que c'est l'un des plus longs à ce jour. Reste à en apprécier le fond. Habitué à la dérision du cinéaste, je trouve que son humour grinçant s'habille cette fois (et peut-être même huit) d'un profond pessimisme.

Blague à part, QD a choisi d'aborder le petit monde des influenceurs. Magalie, son "héroïne", s'est fait connaître via le Web, en se filmant dans des situations extrêmement dangereuses. La médecine a établi que la jeune femme était insensible à la douleur: elle a donc choisi d'en profiter pour se mutiler face à la caméra et publier des vidéos sur Internet, extrêmement lucratives. Nous la découvrons flanquée d'un assistant, Patrick, dans un luxueux chalet de haute montagne choisi par lui pour qu'elle échappe un temps à la cohorte de ses fans. Misanthropes et vénaux, Magalie et lui ont du mépris l'un pour l'autre. Ils vont alors devoir le dissimuler. A minima devant une journaliste...

Pour pointer du doigt cet univers d'apparences, il est tout à fait clair que Quentin Dupieux n'y va pas par quatre chemins. Son talent avéré lui permet de construire des scènes trash, on ne peut plus explicites. Ce style peut donc choquer ou, à tout le moins, mettre mal à l'aise. C'est, à mon avis, l'effet recherché, a fortiori lorsqu'une séquence s'étire et, de ce fait, ne laisse finalement aucun répit au spectateur ébahi. Je trouve d'ailleurs fort déroutante l'une de mes impressions durables: le type derrière la caméra ne prend probablement pas parti. Hypothèse: il a de l'empathie pour ses personnages les plus abjects. Comme s'il se moquait à la fois d'eux, mais aussi de nous... et de lui !

L'une de mes amies (Aurelia !) le dit justement: L'accident de piano déboussole et pourrait bien mériter au moins un second visionnage. Vous prétendre que c'est devenu ma priorité serait mentir, toutefois. J'aime tout autant rester sur ma première sensation et l'impression favorable que m'a laissé l'incroyable prestation d'Adèle Exarchopoulos. Face à elle, Jérôme Commandeur, Sandrine Kiberlain et Karim Leklou sont plus discrets, mais ils font leur boulot, de manière honorable. Générations et familles de cinéma se croisent: de quoi se réjouir. Qu'en restera-t-il dans cinq ou dix ans ? Je ne m'en soucie qu'à moitié. Un film vient chasser l'autre ? En réalité, c'est sans doute aussi bien...

L'accident de piano
Film français de Quentin Dupieux (2025)

Dans la multitude de ses délires passés et futurs, un assez bon cru pour le cinéaste le plus dingo de France... en attendant le prochain. Aurait-il pris la relève du duo Kervern-Delépine ? Le monde tourne mal dans d'autres films comme Le grand soir ou Effacer l'historique. Encore me faut-il préciser qu'une part de tendresse y est préservée. La "noirceur sociale" n'est pas toujours aussi intense au cinéma. Ouf !

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Pour conclure et sans plus attendre...

Je vous laisse désormais lire (ou relire) l'avis enthousiaste de Pascale. Princécranoir, quant à lui, se montre intéressé et un peu plus nuancé.

samedi 2 août 2025

La vie par obstination

Je ne savais pas grand-chose du jazzman américain Keith Jarrett avant de le voir incarné par John Magaro dans un film sorti le mois dernier. J'ai ainsi découvert qu'en 1975, il n'avait encore que 29 ans quand une très jeune Allemande l'a aidé à organiser un concert unique à l'Opéra de Cologne. En venant alors à bout de nombreux obstacles...

Totalement improvisé, the Köln Concert a même pu être enregistré et, grande référence du jazz, l'album est le plus vendu dans le monde pour le piano solo, tous styles de musique confondus. Quelle histoire ! Or, comme son titre (français) l'indique, le film qui nous est proposé l'aborde par le côté: Au rythme de Vera s'intéresse au génie musical de Keith Jarrett, bien sûr, mais aussi et surtout à l'adolescente passionnée qui fut en quelque sorte sa productrice de circonstance. Vera Brandes, à peine 18 ans, s'était alors lancée dans une carrière désapprouvée par son père - ce que le film nous montre dès le début. Son incroyable audace lui a permis de vite dépasser ses limites professionnelles. Le bon scénario qui reconstitue les faits historiques s'inspire de ses explications et la montre en vraie meneuse, capable d'offrir toute son énergie à un projet et d'y embarquer une équipe. Mala Emde, que je découvre à peine, l'incarne avec vigueur et talent !

Et la musique ? Elle a évidemment une place importante dans le film. Cela dit, je préfère vous laisser l'écouter: les airs et morceaux choisis pourraient vous surprendre agréablement. Je ne suis pas féru de jazz et je m'y suis retrouvé, d'autant plus facilement qu'une scène du film consiste à nous expliquer comment cette musique a su évoluer au gré des inspirations. Et le montage rend ces explications fascinantes ! J'insiste: experts, curieux et néophytes, une bonne compréhension des enjeux du récit est à la portée de tous... et un feel good movie aussi intelligent et affirmé fait vraiment plaisir à voir, de nos jours. Au rythme de Vera, film allemand, a aussi pu compter sur le soutien de partenaires belges et polonais. Seuls 114.200 spectateurs l'ont vu dans son pays d'origine: je trouve cela étonnant (et un peu triste). J'admets qu'en France, les critiques sont restées plutôt mitigées. Projeté hors-compétition au Festival de Berlin, il mérite meilleur sort.

Au rythme de Vera
Film (belgo-polono-)allemand d'Ido Fluk (2025)

Il est bien entendu que la réalité n'est pas forcément aussi positive que ce long-métrage a bien voulu la reconstruire, mais qu'importe ! Sincèrement, je me suis régalé en découvrant cette histoire dingue ! Traitée avec intelligence, la musique est par nature un fabuleux sujet pour le cinéma (cf. Music of my life ou Yesterday, par exemple). J'enfonce des portes ouvertes ? Oui, peut-être. Et j'attends la suite...

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Peu de spectateurs pour le film, peut-être...

J'ai toutefois repéré une autre chronique (très) positive chez Pascale.

jeudi 31 juillet 2025

L'histoire du père

Allez ! Ce jeudi, un film que j'avais vu ado: Music box. Cette fiction raconte l'histoire d'un Hongrois réfugié aux États-Unis, soudain accusé d'avoir persécuté et causé la mort de civils juifs présents à Budapest à la fin de 1944. Mais les juges de son pays d'origine devront prouver qu'il a menti aux autorités américaines pour obtenir son extradition...

Accusé du pire et formel sur son innocence, Mike Laszlo a un atout important dans sa manche: sa fille Ann, une très brillante avocate. Même si ses confrères lui déconseillent, cette dernière accepte vite d'assurer la défense de son père devant le tribunal. Bon... je suppose qu'il est préférable que je vous épargne le cours de procédure pénale. Music box est en fait plus qu'un film de procès: c'est aussi un thriller haletant qui nous place - efficacement - dans la peau de son héroïne. A-t-elle raison de faire confiance à son père ? C'est l'un des enjeux d'un scénario absolument limpide et aux rebondissements multiples. Attention: si documenté soit-il, le film n'est pas... un documentaire. Inspiré, il pourrait toutefois vous inciter à ouvrir un livre d'histoire. Côté acteurs, Jessica Lange et Armin Mueller-Stahl sont convaincants. Et, disons-le: le reste du casting se montre tout à fait à la hauteur. Pas sûr que la mémoire de l'Holocauste demeure si vive de nos jours !

Music box
Film américain de Konstantinos Costa-Gavras (1989)

Vérité, erreur, mensonge et preuve sont au coeur de cette oeuvre puissante, moins cérébrale qu'il n'y paraît de prime abord et cruciale dans ce qu'elle peut nous dire des heures les plus sombres de l'Europe. Sur la Shoah elle-même, Le pianiste demeure une grande référence cinématographique. Sur le déni qui a pu suivre, je conseille aussi deux films allemands (récents): Phoenix et Le labyrinthe du silence.

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Et maintenant, un lien ?
Oui: il vous permettra de lire aussi la chronique de "L'oeil sur l'écran".

Pour conclure, un mot de mémoire...

Le film fait référence aux Croix fléchées, un parti d'extrême-droite hongrois, arrivé au pouvoir à l'automne 1944. Son abominable milice traqua et assassina de nombreux Juifs à partir du mois d'octobre. Aujourd'hui, plusieurs chaussures de bronze symbolisent les personnes abattues sur les quais ou jetées vivantes dans le Danube, à Budapest. On estime à 569.000 le nombre de victimes de la Shoah en Hongrie. Cela correspond à 69% de la population juive locale recensée en 1939.

mercredi 30 juillet 2025

Dans sa genèse

J'étais au courant que l'écrivaine Amélie Nothomb avait vécu au Japon lorsqu'elle était toute petite. J'avais aussi lu un ou deux de ses livres. Et... c'est à peu près tout ce que je savais d'elle avant de découvrir l'adaptation du roman Métaphysique des tubes (2000) en animation. Une adaptation fidèle, d'après plusieurs connaisseurs du bouquin. Go !

1969: Amélie N. n'a que deux ans et demi. Elle est la deuxième fille de ses parents et leur troisième enfant, née après Juliette et André. Son père est un diplomate belge, en poste au Pays du soleil levant. Dans le film, sa maison est un peu tapageuse avec les deux aînés. Amélie, elle, ne parle ni ne marche encore. Une voix off féminine prend la place qu'elle n'occupe pas et nous explique qu'en son for intérieur, le bébé se prend pour Dieu. On découvre alors un monde extérieur dans toute sa beauté, auprès de celle qui imagine le créer. C'est un enchantement que mobilité et parole viendront complexifier. Suis-je clair ? Pas sûr. Le film l'est davantage, très sincèrement. Visuellement irréprochable, il nous offre aussi une animation soignée. Mais attention: ce n'est pas une production Ghibli et le style choisi diffère donc profondément de celui de Hayao Miyazaki, par exemple. L'accompagnement musical est spécifique et très chouette, cela dit. Bilan: j'ai passé un bon moment, même si tout ne m'a pas intéressé avec la même intensité. Ce n'est de fait qu'une toute petite réserve...

Amélie et la métaphysique des tubes
Film français de Maïlys Vallade et Lian-Cho Han (2025)

Un duo homme-femme à la réalisation de cet opus: c'est un bel atout supplémentaire pour vous assurer qu'il mérite toute votre attention. Parfois, j'y ai retrouvé la patte de Calamity et j'ai relevé la présence de son auteur (Rémi Chayé) au générique de fin. Et du côté du cinéma japonais, je tiens à citer deux de mes préférences "miyazakesques" sur l'enfance: Ponyo sur la falaise avant Mon voisin Totoro. Arigato !

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Et pour aller plus loin...

Je vous invite à lire la chronique de Pascale, grande connaisseuse d'Amélie Nothomb et très enthousiaste à l'égard du film d'aujourd'hui.

mardi 29 juillet 2025

Des multitudes

Constater que nous sommes riches de souvenirs et profiter de la vie selon nos choix: tel est le message de Life of Chuck, un joli film salué par la critique et plutôt bien noté par ceux qui ont pu le voir. Ferai-je exception ? Non. C'est un pote qui m'a proposé cette sortie au cinéma et je ne le regrette pas. Je vais tenter de vous expliquer...

Ce n'est pas si facile, je trouve, et je n'avais que très peu d'infos concrètes sur le film avant de le découvrir sur grand écran. Il démarre avec d'autres vies que celles de Chuck, sur une planète Terre proche de l'apocalypse. Les hommes et les femmes qui sont toujours en vie voient leur situation s'aggraver de jour en jour et se demandent quand la fin va advenir. Et, aux États-Unis, ils voient des signaux apparaître là où il n'y a plus rien qui fonctionne, à propos d'un Chuck inconnu et célébrant 39 ans d'une belle vie. Nous découvrirons alors qui est cet homme et à quel stade il est arrivé sa propre existence. Originalité du dispositif: on va en fait remonter le temps à ses côtés. Adapté d'un court roman du grand Stephen King, Life of Chuck invente un avenir et introduit un peu de fantastique dans le passé. Sincèrement, sur ce point et sur la mise en scène, c'est une réussite incontestable, supérieure au tout-venant de la production américaine contemporaine. Un bémol: quelques scènes où les bons sentiments sont appuyés par une voix off un peu "bavarde". Rien de rédhibitoire !

Life of Chuck
Film américain de Mike Flanagan (2025)

Une jolie histoire - joliment racontée - et un film qui n'a rien à voir avec l'énième épisode d'une franchise: je dis donc bravo... et merci ! En précisant que les voyages dans le temps qui nous sont proposés n'équivalent pas à ceux de L'étrange histoire de Benjamin Button. Pour être complet, je les préfère ludiques (cf. Retour vers le futur) ou ésotériques (Voyage of time). Et je serai ravi d'en faire d'autres...

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Tiens, une anecdote troublante...
Dans le film, il y a notamment un (beau) personnage de grand-mère. J'ai appris après coup qu'il était interprété par l'Américaine Mia Sara. Je ne l'ai pas reconnue et pourtant... j'ai vu ses deux premiers films au cinéma: Legend (1985) et La folle journée de Ferris Bueller (86).

J'en termine avec un coup de chapeau...
L'amie Pascale est parvenue à écrire une très belle chronique du film sans presque rien dévoiler de ce qu'il raconte ! Enthousiasme garanti !

lundi 28 juillet 2025

Un réconfort spatial ?

"Toutes mes condoléances"... je ne m'attendais pas à entendre cela dans les dialogues d'un film Disney. Elio, un garçon de 11 ans, héros du film du même nom, a perdu ses parents et vit avec sa tante Olga. La jeune femme a donc renoncé à ses espoirs de devenir astronaute pour s'occuper de lui. Et la cohabitation connaît quelques difficultés...

Dernière création de l'équipe Pixar, Elio aurait subi une production chaotique avant des débuts d'exploitation très difficiles dans les salles américaines. J'avoue que je n'ai pas regardé si cela s'était amélioré ensuite ou comment cela s'était passé chez nous. Je me suis contenté de voir le film sans trop me poser de questions. Et j'ai donc constaté qu'Elio rêvait lui aussi de l'espace: persuadé que la vie extra-terrestre existe, il tente d'envoyer des signaux radio aux petits hommes verts pour les convaincre de le conduire illico vers leurs propres univers lointains. Et, surprise, c'est pile ce qui va se passer ! J'en ai assez dit sur le scénario, je crois: vous saurez si cela vous intéresse (ou pas). Étourdissant de couleurs, le long-métrage est une grande réussite formelle, même si ce qu'il raconte peut parfois manquer d'originalité. Ce n'est pas le meilleur Pixar, mais il ne mérite pas de faire un flop. Bon, je reviendrai un autre jour sur les politiques marketing Disney...

Elio
Film américain de Domee Shi et Madeline Sharafian (2025)

Précision: au nom des deux femmes ci-dessus, on ajoute parfois celui d'Adrian Molina, le coréalisateur de Coco, présent au départ du projet et peut-être un peu plus audacieux du point de vue scénaristique. Quoi qu'il en soit, j'ai passé un bon moment avec cet opus 2025. Comme devant un E.T. revisité ou un Premier contact moins adulte. La preuve que l'espace attire toujours les petits (et grands) enfants...

dimanche 27 juillet 2025

Bisounours

Et si on s'essayait à la douceur, en ce dernier dimanche de juillet ? Après le diptyque Audiard vendredi, je me suis (re)dit que beaucoup des films que je voyais évoquaient la violence ou même la mort. Souvent, ils sont directement associés aux armes à feu et au crime. Parce qu'ils reflètent nos sociétés brutales ? Très certainement, oui...

Je suppose que, comme moi, beaucoup d'entre vous ont entendu dire que nous ne vivons pas "dans le monde des Bisounours". C'est vrai. Mais combien ont une idée précise de ce que racontait ce dessin animé télévisé des années 1980 ? Je l'admets: ce n'est pas mon cas. Ce qui ne m'empêche pas de penser parfois à l'impact des images agressives, omniprésentes sur nos écrans (cinéma, télé, ordi, etc...). Sans paranoïa, mais en essayant de rester lucide sur les conséquences possibles. Demain, promis: j'ai une proposition non-violente à faire. D'autres suivront, bien sûr, car le septième art le permet largement. Le tout, c'est évidemment de ne pas l'oublier... et aussi d'en profiter !

vendredi 25 juillet 2025

Jacques, Niels, Tahar, Romain...

Douze nominations et sept trophées: cette année, vous avez pu noter que Jacques Audiard s'est offert une belle moisson de prix aux César. J'ai aujourd'hui eu envie de revenir avec vous sur deux de ses films précédemment récompensés, sortis il y a tout de même 16 et 20 ans. Dites-vous bien qu'à cette époque, certains le croyaient "imbattable" !

Un prophète (2009)
J'ai donc découvert tardivement ce film, qui a révélé Tahar Rahim. L'acteur est excellent dans le rôle de ce jeune analphabète condamné à six ans de prison pour un délit que le scénario n'explicite pas. Presque aussitôt, Malik démontre sa fragilité: deux de ses codétenus lui tombent dessus et lui volent ses chaussures. Surprise: un parrain corse respecté par certains gardiens le prend sous sa "protection". Mais il y a une contrepartie: il faudra liquider un prisonnier arabe susceptible de dénoncer les chefs et méthodes d'un réseau mafieux encore actif à l'extérieur de la maison d'arrêt. Bref... la rédemption espérée de Malik pourrait n'être possible qu'en devenant un criminel endurci. Le récit de cette transformation s'appuie sur un scénario solide. Cela dit, quelque chose me dérange aux entournures: l'aspect explicite de la violence, je suppose, là où des films comme Mesrine ou Borgo sont appuyés sur des faits avérés. Mon bilan reste positif grâce aux interprètes (Niels Arestrup au top) et à une mise en scène de haut vol. Audiard joue de ses références pour mieux les dépasser !

(+) à lire aussi:
Pascale / Dasola / Strum / Vincent / Benjamin / Lui
 
De battre mon coeur s'est arrêté (2005)
Quatre ans plus tôt, il le faisait dans ce qui reste son meilleur film d'après moi, juste derrière l'inégalé Sur mes lèvres. Ce long-métrage s'illustre entre autres grâce au (beau) rôle confié à Romain Duris. Ambigu comme rarement, le jeune trentenaire incarne Tom, un type qu'on voit vivre correctement en faisant des affaires dans l'immobilier parisien. Il est en fait très seul et subit clairement l'influence néfaste d'un père (Niels Arestrup), entouré de collègues adeptes de drogues dures et dépourvus d'états d'âme. Tom, lui, aurait voulu être pianiste comme sa mère avant lui: cela lui ouvre un chemin de rédemption. Saura-t-il l'emprunter ? Et avec qui ? Je vous laisserai le découvrir. D'emblée, la mise en scène s'avère de très bonne facture. Je dirais que, du point de vue du scénario, ce sont les personnages féminins (joués par Emmanuelle Devos, Aure Atika et surtout Linh-Dan Pham) qui sont décisifs - ou au moins révélateurs de la personnalité de Tom. Ils confèrent au film sa colonne vertébrale et offrent au protagoniste principal des chances d'évoluer. Et c'est brillant ? Non, mais pas loin...

(+) à lire aussi:
Pascale / Lui

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Un rappel pour finir...
Jacques Audiard, 73 ans, a réalisé dix longs-métrages pour le cinéma. Je vous invite à consulter la page "Les réalisateurs et réalisatrices". Emilia Pérez, le César de cette année, y est d'ores et déjà référencé. D'autres films le sont aussi. Il ne manque que Regarde les hommes tomber (2004), Dheepan (Palme d'or 2015) et Les Olympiades (2021) pour une intégrale. À suivre: cet objectif est clairement à ma portée !

mercredi 23 juillet 2025

Père et flic à Yaoundé

C'est la première fois que cela arrive: j'enchaine un troisième mois consécutif avec une présentation d'un long-métrage (franco-)africain. Pour Indomptables, je regarde vers un nouveau pays: le Cameroun. Je n'aurais pas cru pouvoir le visiter avec l'humoriste Thomas Ngijol. Dans un parfait contre-emploi, l'intéressé a choisi ici de devenir flic...

Un autre représentant des forces de l'ordre a été abattu à Yaoundé. Zacharie Billong, haut placé dans la hiérarchie, se lance sur la trace des assassins de son collègue. L'une des grandes métropoles d'Afrique subsaharienne se dévoile ainsi devant nos yeux d'Européens distants ou blasés. C'est, je crois, l'un des grands intérêts d'Indomptables. Sous ce beau titre-adjectif appliqué à l'équipe de foot du pays, le film dévoile une société hétéroclite, encore "en voie de développement" selon les critères occidentaux et qui voit ses traditions séculaires remises en question. On en oublie alors l'aspect policier du scénario pour nous intéresser plutôt au portrait de l'homme qui nous fait face. Un homme fatigué, parce qu'écartelé entre ses lourdes obligations professionnelles et sa vie de famille... particulièrement tumultueuse !

Chose étonnante, cette oeuvre de fiction s'inspire d'un documentaire sorti en 1997 (et signé Mosco Levi Boucault): Un crime à Abidjan. Comme vous l'aurez compris, le fait divers à l'origine des deux opus s'était produit en Côte d'Ivoire. À ceux qui pourraient lui reprocher d'être complaisant, Thomas Ngijol dit: "Je ne fantasme pas l'Afrique". Dans le pays de sa famille, il incarne un personnage de la génération de ses parents. Sans faire de politique, mais avec un propos assumé. Il visite sobrement le passé du continent, "ses douleurs, ses blessures qui ne sont pas guéries ou reconnues", et affirme: "Ça crée des gens complexes". Un constat dénué de toute agressivité ou ambivalence. Personnellement, je n'ai pas vu en Indomptables un film à message politique, mais je peux aussi concevoir que l'on pense le contraire. Mes connaissances des réalités africaines sont beaucoup trop limitées pour que j'en parle avec certitude ! D'autres sites existent pour cela...

Indomptables
Film (franco-)camerounais de Thomas Ngijol (2025)

Bonus: ma première "rencontre" avec l'acteur-réalisateur au cinéma. Et j'ai aimé cette heure vingt passée avec lui, dans ce pays méconnu ! Je me suis finalement retrouvé entre l'étonnante douceur d'un film comme Wallay et l'aspect documentaire brut du mémorable Makala. Difficile à décrire, mais cela m'incite à suivre la production africaine de plus près. Tout en me demandant où aura lieu ma prochaine étape.

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En attendant de le savoir...

J'ai trois conseils de lecture aujourd'hui: les avis de Pascale et Dasola ont été publiés rapidement - avant celui de Princécranoir. À vos clics !

lundi 21 juillet 2025

Une fête, une fin ?

Elle est réalisatrice, lui acteur: Ale(jandra) et Alejandro (dit Alex) travaillent ensemble sur le même film. Ils forment aussi un couple depuis 14 ans et préparent une fête... pour annoncer leur séparation ! J'ai eu envie de voir Septembre sans attendre en lisant ce pitch. 73.216 spectateurs m'ont devancé dans les salles de France l'an passé.

Cette escapade madrilène est le troisième des (huit) longs-métrages de son auteur à avoir été diffusé dans notre cher pays. Il a bénéficié d'une présentation à Cannes, à la Quinzaine des cinéastes 2024. Certains l'ont d'ailleurs comparé aux oeuvres de deux grands maîtres de la Nouvelle Vague - j'ai nommé François Truffaut et Éric Rohmer. Le premier est cité dans le film et il est possible qu'il l'ait influencé. Quant au second, je connais trop mal son travail pour livrer un avis éclairé sur ce point ! Et je vous laisserai donc juger par vous-mêmes !

Maintenant, puis-je dire que Septembre sans attendre m'a plu ? Oui. Avec un bémol, lié à un phénomène de répétition. Ce que j'ai aimé dans cette drôle d'histoire, c'est que le film qui défile devant nos yeux est apparemment celui qu'Ale et Alex sont juste en train de tourner. Cette malicieuse et discrète mise en abyme laisse le scénario évoluer dans le registre de la comédie, là où certaines séquences et situations auraient pu faire naître une émotion, sinon basculer vers le drame. Certain(e)s d'entre vous s'y reconnaîtront peut-être ! À vous de voir...

Septembre sans attendre
Film espagnol de Jonás Trueba (2024)

Entre autres sources philosophico-littéraires, cet opus nous propose de nous tourner vers le Danois Søren Kirkegaard: c'est dire au passage qu'il n'est pas forcément "tous publics". Mais il reste très accessible ! Souvenez-vous: son réalisateur est aussi celui d'Eva en août (2019). Avec lui, vous retrouverez également la comédienne Itsaso Arana. Plutôt Pedro Almodóvar et Pénelope Cruz ? Revoyez Étreintes brisées.

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MAJ (mardi 22, 10h44):

Pascale me rappelle du coté commentaires qu'elle a écrit sur le film. Vous pourrez ainsi constater que nos avis divergent... radicalement !

samedi 19 juillet 2025

Gosses de Kobe

Je ne savais pas grand-chose de Shinji Sômai, un réalisateur japonais décédé en 2001, à l'âge de 53 ans. J'avais snobé l'un de ses films repris au cinéma, mais j'en ai vu un autre: l'inattendu Jardin d'été. Cette entrée en matière m'incitera à en regarder d'autres à l'occasion. Hirokazu Kore-eda, que j'aime beaucoup, en a dit le plus grand bien...

Dans une ville de Kobe écrasée par la chaleur, trois gamins malicieux décident d'espionner un vieil homme, persuadé qu'il mourra bientôt. C'est lorsque l'un d'eux s'efforce d'évacuer les nombreux déchets entassés près de la maison du brave homme qu'ils se font surprendre. Chassés, ils reviennent vite à la charge et finissent par sympathiser avec le vieillard. Ainsi débute une surprenante amitié saisonnière faite de respect mutuel, ainsi que d'entraide, sous un soleil de plomb. Adaptation d'un roman jeunesse, le film bénéficie d'une restauration soignée, qui vient encore sublimer ses grandes qualités esthétiques. Il faut toutefois se garder de ne voir en Jardin d'été qu'un opus ordinaire: ses éléments les plus fédérateurs entraînent en fait le récit vers une révélation liée à l'histoire du Japon. Et qui rebat les cartes...

Sachez-le: ce sont les enfants qui donnent le tempo de cette histoire. C'est de leur point de vue qu'elle est racontée, avec drôlerie parfois. Les adultes, eux, ajoutent une touche dramatique, sans rien plomber. Avec quelques percées oniriques, le film reste toujours aussi tendre que le comportement des gosses à l'égard de ce "grand-père" isolé. Ouvert autour de la question de la mort, Jardin d'été célèbre la vie comme peu de films européens arrivent à le faire. Il n'est pas utile d'exiger de lui qu'il soit réaliste: ces échappées belles vers un univers fantastique délivrent son vrai message, réconciliateur et humaniste. Un message de paix bienvenu et valable pour toutes les générations. Ne vous laissez pas abuser par l'affiche dessinée: c'est bien un film tourné en images réelles - et sur pellicule 35mm - qui vous attend. Certains critiques ont parlé de conte: ce n'est pas absurde, je trouve. Un conte dont le prétendu grand méchant loup pourrait être pardonné.

Jardin d'été
Film japonais de Shinji Sômai (1994)

Le cinéma nippon est décidément empli de très bonnes surprises ! Cinquième "force" de ce blog, il nous offre ici un long-métrage touchant et une forme de parenthèse enchantée dans nos existences chahutées. Le lien avec Kore-eda se tient (cf. I wish, par exemple). Les trois enfants peuvent en outre rappeler les deux de Mud, un film américain à hauteur de môme. Il faudra que je revoie Les 400 coups.

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Sur ces bonnes paroles, une conclusion...

Vous gagneriez à parcourir aussi les avis de Pascale, Dasola et Strum.

jeudi 17 juillet 2025

Contre mauvaise fortune

Vous le savez, bien entendu: le retour de l'Iran au tout premier rang de l'actu internationale ne s'explique pas seulement par l'attribution de la Palme d'or 2025 à Jafar Panahi (NB: le film sort le 1er octobre). Reste que ce jeudi, je ne parlerai que de cinéma ! J'ai saisi l'occasion de rattraper Leila et ses frères, que j'avais loupé en salles en 2022...

Les enfants de la famille Jourablou peinent à joindre les deux bouts. Alireza vient de perdre son boulot et ses trois frangins vivotent. Leila, la seule fille, s'inquiète de leurs magouilles et semble disposée à renoncer à son emploi stable pour ouvrir une boutique familiale dans un ensemble commercial - un "plan B" potentiellement lucratif. Ambitieuse, la jeune femme lorgne aussi sur les économies d'Esmail, le père, qui se voit plutôt les offrir à un cousin en passe de se marier. Son objectif à lui ? Obtenir enfin le respect des hommes de son clan...

Comme vous l'aurez sans doute compris, c'est le portrait d'une société entravée par ses vieilles traditions et un ordre social quasi-archaïque que dessine Leila et ses frères. La route des hommes et des femmes est tracée d'avance: les puissants le resteront et, grâce à la fortune dont ils disposent, sauront toujours faire plier les autres sous le poids de leur mépris. Celui ou celle qui imaginerait bâtir un autre destin pour les siens se heurterait aussitôt à des murs infranchissables. C'est ce que nous assène le scénario, pendant deux heures et demie. J'ai plutôt su apprécier cette longueur... et la conclusion m'a cueilli. J'espère qu'un max d'autres films iraniens arriveront jusqu'en France !

Leila et ses frères
Film iranien de Saeed Roustayi (2022)

Primé à Cannes, le film a valu à son réalisateur... six mois de prison pour "contribution à la propagande de l'opposition contre le système islamique". Bref, il n'est jamais aisé de faire du cinéma à Téhéran ! Avant d'en reparler à l'automne, je vous recommande d'autres films en rubrique "Cinéma du monde". L'incontournable Une séparation flirte avec Les chats persans, Les graines du figuier sauvage, etc...

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Une précision sur le nom du cinéaste...

Il est parfois retranscrit sous une forme anglo-saxonne: Roustaee. C'est même ainsi qu'il apparaît sur l'affiche française du film. Ouais...

Et, pour finir, quelques liens à suivre aussi...

Vous pourrez ainsi lire ou relire les avis de Pascale, Dasola et Vincent.

mardi 15 juillet 2025

Après maintes traversées

On imagine volontiers Ulysse en héros, assez rusé pour prendre Troie grâce à un cheval de bois et suffisamment fort pour écarter les périls qui, après vingt ans de guerre, veulent l'empêcher de rentrer chez lui. En juin, un film est venu raconter une autre version de la légende. Son titre bilingue est très incongru: The return - Le retour d'Ulysse !

Cette désignation tient sans doute au fait que les producteurs du film n'ont pas eu envie de se prendre la tête avec les nationalités multiples de ce fameux opus, américain, français, britannique, italien et grec. Passons ! De mon côté, j'étais plutôt content de suivre Ralph Fiennes dans un rôle qui lui va bien: celui d'un Ulysse revenu à la fois meurtri et désabusé de ses aventures lointaines. Reprendre le trône d'Ithaque n'a même pas l'air d'être sa priorité, ce qui donnerait presque raison aux prétendants qui rôdent autour de sa femme, la fidèle Pénélope, affirmant qu'il l'a abandonnée, s'il n'est pas mort depuis des lustres. Télémaque, son fils, voue aux gémonies ce père toujours absent. D'après le mythe, c'est Argos, le chien d'Ulysse, qui le reconnaîtra avant tout le monde. Bref... les très grandes lignes du récit antique sont respectées, mais c'est à un roi fatigué que nous avons affaire. Après tout, pourquoi pas ? Homère lui-même aurait pu le concevoir...

Le film a un autre atout: Juliette Binoche dans le presque-unique rôle féminin. L'allure hiératique de la comédienne et ses quelques rides apparentes rendent son - beau - personnage de résistante crédible. Rien que pour elle et son premier partenaire, The return... mérite d'être vu. Attention, toutefois: c'est un film assez long (deux heures). Il est possible que vous soyez quelque peu dérouté par les postures quasi-théatrales que prennent les acteurs, voire par leurs répliques. Les scènes intérieures manquent parfois de souffle, malgré la qualité indéniable des décors et des costumes. Je peux dès lors comprendre que l'on s'ennuie devant un tel spectacle, bien peu épique, finalement. Je pense que vous saurez dès les premières minutes si cela convient pour vous... ou même avant, rien qu'en regardant la bande-annonce. Vous n'êtes bien sûr pas obligés d'insister si vous ne le sentez pas. C'est un fait: le jour même de la sortie, j'étais tout seul dans la salle !

The return - Le retour d'Ulysse
Film britannique d'Uberto Pasolini (2024)

Le premier Ulysse que j'ai connu voguait dans l'espace intergalactique et son fils avait pour ami un petit robot rouge, qu'il appelait Nono. Cruel, le temps l'avait moins éprouvé que le héros du film du jour ! Vous cherchez un entre-deux ? Je vous suggère de revoir Kirk Douglas dans ses jeunes oeuvres et donc le Ulysse de Mario Camerini (1954). Vous pouvez aussi attendre 2026 et la version de Christopher Nolan...

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Je vous montre un autre chemin ?

Oui: une seconde chronique (ironique) n'attend que vous chez Pascale.

lundi 14 juillet 2025

À vos titres !

Bonne Fête nationale à toutes et tous, les ami(e)s ! J'ai une question pour vous: toutes époques et tous genres confondus, quel(s) film(s) serai(en)t à vos yeux le(s) plus représentatif(s) de l'esprit français ? Soyez sans crainte: il n'y a pas de bonnes ou de mauvaises réponses. J'espère juste relever quelques titres - pour les découvrir à mon tour !

Vous le savez: j'estime que le cinéma est un plaisir qui se partage. L'été venu, il y a peut-être un peu moins de films très intéressants dans les salles, mais les projections en plein air organisées ici et là sont souvent une alternative agréable (surtout à la nuit tombante). Comme le plein hiver, la belle saison peut ainsi être l'occasion idéale pour s'intéresser à certaines oeuvres que le tout-venant des sorties hebdomadaires tend à dissimuler en temps ordinaire. Selon ses goûts propres et ses opportunités, chacun jugera de l'intérêt de s'adonner aux plaisirs infinis du septième art à cette belle période de l'année. Moi ? Je m'octroierai bien une pause, mais sûrement pas dès demain !

dimanche 13 juillet 2025

La lame et le sang

Écrire une chronique comme on écrirait un haïku paraît difficile. L'extrême concision des poèmes japonais me semble inconciliable avec l'idée même du cinéma, qui raconte des histoires longues. Reste que Tuer ! ne prend qu'une heure dix pour un récit situé dans le Japon féodal du 19ème siècle. Tout cela aura suffi... à attirer ma curiosité !

La mère de Shingo a assassiné la maîtresse du chef de son clan. L'enfant n'est pas resté avec son père: encore bébé, il a été confié aux bons soins d'un samouraï qui l'a élevé comme son propre fils. Devenu grand, le petit rescapé est ensuite parti découvrir le monde pendant quelques années, avant de revenir à son foyer d'adoption. C'est ensuite - et après la découverte de ses véritables origines familiales - que son destin glissera à nouveau sur une pente funeste. Tuer ! exalte de nobles valeurs, mais, comme ses premières images et son titre vous le suggèreront, c'est un film dominé par la mort. J'avoue que je ne m'y attendais pas (ou en tout cas pas à ce point). Malgré sa brièveté, il m'a donc surpris et - à chaud - un peu déçu. Cela dit, après avoir pris un peu de recul, je précise que les plans sont souvent d'une grande beauté, que les séquences soient tournées en extérieur ou en intérieur. Je n'aurai jamais fini de m'émerveiller...

Tuer !
Film japonais de Kenji Misumi (1962)

Je suis ravi d'ajouter aujourd'hui le nom d'un réalisateur (prolifique !) à la liste de mes connaissances liées au cinéma nippon "classique". Bon... j'ai vu mieux et par exemple, cette année, sur un scénario comparable, le superbe L'intendant Sansho, sorti huit ans plus tôt. Côté fresques, Les sept samouraïs fait toujours office de référence incontournable. Et on peut aussi aimer la sobriété d'Après la pluie...

samedi 12 juillet 2025

En l'absence du père

Winter's bone ? Voilà un film que je voulais voir depuis longtemps ! Certains d'entre vous le connaissent et/ou ont pu lire le roman noir dont il est tiré, publié en français sous le titre Un hiver de glace. Personnellement, c'est d'abord l'actrice américaine Jennifer Lawrence que je tenais à (re)voir. Or, ce long-métrage l'a pleinement révélée...

Du haut de ses vingt ans, JLaw tient le rôle principal de ce thriller planté au milieu des Monts Ozarks, une vaste région des États-Unis couvrant 122.000 km² entre Missouri, Arkansas, Kansas et Oklahoma. Ree, courageuse adolescente, doit s'occuper seule de sa mère malade, de sa soeur et de son frère (6 et 12 ans), en l'absence de son père. Sorti de prison, mais en attente d'un procès pour trafic de drogues dures, ce dernier n'est pas rentré chez lui et a totalement disparu. Conséquence: Ree et les siens se retrouvent dans une situation extrêmement précaire, d'autant que la maison familiale fait l'objet d'une hypothèque et pourrait être saisie rapidement. Il est nécessaire et urgent que Ree retrouve son père pour débloquer cette situation ! Vous l'aurez sûrement compris: ce ne sera pas une partie de plaisir. Déterminée, la jeune femme ne comptera que de maigres soutiens pour l'aider. Et devra au contraire affronter une menace, insidieuse...

Cette image, apparue dans les premiers instants du long-métrage, donne le ton: Winter's bone est un grand film d'atmosphère, tendu jusque dans ses derniers instants. En réalité, à partir d'une énigme digne de la meilleure littérature policière, c'est l'effrayant portrait d'une communauté repliée sur elle-même et gangrénée par le crime que l'on découvre. Mais rien de trop invraisemblable: exception faite d'une scène liée à un cauchemar, ce que nous voyons pourrait exister. C'est ce réalisme brut qui, à mon avis, nous permet de nous attacher au personnage de Ree. Face à l'absence du père, nous avons envie qu'elle comprenne ce qui se passe et parvienne à sauver sa famille. Résultat: le scénario nous fait alors frissonner à maintes reprises. Tout cela m'a donné envie de revenir à la source littéraire un jour prochain et à dénicher, peut-être, d'autres films du même genre. J'imagine qu'il est mieux de ne les apprécier... qu'au compte-gouttes !

Winter's bone
Film américain de Debra Granik (2010)

Attention: ce très bon film contient - au moins - deux scènes "choc" susceptibles d'épouvanter les âmes les plus sensibles. Son héroïne adolescente ne garantit pas qu'il convienne aux jeunes du même âge. Cette réserve posée, je le comparerais bien à Trois jours et une vie. Pour l'aspect enfermé au sein d'une petite communauté, Le village reste une bonne référence. Son petit plus: une dimension fantastique.

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Et aujourd'hui, en complément de programme...

Je vous recommande de lire les chroniques de Pascale, Dasola et Lui.

vendredi 11 juillet 2025

Débrouille et propreté

Un petit film avec Amy Adams et Emily Blunt: c'est ce que j'ai regardé dernièrement entre deux productions - a priori - plus "ambitieuses". J'apprécie ces actrices et constate que leurs carrières respectives étaient déjà bien lancées l'année de la sortie de Sunshine Cleaning. Précision: Amy avait alors 36 ans, Emily seulement 27. Le temps file !

Mère célibataire, Rose Lorkowski travaille comme femme de ménage et vit une relation peu épanouissante avec Mac, un vieux copain d'école devenu flic, sympa, mais incapable de quitter sa femme. Norah, sa jeune soeur, a perdu son job de serveuse et tire le Diable par la queue. Les deux frangines vont finalement trouver un terrain d'entente, s'associer et devenir nettoyeuses de scènes de crime ! Voilà... Sunshine Cleaning n'est que cela: la description (amusante) des galères de deux frangines et donc de leur manière de s'organiser pour s'en sortir. On découvrira également leur père, un type farfelu embarqué dans de drôles de combines commerciales, et le pourquoi de l'absence d'une mère pour compléter la famille américaine lambda. Rien de très folichon, mais pour une soirée télé, ça convient encore...

Sunshine Cleaning
Film américain de Christine Jeffs (2009)

Vous l'aurez compris: je n'ai pas grand-chose à raconter, cette fois. Divertissant, le film n'a rien d'un incontournable, mais sa modestie joue pour lui et les comédiennes font bien leur job, tout simplement. Chose étonnante: je suis persuadé que le talent pour la débrouille demeure un argument de scénario récurrent, mais ne vois aucun opus comparable à recommander ! Vous, oui ? Direction les commentaires !

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Et en remontant le fil du temps...

Vous pouvez toujours retrouver cette histoire chez Pascale et Dasola.

jeudi 10 juillet 2025

Ennio

Cinq ans (et quatre jours) après sa disparition, il n'est pas trop tard pour évoquer l'immense Morricone. Je n'ai pas encore fixé de date précise, mais soyez-en assurés: je compte bien voir le documentaire que Giuseppe Tornatore - encore lui ! - a consacré à ce vrai magicien. Pas de doute: de nombreux artistes de cinéma lui doivent beaucoup...

Je n'ai pas forcément grand-chose à vous apprendre sur le musicien, compositeur et chef d'orchestre né à Rome en 1928, la même année que mes grands-parents maternels. Il occupe une place privilégiée dans mon propre Panthéon lié au cinéma, ses créations symphoniques venant bien souvent sublimer les images des meilleurs réalisateurs. Sergio Leone, disait-on, le laissait composer avant même de tourner !

Mario, le père d'Ennio, était trompettiste dans des orchestres de jazz. Cinéphiles, vous savez sûrement que l'instrument est très présent dans les bandes-originales de certains classiques du cinéma italien. Morricone fils n'a toutefois pas écrit que pour le septième art. Wikipédia m'a appris en juin qu'il avait même fait quelques incursions dans la chanson, collaborant ainsi avec des artistes francophones comme Mireille Mathieu ou Richard Cocciante, à titre d'exemples. Tout ne m'intéresse pas avec la même intensité et c'est normal, non ?

Vous vous sentez plus investis, vous ? Je serais heureux de le savoir. J'admets volontiers que j'ai encore beaucoup de choses à apprendre sur le maestro. Et bien sûr beaucoup de choses à écouter, également. D'une manière générale, je crois être trop peu attentif à la musique des films que je visionne. J'hésite encore un peu à placer Morricone parmi les meilleurs des meilleurs, pour la simple raison que je connais trop mal les autres, morts ou vivants, retraités ou toujours actifs. C'est pourquoi je reviendrai sûrement sur le sujet, un jour prochain...

En attendant, voici la liste complète des films présentés sur le blog et dont le grand Ennio a signé la bande-originale. De quoi se régaler !
- I Basilischi / Lina Wertmüller / 1963,
- Et pour quelques dollars de plus / Sergio Leone / 1965,
- Le bon, la brute et le truand / Sergio Leone / 1966,
- Colorado / Sergio Sollima / 1966,
- Le dernier face à face / Sergio Sollima / 1967,
- Il était une fois dans l'Ouest / Sergio Leone / 1968,
- Le grand silence / Sergio Corbucci / 1968,
- El mercenario / Sergio Corbucci / 1968,
- L'oiseau au plumage de cristal / Dario Argento / 1970,
- Compañeros / Sergio Corbucci / 1970,
- Il était une fois la révolution / Sergio Leone / 1971,
- Sans mobile apparent / Philippe Labro / 1971,
- Mon nom est Personne / Tonino Valerii / 1973,
- Peur sur la ville / Henri Verneuil / 1974,
- Un génie, deux associés, une cloche / Damiano Damiani / 1975,
- 1900 / Bernardo Bertolucci / 1976,
- Les moissons du ciel / Terrence Malick / 1978,
- Le ruffian / José Giovanni / 1983,
- Mission / Roland Joffé / 1986,
- Frantic / Roman Polanski / 1988,
- Cinema Paradiso / Giuseppe Tornatore / 1988,
- Ils vont tous bien ! / Giuseppe Tornatore / 1990,
- La cité de la joie / Roland Joffé / 1992,
- The best offer / Giuseppe Tornatore / 2013,
- Les 8 salopards / Quentin Tarantino / 2015.

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Vous avez d'autres références ?

Je suis tout ouïe, qu'elles aient été composées pour le cinéma ou pas. Idem si vous avez des infos sur la musique d'Andrea, un fils d'Ennio. NB: Marco, l'aîné, estime... à 6.000 le nombre d'oeuvres de son père !

mardi 8 juillet 2025

Un autre étrange voyage

Une fois n'est pas coutume: c'est un bref extrait de sa bande originale qui m'a donné envie de découvrir un film. Le fait que le rôle principal ait été confié à Marcello Mastroianni a ensuite fini de me convaincre que la reprise d'Ils vont tous bien ! au cinéma serait l'occasion idéale pour découvrir ce film. Je n'en avais pas entendu parler auparavant...

Méconnaissable derrière ses très grosses lunettes et sa moustache blanche, l'acteur italien avait presque 66 ans quand cet opus est sorti dans les salles françaises (en avance d'un mois sur les transalpines). Toujours au mieux de sa forme, il incarne cette fois un vieux Sicilien dénommé Matteo Scuro, retraité du service de l'état civil d'une mairie de sa région et père de cinq enfants - deux filles et trois garçons. Alvaro, Guglielmo, Tosca, Norma et Canio: ce passionné d'art lyrique a donné à chacun de ses descendants le prénom d'un personnage d'opéra. Et, sans les prévenir, il a décidé d'aller leur rendre visite successivement pour les inviter à un grand rassemblement familial. Ainsi débutera un long voyage qui, parti de Palerme, passera d'abord par Naples, puis par Rome, Florence, Milan et Turin. Les touristes passeront leur chemin: je vous laisse à présent découvrir la manière dont ces grandes villes sont abordées, présentées et/ou contournées !

Une certitude: Giuseppe Tornatore, le réalisateur, s'est bien entouré. Et pas seulement par le grand Ennio Morricone, même si c'est donc lui qui a composé la musique du film. Je donne raison à une critique aperçue avant la projection: le cinéaste est aussi sous l'influence d'autres maîtres du cinéma italien, Ettore Scola et Federico Fellini. Rassurez-vous: Ils vont tous bien ! reste un film très compréhensible et tout à fait tenu. C'est avec plaisir que j'y ai retrouvé le côté aigre-doux des meilleures comédies du pays et un certain regard tendre sur ces gens que l'on juge trop souvent "très ordinaires". Surprise: Marcello Mastroianni est incontestablement le personnage central de cette histoire, mais il n'y a pas toujours le beau rôle. Franchement, quel plaisir de découvrir tout cela, un peu par hasard ! Les deux heures de métrage sont vraiment passées à toute vitesse. Elles confirment mon intérêt encore croissant pour le cinéma italien...

Ils vont tous bien !
Film italien de Giuseppe Tornatore (1990)
Un rappel: deux ans plus tôt, le réalisateur signait un autre classique des films tendres italiens, à savoir le joli Cinema Paradiso. Son nom entre petit à petit dans mon Panthéon, même s'il reste en retrait d'auteurs plus "importants" - qui l'ont précédé en haut de l'affiche. Pour apprécier un second périple étonnant, je suggère de retourner vers Un étrange voyage (avec Jean Rochefort). Une autre perle rare !

lundi 7 juillet 2025

Des flingues et du sucre

Ce n'est pas aujourd'hui que je vous offrirai une analyse pertinente sur les étapes historiques du cinéma chinois. Un hasard - malicieux - m'a toutefois permis de découvrir Moonlight Express, un film produit à Hong-Kong (avec également quelques subsides japonais) en 1999. Rappel: en 1997, le Royaume-Uni rétrocédait le territoire à la Chine...

Loin des considérations géopolitiques, j'ai décidé de regarder ce film simplement parce que son pitch évoquait... une jeune femme en deuil après la mort soudaine de son petit ami dans un accident de voiture. Je pensais qu'après Another end, un tel "doublé" pouvait se justifier. Malheureusement, j'ai assez vite déchanté: cet opus made in Asia m'est vite apparu moins captivant que son prédécesseur (sur le blog) !
 
Ivre de tristesse, Hitomi, l'héroïne, est ébranlée par une rencontre improbable avec le sosie de feu son compagnon. Elle s'étonne un peu de cette ressemblance et, même si l'inconnu la traite presque aussitôt comme une paumée (voire pire), elle s'attache très rapidement à lui. Ce qui va la conduire à vivre dangereusement, le dénommé Karbo exerçant le joyeux métier de flic infiltré dans un réseau mafieux. D'après ce que j'ai lu ensuite, Moonlight Express s'inscrit en réalité dans une veine classique du cinéma de Hong-Kong: le film policier romantique. Le gros problème pour moi: cet opus dégouline de sucre ! Je n'ai pas réussi à croire aux personnages, ni même à leur évolution.

Moonlight Express
Film hongkongais de Daniel Lee (1999)

Je ne descends pas sous deux étoiles, non: je me dis que ce machin mal fagoté peut correspondre au goût d'un certain public (asiatique ?). Je fais le même bilan que devant les Japonais de First love, donc. Pour un bon film policier en Asie, je préfère vous renvoyer en Corée et vers le génial Memories of murder - un exemple parmi d'autres. Vous y êtes ? Restez-y avec My sassy girl et les aspects romantiques !

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Un (dernier) mot sur l'acteur principal du film du jour...

À défaut de liens amis à vous proposer, je crois que Leslie Cheung mérite bien un petit hommage. Il avait 43 ans quand le film est sorti et donc (presque) seize de plus que sa partenaire, Takako Tokiwa. Acteur et chanteur, son rôle le mieux connu et apprécié en Europe reste sûrement celui d'Adieu ma concubine, co-Palme d'or en 1993. D'après une rumeur folle de la Croisette, il aurait alors manqué le Prix d'interprétation à une voix près, un juré l'ayant pris pour une femme. Star dans son pays, il souffrait de dépression et s'est suicidé en 2003.

samedi 5 juillet 2025

Un dernier adieu

Sal refuse toujours de danser s'il n'est pas d'abord un peu éméché. C'est la conviction de Zoe, sa compagne, avec qui il boit un verre avant de sortir faire la fête. Erreur: le couple a un accident, mortel pour la jeune femme. Quelque temps plus tard, le tout dernier recours d'un homme désespéré pourrait venir... de l'innovation technologique.

Another end
s'appuie sur l'idée qu'une opération permet l'implantation complète (et provisoire) du caractère et des souvenirs d'une personne décédée dans le corps d'une autre, volontaire, qu'on appelle l'Hôte. L'objectif est de permettre aux vivants de mieux faire leur deuil quand ils y parviennent mal et/ou quand ils n'y étaient pas préparés. Après examen du demandeur, ce sont les scientifiques eux-mêmes qui déterminent ce qui est possible et combien de temps l'expérience peut durer. Avec Sal et pour Zoe, son Absente, le procédé "marche". Autant vous le dire: ce film de SF que certains critiques de la presse spécialisée jugent trop référencé ou même balourd m'a beaucoup plu. J'ai notamment été très satisfait d'y retrouver Gael Garcia Bernal dans le rôle principal, ainsi que Bérénice Bejo (Ebe, la soeur de Sal). Venu d'Italie, ce film parle anglais et espagnol: ce n'est pas gênant. Les beaux cadres urbains et la musique créent l'atmosphère parfaite !

Et puis, il y a Renate Reinsve, cette remarquable actrice norvégienne que vous connaissez peut-être... et que je viens juste de découvrir. Elle hérite du rôle le plus complexe et s'en tire admirablement. Comprenez bien une chose: Another end ne repose pas sur des effets spéciaux spectaculaires: c'est pour ainsi dire une oeuvre d'ambiance. J'imagine qu'on peut être dérouté par son côté explicite par les mots. C'est vrai que les images, elles, sont essentiellement fonctionnelles. L'ensemble du métrage n'en vient pas moins nous solliciter sur le plan émotionnel: cette histoire est bien, au départ, d'une grande tristesse. Mais derrière le rideau des larmes, une réflexion sur ce qui fait la vie humaine enrichit bien sûr le scénario d'une dimension philosophique que je veux croire universelle. À la portée de toutes et tous, donc. Bien entendu, ce n'est pas forcément pour affronter ce genre de récits que vous aimez aller au cinéma: je peux comprendre cette réserve. Apparemment, le film reste très confidentiel: je ne suis pas surpris. Je l'ai regardé un après-midi de grand soleil et je ne le regrette pas...

Another end
Film (franco-britannico-)italien de Piero Messina (2025)

Je suis vraiment exigeant avec la science-fiction et j'ai été happé. Sans conteste, les trois acteurs principaux y sont pour quelque chose. Tout a fonctionné pour moi dans ce récit situé dans un cadre urbain moderne et que cet opus aura choisi de conjuguer au futur proche. Pour comparer, Bienvenue à Gattaca, A.I. : Intelligence Artificielle et Eternal sunshine of the spotless mind sont des joyaux à (re)voir !