jeudi 19 juin 2025

Un père et manque

Le célibat est-il plus facile à vivre... quand on est avec son enfant ? C'est la question que pose le réalisateur et scénariste Erwan Le Duc dans son second long-métrage: le bien nommé La fille de son père. Céleste Brunnquell - 22 ans - et Nahuel Pérez Biscayart - 39 ans - tiennent les rôles principaux de cette petite comédie au coeur tendre.

Tout débute par un coup de foudre réciproque entre Étienne, joueur de football, et Valérie, étudiante, qui se retrouvent dans une manif' dispersée par la police. C'est en échappant ensemble à un contrôle que nos deux protagonistes se découvrent amoureux l'un de l'autre. Patatras ! Pile-poil neuf mois plus tard, Rosa déboule dans leurs vies empressées. Un bébé qui conduit sa maman à fuir, laissant le papa tout triste et bien seul face aux obligations parentales. Fondu au noir et avance rapide: nous retrouvons Rosa adolescente, à quelques jours d'un déménagement à Metz, la ville de son école d'art. Un événement qu'Étienne voit arriver avec une bonne dose d'angoisse existentielle. Bon... je suppose que vous aurez compris l'idée générale du scénario. Le film fait mouche notamment grâce à une galerie de personnages secondaires, des dialogues ciselés et des situations amusantes. Souvent crédible, il se fait parfois loufoque - ce qui ne gâche rien. C'est avec un certain brio qu'il évite tout ce que son point de départ pouvait avoir de trop sucré. Résultat: un feel good movie très réussi !

La fille de son père
Film français d'Erwan Le Duc (2023)

Une preuve parmi d'autres que le cinéma français recèle de talents comiques plus intéressants que ceux de certaines têtes d'affiches. Vous en doutez encore ? Je vous conseille humblement de jeter un oeil du côté de Perdrix, le premier film du même (jeune) réalisateur. Après avoir tourné une série policière, j'ignore si Le Duc conservera ce cap. Mais j'aimerais le suivre, si j'arrive à avoir de ses nouvelles...

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Et en attendant d'en savoir plus...

Je vous suggère de lire également la chronique de Pascale sur le film.

lundi 16 juin 2025

Après le crime

Dans une région de la Tunisie, on dit de quelqu'un qu'il est rouge quand on le juge vaillant, résilient, capable de faire face à l'adversité. C'est ce que j'ai appris le mois dernier quand je suis allé au cinéma pour voir Les enfants rouges, le second long-métrage d'un auteur dont le premier film reste inédit en France. Une très belle découverte.

Âmes sensibles, accrochez-vous ! Cet opus revient sur un drame effroyable: l'assassinat de Mabrouk Soltani, un adolescent de 17 ans qui était berger dans les montagnes du centre de son pays. Un acte survenu en novembre 2015 et qui fut revendiqué par l'État islamique. Cet abominable crime accompli, les tueurs ont battu le jeune cousin présent avec le supplicié et exigé qu'il ramène sa tête à la famille. Tout cela est montré de manière directe lors des premières minutes du long-métrage - seul le visage des meurtriers reste alors invisible. C'est ensuite que Les enfants rouges débute vraiment: pas question d'enquête policière ou de vendetta, mais d'observation rapprochée des suites et conséquences d'un telle horreur sur la vie quotidienne d'une petite communauté rurale. On découvre alors la beauté sauvage de cette partie du monde dont, en France, nous ne parlons guère. D'emblée, quelque chose m'a frappé: au lendemain des faits, le décor reste identique ! Comme si, sous ce soleil, rien ne pourrait changer...

Vous pouvez l'imaginer: Les enfants rouges est un film très aride. Minéral comme le cadre dans lequel il s'inscrit, il ne sombre jamais dans le pathos. Au contraire, il témoigne d'une remarquable retenue. Pas de reconstitution racoleuse: ce que le scénario a de plus sombre est exprimé en pleine lumière, sans larmes, sans cris, sans violons. C'est l'occasion aussi d'en apprendre davantage sur l'organisation sociétale d'un pays assez proche du nôtre, géographiquement parlant. Comme d'autres traitant de sujets douloureux, le metteur en scène s'autorise quelques apartés oniriques, sans rien retirer à la puissance de son récit. Pas de doute: nous sommes bien au cinéma. Un cinéma vecteur de mémoire et que je juge de ce fait important car porteur de valeurs universelles. "C'est la dimension intime de cette tragédie que je voulais explorer", a indiqué le réalisateur dans une interview. J'ajoute qu'il y est parvenu sans pourtant tenir à l'écart le spectateur. Il vous faudra sans doute un peu de temps pour reprendre vos esprits.

Les enfants rouges
Film tunisien de Lofti Achour (2024)

Ce long-métrage puissant a été présenté dans plusieurs festivals internationaux et mérite à mes yeux une reconnaissance plus large. J'ai envie de le rapprocher d'un film algérien: Le repenti, une oeuvre tendue où Merzak Allouache évoquait les années noires de son pays. Le terrorisme islamique est aussi l'un des sujets forts de Timbuktu. Fermer les yeux sur ces beaux films serait tout de même regrettable !

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Une dernière précision...
La plupart des acteurs sont amateurs et ils sont tous charismatiques. Une jeune fille incarne même un espoir, le temps de quelques scènes.

Vous voudriez lire un autre avis ?
C'est bien entendu tout à fait possible: je vous relie à celui de Dasola.

dimanche 15 juin 2025

Quel ennui !

Je vous prie de ne pas douter que j'aime beaucoup Catherine Frot. C'est pour elle que j'ai regardé La dilettante, un film plutôt apprécié. Or, malgré sa présence constante, cette histoire m'a vite enquiquiné. En réalité, je n'ai ressenti d'empathie avec aucun des personnages. Trop peu de liant collectif et bien trop d'invraisemblances à mon goût.

Catherine Frot n'y est pour rien et la justesse de son jeu est un atout évident pour ce film bancal à plus d'un titre. La comédienne - 43 ans - s'amuse à incarner Pierrette Dumortier, une bourgeoise très BCBG partie de Suisse pour vivre à Paris et se rapprocher de ses enfants. Qu'importe si Éric travaille et si Nathalie se passionne pour ses études égyptologiques: leur mère leur explique qu'ils auraient mieux à faire. Nous avons donc droit au portrait (à peine vitriolé) d'une quinqua dirigiste et plutôt pénible, malgré la candeur de sa nature profonde. Elle sera tour à tour surveillante dans un collège en zone prioritaire, serveuse dans un bistro et complice "malgré elle" d'un marchand d'arts aux pratiques douteuses. Le tout en étant très frivole côté coeur. Serait-ce une comédie ? Possible, mais cela ne m'a jamais fait rire. Faiblard sur le fond, j'ai trouvé que le long-métrage l'était également sur la forme. Je ne retiens guère que les points négatifs. Dommage...

La dilettante
Film français de Pascal Thomas (1999)

Oui, deux étoiles, c'est fort peu, mais vraiment, j'ai trouvé le temps long ! J'aurais sans doute mieux aimé le film si le personnage principal avait été un peu malmené par les autres. Bon... tant pis. Amateurs de "boulets", je vous recommande plutôt L'emmerdeur. Vous avez d'autres casse-pieds de cinéma à me conseiller ? J'écoute. Et on se retrouvera lundi midi, autour d'un film d'un tout autre genre !

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Et si vous alliez voir ailleurs ?

Vous pourrez lire d'autres avis sur le film - proposés par Dasola et Lui.

Vous pourrez aussi retrouver Catherine Frot en...
- 1996 dans Un air de famille de Cédric Klapisch,
- 2003 dans Chouchou de Merzak Allouache,
- 2009 dans Le vilain d'Albert Dupontel,
- 2011 dans Coup d'éclat de José Alcala
- 2015 dans Marguerite de Xavier Giannoli,
- 2019 dans Qui m'aime me suive ! de José Alcala,
- 2020 dans Sous les étoiles de Paris de Claus Drexel,
- 2020 encore dans La fine fleur de Pierre Pinaud.

vendredi 13 juin 2025

De l'âme des animés

Je n'avais pas prévu ça très à l'avance, mais je trouve que cela tombe au bon moment: après vous avoir présenté un film d'animation primé à Annecy en 2024, je publie à la veille du palmarès de l'édition 2025. C'est l'occasion de reparler du cinéma de cette nature, si populaire aujourd'hui... et qui, d'après moi, autorise toutes les extravagances !

Féru de chiffres, je me suis souvent demandé quels étaient les pays classés parmi les principaux producteurs de cinéma d'animation. Apparemment, la France est au pied du podium, loin derrière le trio principal que constituent les États-Unis, le Japon et le Royaume-Uni. Et la Lettonie, que j'évoquais mercredi ? Je l'ignore, mais j'ai appris qu'au siècle dernier, assez discrète côté fictions, elle sortait du lot pour la qualité de ses films documentaires - sans plus de précisions. Quand ma soif de statistiques se réveille, je me dis qu'il serait bien de noter le nombre, le genre, l'origine ou encore l'année des animés que je découvre au gré de ma cinéphilie compulsive ! Je reste sage et, face à l'ampleur supposée de la tâche, laisse ces longs-métrages mêlés au grand tout. Ils apparaissent juste en bleu dans mes index...

Pour votre gouverne et/ou votre plaisir, je me suis dit qu'il serait intéressant de pointer les films qui ont reçu le Cristal du long-métrage au Festival d'Annecy parmi ceux qui animent Mille et une bobines. Apparue sous le nom de Grand Prix, cette récompense était attribuée tous les deux ans entre 1985 et 1997. Elle l'est annuellement depuis. Une exception: le millésime 2000, où elle n'a pas été décernée. Bref...
- 1993 : Porco Rosso / Hayao Miyazaki,
- 2009 : Coraline / Henry Selick,
- 2009 (ex-aequo) : Mary et Max / Adam Elliot,
- 2010 : Fantastic Mr. Fox / Wes Anderson,
- 2011 : Le chat du rabbin / Joann Sfar et Antoine Delesvaux,
- 2014 : Le garçon et le monde / Alê Abreu,
- 2016 : Ma vie de Courgette / Claude Barras,
- 2019 : J'ai perdu mon corps / Jérémy Clapin,
- 2020 : Calamity - Une enfance de M. J. Cannary / Rémi Chayé.

Avec ces neuf films, vous avez déjà une bonne base de découverte pour le cinéma d'animation - si vous ne vous y intéressez pas encore. Bon... c'est à vous de bosser, maintenant. La partie "commentaires" accueillera volontiers vos suggestions, critiques et autres remarques autour de ce vaste champ du septième art international. Je suis sûr qu'il me reste beaucoup à découvrir et à partager. Alors, lâchez-vous !

mercredi 11 juin 2025

Un règne animal ?

Mon film du jour était sorti dans les salles françaises à la fin du mois d'octobre, l'année dernière, et je l'ai vu dans un cinéma... le 13 mai. Flow - Le chat qui n'avait plus peur de l'eau mérite l'écran géant. C'est un animé imaginé par un réalisateur letton, d'une grande beauté visuelle. Aucun être humain à l'image. Du son ? Oui. Et pas de parole !

Il est donc question d'un chat. On le découvre isolé, puis vite effrayé par une meute de chiens de différentes races. Ce possible danger écarté, un autre surgit: celui d'un groupe de cervidés, tous lancés dans une course effrénée, mais bien peu soucieux de la petite boule de poils qui essaye de ne pas se faire écraser par leurs pattes. L'ensemble de ces animaux paraît se déployer au coeur d'une nature luxuriante et calme quand soudain, une brusque montée des eaux menace de les engloutir tous. Il sera donc bien question de combats pour la survie et, principalement, de celui du félin en "tête d'affiche". Attention: cela ne veut surtout pas dire que Flow... déplaira à ceux qui s'intéressent avant tout aux histoires d'hommes et de femmes. C'est mon cas et pourtant, ce très joli film a très vite su me fasciner !

J'avais raté le premier film du réalisateur, qu'il avait fabriqué en solo. Cette fois, il s'est aussi appuyé sur des partenaires français et belges. Je vous laisse chercher les détails et j'insiste sur les grandes qualités de ce travail collectif. J'ai vite oublié que rien de ce que je voyais n'était réel - ce qui est pour moi le premier gage d'une animation réussie. À vous désormais de découvrir comment l'intrigue évolue après la séquence inaugurale... et pourquoi il m'a paru pertinent d'illustrer ma chronique avec un voilier. Sachez-le: Flow... ne dure qu'une (petite) heure et demie, mais est riche en rebondissements. Certains critiques l'ont présenté comme un film délivrant un message écolo et je suis assez d'accord, même si je considère qu'en l'absence de tout commentaire en ce sens, il laisse chaque spectateur libre d'avoir une interprétation différente de ce qui est montré, en fonction de sa propre sensibilité. Prévoyez juste un petit kleenex. Au cas où...

Flow - Le chat qui n'avait plus peur de l'eau
Film (franco-belgo)-letton de Gints Zilbalodis (2024)

Une très belle réussite, qui a d'ailleurs reçu plusieurs récompenses prestigieuses (et notamment un César, un Oscar et quatre des Prix remis au Festival du film d'animation d'Annecy). N'hésitez plus: l'occasion de découvrir une inspiration tout droit venue de Lettonie est trop belle pour la laisser filer ! Vous pourrez toujours revenir ensuite à d'autres opus "au naturel". Exemple: Le jour des corneilles.

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Et sur le film du jour, d'autres avis ?

Il y en a pléthore. Je vous suggère un saut chez Pascale et/ou Dasola.

lundi 9 juin 2025

Jules V. à l'américaine

C'est Wikipédia qui l'affirme: Jules Verne serait le quatrième auteur littéraire le plus souvent adapté au cinéma, derrière le fameux trio britannique que constituent Shakespeare, Dickens et Conan Doyle. Aujourd'hui, je vais brièvement vous présenter deux longs-métrages datant des années 1950 et tirés de romans extrêmement populaires...


20.000 lieues sous les mers
Film américain de Richard Fleischer (1954)

C'est Disney qui, à l'époque, choisit de s'emparer de ce classique absolu, traduit dans plus de 150 langues. Un choix d'une intelligence rare pour le studio aux grandes oreilles, qui obtiendra deux Oscars techniques (meilleurs effets visuels et meilleure direction artistique) grâce à ce beau film. L'histoire ? C'est celle d'un scientifique français qui, depuis San Francisco, compte prendre un bateau jusqu'à Saigon afin de parfaire ses connaissances marines. Or, plusieurs des navires partis au large n'en sont jamais revenus et la rumeur d'un monstre capable de toucher-couler les bâtiments les plus solides progresse. Après une tempête et un naufrage dans le Pacifique sud, la vérité éclatera pour le chercheur-aventurier avec la découverte inattendue et tardive, non pas d'une quelconque créature, mais d'un sous-marin ! À bord: un certain capitaine Nemo et un équipage dévoué à sa cause. Je vous laisserai la découvrir vous-mêmes, en soulignant simplement que, par certains aspects, elle est tout ce qu'il y a de plus moderne. Rien à redire: le bouquin est respecté - et sa mise en images soignée.
 
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En complément...

Je vous recommande de visiter les blogs d'Ideyvonne, Vincent et Lui.


Voyage au centre de la Terre
Film américain de Henry Levin (1959)

Point de Disney, cette fois, mais la 20th Century Fox, tout de même ! J'avais de grosses attentes à l'égard de cet opus, pour une raison simple: il adapte le premier livre que j'ai lu en entier, adolescent. D'ailleurs, je ne comprends pas pourquoi les romans de Jules Verne étaient absents des programmes scolaires - oui, c'est un autre sujet. Côté cinéma, nous avons là un très chouette film d'aventures vintage. Certes, le récit transpose à Édimbourg ce qui se passait en Allemagne dans le bouquin, mais c'est un détail narratif sans réelle importance. Universitaire de renom, le professeur Lindenbrook reçoit une pierre volcanique étonnante, gravée par la main de l'un de ses prédécesseurs éminents. Il comprend alors que ce dernier avait trouvé sur le sol islandais un chemin menant au coeur de notre bonne vieille planète ! Une toute nouvelle expédition se monte pour vérifier cette théorie incroyable, bientôt confrontée à des périls jusqu'alors insoupçonnés. Stop ! Pas question de spoiler davantage: je vous laisse voir le film. Contrairement au précédent, il compte un... personnage féminin fort.

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En complément...

Je vous renvoie à un billet que Ta d loi du cine a publié (chez Dasola).

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Pour finir, une anecdote...
Les deux films ont un acteur commun: le Britannique James Mason incarne le capitaine Nemo, puis le professeur Lindenbrook. Pas mal...

Si vous voulez aller plus loin...
Vous ne devriez pas avoir de mal à dénicher d'autres adaptations. Même sur ce blog, oui, avec Les tribulations d'un Chinois en Chine !

samedi 7 juin 2025

Yuri et les monstres

Vous me le confirmerez peut-être, mais je suppose ne pas être le seul à penser au comte Dracula quand on parle des Carpates. Cette zone montagneuse d'Europe centrale s'étend sur huit pays et 209.000 km². Réinventée, elle est le territoire d'un film récent: La légende d'Ochi. Le tout premier long-métrage d'un Américain spécialiste du clip vidéo.

Yuri, 16 ans, vit seule avec son père. Elle est le maillon faible supposé du groupe d'adolescents qui habite une île plantée au milieu d'un lac, lui-même situé à mille lieues du monde civilisé. Hommes et femmes sont parvenus à cohabiter avec les loups et les ours, mais les forêts du coin cachent d'autres créatures sauvages, jugées dangereuses. Conséquence: la petite troupe organise régulièrement des chasses nocturnes, dans l'idée d'éradiquer la menace pesant sur la collectivité. Yuri, quant à elle, préférerait comprendre ce qu'est devenue sa mère depuis qu'elle a quitté le domicile conjugal. Sa rencontre impromptue avec un bébé-monstre l'incitera dès lors à partir, au mépris d'un péril supposé fatal, mais qu'elle n'a en réalité jamais dû affronter de près. La légende d'Ochi convient aux adultes et aux enfants dès 10-12 ans. Certaines séquences du film sont vraiment mignonnes comme tout. L'ensemble offre une très touchante - et intelligente - ode à la nature.

D'autres pourraient donner quelques frissons désagréables à un public encore peu familier avec les mondes fantastiques, le remue-ménage qui les anime parfois et les émotions fortes. OK: rien de rédhibitoire. D'après ce que j'ai lu, cela faisait une dizaine d'années que l'auteur pensait à un film de ce genre, dans la lignée des meilleurs classiques des années 1980 conçus par Steven Spielberg, Joe Dante et consorts. Vous noterez d'ailleurs que La légende d'Ochi use d'effets spéciaux numériques, mais aussi d'animatroniques, ce qui lui donne la patine caractéristique de cette décennie dorée du cinéma de divertissement hollywoodien. Le scénario reprend d'ailleurs quelques grands thèmes des oeuvres de cette époque, tel celui de la famille monoparentale et/ou dysfonctionnelle - ce qui plaira aux plus grands, nostalgiques. Défendue pour le studio A24, que l'on présente comme un pourvoyeur important de fictions fort bien ficelées, je trouve que cette histoire mérite d'être prise en considération. Elle n'est pas la suite d'une autre et pas non plus un énième bagarre entre superhéros. Je m'en réjouis !

La légende d'Ochi
Film américain d'Isaiah Saxon (2025)
Je me suis intéressé à cette sortie après avoir découvert l'apparence de la petite créature et la présence dans le casting de Willem Dafoe. Autre visage familier à l'écran: celui d'Emily Watson, très à son aise. Cela m'a rappelé un chouette dessin animé: Le royaume de Kensuké. Au contact direct de la nature, le magnifique Gorilles dans la brume restera une référence. Et Donne-moi des ailes séduit à sa manière...

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Je tenais aussi à le dire...

La musique du film est superbe. Elle est l'oeuvre de David Longstreth. Le langage des Ochi, lui, associe des chants d'oiseaux à des sonorités d'origine humaine, sifflées par l'artiste Paul "The Birdman" Manalatos.

mercredi 4 juin 2025

Deux visages de Laure

Hé ! Cela fera bientôt 25 ans que Laure Calamy trimballe son humeur pétillante sur les planches des théâtres et les écrans des cinémas. Sauf erreur, je l'ai découverte grâce à la série télévisée Dix pour cent et, dans la foulée, Ava, le beau premier long-métrage de Léa Mysius. Et je l'ai revue en mai dans deux films retenus parmi ses plus récents.

Antoinette dans les Cévennes
Film français de Caroline Vignal (2020)
D'abord repérée pour ses rôles d'humour, Laure Calamy joue ici celui d'une instit follement amoureuse de l'un de ses collègues. Une passion réciproque, mais l'homme, marié, renonce à des vacances communes. Qu'à cela ne tienne: opiniâtre, Antoinette n'écoute que son coeur battant et se décide à partir quand même, sur la trace de son amant. Au programme: une semaine de rando avec un âne des plus têtus. Bon... est-ce que c'est rigolo, donc ? Oui, plutôt, mais pas seulement. Antoinette dans les Cévennes dessine, non sans adresse, le portrait sensible d'une femme bien déterminée à vivre la vie qu'elle a choisie. Cela peut passer par un alter ego masculin et/ou une (re)découverte de soi-même. Bilan: un César pour l'actrice principale - son premier. Autre point réjouissant: des chiffres de vente favorables à l'étranger !

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Et ailleurs...
À lire: d'autres avis chez Pascale, Dasola, Princécranoir, Strum et Lui.

Annie colère
Film français de Blandine Lenoir (2022)
Changement de registre et de ton pour Laure Calamy, convaincante dans le rôle d'une ouvrière décidée à avorter de son troisième enfant. Problème: dans cette France de février 1974, elle n'en a pas le droit. Aïe ! Contrairement à certaines, Annie n'a pas non plus une latitude financière suffisante pour envisager d'être opérée dans un autre pays. Elle fera donc appel à un médecin bénévole, qu'elle rencontrera vite grâce à des femmes engagées pour la libéralisation de l'interruption volontaire de grossesse (et de la contraception). Un groupe militant qu'elle finira par rejoindre, se révélant à elle-même comme capable d'un courage et de convictions fortes. Le résultat ? Un film important qui rappelle quelques-unes des valeurs essentielles de la République telle qu'elle peut fonctionner aujourd'hui. Chose appréciable: le récit n'est pas manichéen, même si je suppose qu'à l'époque, le combat pour l'égalité était sûrement plus difficile que le film ne le suggère. Personnellement, je ne reprocherai pas au film un excès d'idéalisme. C'est parfois ainsi qu'une juste cause saura au mieux être défendue...

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Et en complément...

Vous pouvez à nouveau trouver des chroniques signées Pascale et Lui.

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Et Laure Calamy, dans tout ça ?

L'actrice se sort très bien de ces deux prestations très contrastées. Elle a passé le cap de la cinquantaine et n'a pas fini de surprendre. L'idéal ? Qu'elle ne soit pas réduite à la vigueur de son talent comique. Elle "assure" dans Mademoiselle de Joncquières ou Seules les bêtes.

lundi 2 juin 2025

La loi de l'omerta

Le chiffre est vraiment effarant: les historiens qui se sont penchés sur le sujet estiment que plusieurs dizaines de milliers de femmes auraient été "admises" dans les couvents de la Madeleine, en Irlande. Ces (prétendues) blanchisseries ont existé jusqu'en 1996. On parle ici de structures au règlement encore plus strict... que celui des prisons !

Sorti toute fin avril, Tu ne mentiras point est l'adaptation cinéma d'un roman de Claire Keegan, Small things like these, paru en 2020. Surprise: le personnage principal est un homme, Bill Furlong, patron d'une petite entreprise de charbonnerie, marié et père de cinq filles. C'est tout à fait par hasard et avec stupéfaction que ce brave type aperçoit une jeune femme, enceinte, et que ses parents conduisent de force auprès des religieuses qui sont par ailleurs ses clientes. Avertie, son épouse l'incite à n'en rien dire, tandis que Noël approche et que le paiement des arriérés de factures devient un enjeu crucial. Face au scandale, ce choix du silence contredit pourtant les valeurs que les nonnettes sont censées promouvoir et défendre. Je dois dire que le film nous expose cet insoutenable paradoxe avec un calme remarquable. Il peut compter pour cela sur un grand Cillian Murphy. Attendu au tournant après son Oscar, l'acteur est à nouveau excellent.

Il n'est pas le seul, c'est vrai: la présence de l'épatante Emily Watson offre sans doute au film sa scène la plus frappante, une sorte de duel entre un homme bousculé dans ses convictions et une femme cynique l'invitant froidement (et par des arguments "terrestres") à se taire. Monter un tel projet n'a pas forcément été facile: c'est un cinéaste belge qui a pris place derrière la caméra, soutenu par des producteurs de son pays, irlandais - bien sûr - et américains. Les plus attentifs d'entre vous repéreront ainsi les noms de Matt Damon et Ben Affleck au générique final, entre autres bons associés du côté de Hollywood. Ce qui ne veut pas dire que Tu ne mentiras point joue d'un aspect glamour qui, de mon point de vue, n'aurait assurément pas sa place. Au contraire: c'est en réalité un long-métrage d'une parfaite sobriété. Vous connaissez la formule, non ? Ce n'est pas la peine d'en rajouter. Un mot tout de même: les pensionnaires des couvents de la Madeleine avaient parfois des enfants ou s'y installaient pendant leur grossesse. Enlevés à leur mère, les bébés étaient ensuite voués à être adoptés...

Tu ne mentiras point
Film (belgo-américano-)irlandais de Tim Mielants (2024)

Un film bien peu bavard, mais quelle prestance des acteurs à l'écran ! Sans vous la révéler, je dois vous dire que j'ai beaucoup aimé la fin. J'ai successivement repensé à Hunger, Sleepers et Les 400 coups. Remonter une nouvelle fois le temps grâce à ce bon vieux cinéma n'aurait rien d'inutile: c'est même son absolue raison d'être, dirais-je. Autre bon plan: rester en Irlande afin de comparer ce film avec Stella.

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Et si vous voulez un autre avis...

Je vous recommande de faire un petit tour chez notre amie Pascale. Vous pourriez aussi lire une autre chronique du film écrite par Dasola.

samedi 31 mai 2025

L'enfant caché

Il me semble que nous la connaissons avant tout sous sa désignation allemande: la petite ville ukrainienne de Czernowitz a été réinventée en Hongrie pour les besoins du tournage de La chambre de Mariana. Sorti en avril, ce magnifique film adapte le livre éponyme d'un auteur israélien, Aharon Appelfeld (1932-2018). Que j'ai aussi envie de lire...

Hiver 1942. Sous l'occupation nazie, une femme juive sait sa famille menacée. Une nuit, elle traverse le ghetto en passant par les égouts afin de confier son petit garçon à une amie, devenue une prostituée. Il était une fée... Hugo vient d'avoir douze ans. Il (sur)vivra enfermé dans un simple réduit de la maison close où travaille sa bienfaitrice. Lumineuse Mélanie Thierry ! La comédienne s'est tellement investie dans le projet qu'elle a pris, deux ans durant, des cours d'ukrainien. Au sein de la troupe, elle était en fait la seule à avoir la nationalité française. Elle s'est dès lors fondue dans la peau de son personnage. Quand on lui décernera quelque laurier, ses divers partenaires de jeu mériteront, eux aussi, des éloges. L'enfant, Artem Kyryk, a été choisi au terme d'un très long processus de sélection. Vous pourrez noter que les travaux préparatoires du film avaient débuté avant l'attaque russe sur l'Ukraine (rappel: c'était tôt, le matin du 24 février 2022). La performance de ce très jeune homme n'en est que plus admirable ! Pas étonnant, en tout cas, de se sentir "secoué" du côté émotionnel...

Remarquable sur le fond, La chambre de Mariana l'est également dans la forme. Un temps, j'ai pensé retenir "Une fente dans le mur" comme titre pour cette chronique. Il faut en effet bien comprendre que, le plus souvent, c'est par un interstice de la paroi de sa cache que le gosse observe le monde. Il en perçoit tout juste quelques sons étouffés, qu'il décrypte vaguement quand il ne ferme pas les yeux pour mieux se blottir dans son passé. J'ai trouvé certaines séquences très belles, lorsque, par exemple, le doux visage de la mère de Hugo réapparait dans l'obscurité. La lumière de moins en moins intense témoigne alors avec efficacité de l'effacement progressif du souvenir et de la confusion qui en découle. Simple précision: le long-métrage ne se déroule pas uniquement à huis-clos, mais je préfère ne rien dire de ce qui se passe à l'extérieur - j'imagine que vous saurez le deviner. Ému à de nombreuses reprises, j'ai beaucoup aimé la dernière scène. J'ajoute qu'évidemment, le film résonne fort avec la terrible actualité de notre monde, en Ukraine ou ailleurs. Il faut aussi le voir pour cela !

La chambre de Mariana
Film français d'Emmanuel Finkiel (2025)

C'est légitimement que le cinéma s'empare de la mémoire collective. Après La douleur en 2018, avec - déjà - une performance remarquée de Mélanie Thierry, le réalisateur s'est appuyé sur des producteurs belges, israéliens, hongrois et portugais pour imager ce nouvel opus. Le résultat: une vision décalée de la Shoah, singulière et puissante. Sur ce sujet, je recommande vivement Le jardin des Finzi Contini...

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Et, comme Hugo, je regarde ailleurs...

Je peux ainsi voir que Pascale a donné un bon écho au film, elle aussi.

jeudi 29 mai 2025

Dans un grand flou

Frankie souffre d'une maladie neurodégénérative. Ses mouvements s'en trouvent altérés, ainsi que sa simple capacité de concentration. Son compagnon est mort dans des circonstances troublantes et sa fille a été confiée à la garde de sa belle-mère. Elle a perdu son petit boulot et, faute d'argent, pourrait être expulsée de son appartement. Glups !

S'intéresser ainsi à une ancienne employée de nuit de station-service aurait pu nous conduire vers un énième film social dans l'Amérique des marges. Si The Gazer en est un, il adopte vite un ton particulier. J'avoue que je ne sais plus très bien ce qui m'a attiré à son sujet. Promu à Cannes 2024, côté Quinzaine des cinéastes, ce premier opus d'un ex-électricien originaire du New Jersey sort des sentiers battus. Avec, entre autres influences, les deux David: Lynch et Cronenberg. Quand Frankie rencontre Paige et se voit alors promettre une somme conséquente pour déplacer une voiture, elle n'hésite pas longtemps. Pourrait-elle enfin se tirer de sa vie de galères ? Rien n'est moins sûr. Mais, pour le découvrir, il vous faudra savoir démêler le vrai du faux dans ce long-métrage des plus déroutants, tourné sur pellicule 16mm. Sans lien familial confirmé avec Marcello, Ariella Mastroianni, l'actrice principale, vous embarquera vers un monde aux contours incertains...

Cet univers est aussi le sien: elle a participé à l'écriture du scénario. Malgré le grain de l'image, je n'y ai pas tout à fait retrouvé l'ambiance des purs thrillers paranoïaques américains des décennies 1970 et 80. Vous noterez toutefois qu'un gros travail a été accompli sur le son. Désormais, je suis à vrai dire curieux de savoir comment un tel film sera accueilli par le public (en imaginant qu'il restera confidentiel). Moi ? Je l'ai vu avec deux copains... et nous étions trois dans la salle. Je crois pouvoir affirmer que nous avons tous apprécié le "spectacle". Il est souvent désagréable: j'ai eu à plusieurs reprises une sensation d'enfermement, qui trouve probablement toute ou partie de sa source dans le fait que The Gazer a partiellement été écrit pendant la crise du Covid - une période dont l'impact sur les arts n'est pas à négliger. Le temps qui passe sera peut-être un atout important pour ce genre d'histoires, déjà appréciables aujourd'hui. À vous de voir et de juger !

The Gazer
Film américain de Ryan J. Sloan (2024)

Croyez-moi: ce n'est pas tous les jours qu'on tombe sur un tel OFNI. Je trouve d'ailleurs réconfortant que des artistes osent de tels gestes. Visuellement, le film est assez proche d'un autre que j'ai découvert récemment: Variety, datant, lui, de 1983 et chroniqué toute fin avril. Au rayon des films noirs, je crois judicieux de revoir Soeurs de sang. Et/ou, pour son atmosphère particulière, le fascinant Under the skin.

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Une petite précision d'ordre linguistique...

Même s'ils ajoutent souvent un "The" devant, j'ai la nette impression que les distributeurs de cinéma peinent souvent à traduire les titres anglais. The Gazer ? "Celle qui regarde fixement" (ou "dans le vide").

lundi 26 mai 2025

Son fils, son combat

Mexico, 29 juin 1986: l'Argentine gagne sa deuxième Coupe du monde de football après une finale homérique contre l'Allemagne de l'Ouest. "Dans le pays voisin, il y avait alors une dictature dont tout le monde se foutait": c'est ce qu'a récemment affirmé le cinéaste César Díaz. Une idée judicieuse pour la promo de son nouveau film... Mexico 86 !

Ce "pays voisin" dont parle ainsi le réalisateur de Nuestras madres est le sien: le Guatemala, État d'Amérique centrale de 108.890 km2 qui partage effectivement une frontière (au nord) avec le Mexique, ainsi que d'autres plus courtes avec le Honduras, le Salvador et Belize. Il a aussi des littoraux sur la mer des Caraïbes et l'océan Pacifique. Bon ! Côté cinéma, nous sommes désormais invités à suivre les pas de Maria, une femme entrée dans la lutte armée contre la junte militaire guatémaltèque. Un combat qu'elle doit mener à distance depuis l'assassinat de son mari par la police secrète de son pays d'origine. Or, au tout début du film, elle retrouve Marco, son fils, âgé d'un peu plus d'une dizaine d'années. Menacé de représailles, le garçon vivait jusqu'alors caché, confié aux bons soins de sa grand-mère. Laquelle, malgré toute sa tendresse, ne peut plus s'occuper de lui. Maria est alors tiraillée entre son enfant et son engagement militant !

Autant le dire comme je le pense: le charisme et la belle expressivité de Bérénice Bejo font beaucoup pour la réussite de ce long-métrage. Selon toute vraisemblance, le budget mis à la disposition des équipes techniques est resté limité, mais leur travail s'avère très efficace pour recréer une époque et donner à l'action un cadre géographique crédible. L'action, justement... sans tout dévoiler, je crois important de vous dire que Mexico 86 ne repose assurément pas sur une série de rebondissements, chacun plus spectaculaire que les précédents. L'intrigue joue surtout sur la tension que font naître les circonstances qu'affrontent les différents protagonistes - Maria, Marco ou d'autres encore, bien écrits et, entre qualités appréciables, plutôt attachants. Leur histoire mérite donc le détour, même si plusieurs autres films pourraient vite vous la faire oublier d'ici la fin de cette année 2025. Je veux me souvenir de la bande musicale de Rémi Boubal, parfaite. Et j'ajoute un "détail" important: le récit que César Díaz nous offre est pour partie autobiographique. Et donc le film, dédié... à sa mère !

Mexico 86
Film franco-belge de César Díaz (2025)

Un "petit" film, mais qui m'a précisément convaincu par son absence totale d'esbroufe pour nous raconter une histoire peu commune. Décrire une vie clandestine de cette manière me semble pertinent. Sur ce thème, j'ai repensé à ce magnifique film de Sidney Lumet qu'est À bout de course. Et, sur les limites que pose le militantisme d'action, à Night moves ! Vous en avez vu d'autres ? Je vous écoute...

samedi 24 mai 2025

Du succès des Palmes

Oyez, oyez, ami(e)s cinéphiles ou simples curieux arrivés par hasard ! Publiée à une heure encore matinale, cette chronique sera la dernière de ma semaine. Comme vous le savez certainement, c'est aujourd'hui que se termine le 78ème Festival de Cannes. Or, livrer une analyse complète du palmarès dans un délai raisonnable m'a semblé difficile...

C'est pour cela que j'anticipe un peu pour évoquer l'un de mes chevaux de bataille liés au grand rendez-vous annuel de la Croisette: l'envie d'identifier quelques films et de convaincre que chacun d'entre nous peut en trouver qui lui plaisent parmi les lauréats. Vous voulez noter ?

Je ferai simple ce jour en listant les dix Palmes d'or venues de pays étrangers et qui ont attiré le plus de public dans les salles françaises:
1. / Le troisième homme (1949),
2. / Quand passent les cigognes (1958),
3. / Apocalypse now (1979),
4. / Le guépard (1963),
5. / M*A*S*H (1970),
6. / La loi du seigneur (1957),
7. / La dolce vita (1960),
8. / Pulp fiction (1994),
9. / Taxi driver (1976),
10. / La leçon de piano (1993).

Mon avis ?
Je dois reconnaître qu'il n'y a pas de film récent parmi ces champions. Mais il y en a de très bons: je les ai presque tous vus - et chroniqués !

Et voici à présent le classement en France des Palmes d'or françaises:

1. / Le salaire de la peur (1953),
2. / Le monde du silence (1956),
3. / Un homme et une femme (1966),
4. / Orfeu negro (1959),
5. / Anatomie d'une chute (2023),
6. / Le pianiste (2002),
7. / Entre les murs (2008),
8. / Les parapluies de Cherbourg (1964),
9. / La vie d'Adèle (2013),
10. / Sous le soleil de Satan (1987).

Et alors ?
Que quatre films du 21ème siècle pointent ici le bout de leurs bobines me semble (un peu) rassurant pour nos bons cinéastes d'aujourd'hui...

Et maintenant ?
Sauf imprévu, je ne devrais pas trop tarder à ajouter la Palme 2025 dans la page dédiée, toujours accessible d'un simple clic sur le lien situé en haut à droite de la page d'accueil, "Les Festivals de Cannes". Je vous laisse ce matin à vos éventuels pronostics ou commentaires. Et vous donne rendez-vous dès lundi midi, autour d'un 2769ème film !

mercredi 21 mai 2025

Un regard somalien

Avec 637.657 km2 et 18,5 millions d'habitants, elle est l'un des pays les plus pauvres et les moins sûrs de la planète. Exemple: le Canada conseille à ses ressortissants de l'éviter ou d'en partir s'ils y sont déjà. Un film, pourtant, nous est arrivé de Somalie en avril, tourné là-bas avec des non-professionnels. Et ensuite promu à Cannes, l'an passé...

Si ce n'est bien sûr de la visibilité, Le village aux portes du paradis n'aura rien retiré de sa participation à la sélection Un certain regard. Ce regard, c'est celui d'un réalisateur né en 1992, lui-même somalien et installé en Europe (Autriche) après y avoir été formé au cinéma. Intelligemment, il a placé en tout début de métrage quelques images d'une chaîne d'info britannique, évoquant l'élimination d'un terroriste islamique supposé... par un drone de l'armée américaine ! Un choix narratif qui correspond à une réalité, tout en ancrant d'emblée le pays dans la vision que les Occidentaux férus d'actualité peuvent en avoir. Pas question toutefois de s'en tenir à ce constat: le scénario s'articule autour de trois personnages civils, un enfant, son père et sa tante. L'occasion de montrer une population dont la situation économique demeure à ce jour extrêmement instable, pour ne pas dire précaire. Or, c'est le miracle de l'inspiration: le film n'est jamais misérabiliste !

Un cliché éculé pourrait me faire dire que ce - premier - long-métrage rend à ces gens leur dignité. Mais c'est encore mieux: la description minutieuse de leurs démarches quotidiennes pour se tirer d'affaire passe avant tout par les images, qui, souvent, précèdent les mots. Certains jugeront probablement que Le village aux portes du paradis n'est pas un film bavard: c'est en fait un film lent, qui prend le temps de poser sa caméra et laisse le spectateur comprendre ce qu'il voit sans se sentir obligé de trop expliciter le propos. Je crois sincèrement qu'il n'est pas nécessaire d'être un expert de la géopolitique mondiale pour "apprécier le spectacle", qui en appelle plutôt à notre humanité commune et nous offre alors quelques plans absolument magnifiques. Le titre lui-même est comme un avant-goût de ce qui nous attend d'un point de vue esthétique. Le réalisateur a expliqué en interview qu'à ses yeux, son pays a de très nombreux atouts que d'autres pays africains peuvent lui envier, sans parvenir à les exprimer pleinement. Rien que pour cela, je dis qu'il mérite qu'on s'intéresse à son travail...

Le village aux portes du paradis
Film somalien de Mo Harawe (2025)
Vous l'aurez compris: j'ai eu un vrai coup de coeur pour cet opus, fort et sensible à la fois. Soutenu en outre par des producteurs norvégiens et français, il confortera mon intérêt pour le cinéma venu d'Afrique. Vous vous souviendrez peut-être que j'avais déjà présenté un film somalien: La femme du fossoyeur, il y a un peu plus de trois ans. Celui-là se passait à Djibouti et, oui, reste vraiment recommandable !

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Une petite précision...
Le film est en somali, l'une des langues officielles du pays - la seconde étant l'arabe. Elle regroupe 35 millions de locuteurs (selon Wikipédia).

Et avant de conclure...

Vous pourrez aller lire la mini-chronique de Pascale. Je la remercie pour m'avoir permis de me souvenir du prénom des trois personnages principaux du récit, à savoir Cigaal (l'enfant), Marmargade (le père) et Araweelo (la tante). Je suis très heureux de les avoir "rencontrés" !

lundi 19 mai 2025

La gloire de son père

Autant vous le dire tout de suite: la bande-annonce de La réparation m'avait semblé très convaincante. Certains critiques de la presse pro ont parlé du retour de Régis Wargnier, dix ans après son dernier film. Moi, j'ai été attiré par la promesse du pitch: un chef et son second disparaissent le jour où leur restaurant obtient une troisième étoile...

Stop: je ne veux pas trop vous en dévoiler ! C'est auprès d'un couple d'amoureux que le film démarre: Clara, fille unique du chef, lui cache qu'elle sort avec Antoine, le second, et a l'intention de partir avec lui pour "vivre sa propre vie". Jusqu'à présent, elle exploitait ses dons culinaires en travaillant avec son père, dans une relation affective d'autant plus forte - et accaparante - qu'elle se joue sans arbitrage maternel. Bref... tout change quand les deux hommes se volatilisent. Sans réelle surprise, c'est alors autour du seul personnage de Clara que l'intrigue se développe et, malheureusement, se fane assez vite. Le talent de la jeune comédienne, Julia de Nunez, n'est pas en cause. La réparation se déplace jusqu'à Taïwan et y résout son énigme première (trop) rapidement. Après cela, le film suit une autre piste narrative: la fusion et la transmission des héritages gastronomiques. Un sujet qui aurait tout à fait pu m'intéresser. Hélas, son traitement romanesque ne m'a qu'à moitié séduit: j'espérais d'autres passions ! Je suis sorti du cinéma un peu frustré. Mais rien de vraiment grave...

La réparation
Film français de Régis Wargnier (2025)
À mettre au crédit de cet opus: de très belles images venues de l'Asie et des acteurs impliqués avec, du côté des hommes, Clovis Cornillac, Julien de Saint-Jean, JC Lin et Louis-Do de Lencquesaing, à un degré moindre. L'ennui, c'est que le récit s'éparpille entre énigme "policière" et exaltation des arts de la table. Vrai gourmand, je préfère Délicieux ou La passion de Dodin Bouffant. OK, chacun ses goûts, on va dire...

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Et ailleurs, on en dit quoi ?

Le fait est que j'ai trouvé l'avis de Pascale vraiment proche du mien. Avec tout de même quelques détails supplémentaires, m'a-t-il semblé.

dimanche 18 mai 2025

Une question de rythme

L'avez-vous remarqué ? Cette chronique dominicale est ma quatrième en quatre jours. Je vais prolonger la série jusqu'à cinq, demain midi. Après cela, je compte retrouver mon rythme de croisière d'un texte tous les deux ou trois jours. C'est celui de mes visionnages de films. J'ai enchaîné trois opus rares, auxquels je n'ai désormais plus accès...

Mes sources de septième art ? Les salles obscures, quelques chaînes proposées par mon opérateur Internet et ma collection DVD - BluRay. Mes proches s'en étonnent parfois: je n'ai qu'une télé assez simple chez moi. Je préfère les grands écrans des cinémas aux installations dernier cri que l'on peut (très facilement) installer à son domicile. Avant tout, le cinéma reste une pratique collective et une sortie. J'imagine volontiers que cette affirmation doit apparaître dépassée pour beaucoup de monde: je l'assume. Cette conviction profonde nourrit aussi mon envie de partage, à une cadence la plus régulière possible. Étant entendu que, bien sûr, je fais des pauses: le cinéma tient une place importante dans ma vie, mais j'ai d'autres activités. Et près de dix-huit ans de blogging ne m'ont pas coupé du monde réel.

Ce qui est vrai, c'est qu'au-delà des films, ma bibliothèque de cinéma aura connu une croissance relativement soutenue ces derniers temps. C'est grave, docteur ? Hum.. c'est le symptôme d'une collectionnite aigüe. Je vous rassure: ce n'est pas contagieux, ni même douloureux. Simplement, cela me pousse périodiquement à fouiller les rayonnages des librairies en quête de quelques trésors qui pourraient s'y cacher...

Par ailleurs, je reste fidèle, depuis l'an 2008, à un support particulier et à mes yeux référentiel: le fameux et fabuleux Annuel du cinéma. J'ai reçu le dernier très récemment et j'encourage les plus passionnés d'entre vous à découvrir cette bible païenne via le site de son éditeur. Comme d'habitude, tous les films y sont traités à égalité - une page avec fiche technique, résumé, critique et photogramme. Du bonheur !

Trente sont cités par la rédaction comme ses préférés pour 2024:
20.000 espèces d’abeilles /
À son image / All we imagine as light
Anora / La belle de Gaza
/ The bikeriders / Borgo
Dahomey / Los delincuentes / Le deuxième acte / Emilia Pérez
En fanfare
/ Les fantômes / Flow / Furiosa
Les graines du figuier sauvage / Grand Tour
L’histoire de Souleymane
/ Madame Hofmann
Le mal n’existe pas / May December / Megalopolis / Miséricorde
Occupied city
/ Pauvres créatures / Le roman de Jim
The substance / Un silence / Une famille / La zone d’intérêt
 
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J'en ai terminé et ça va mieux en le disant...
Cette chronique est bien sûr ouverte à vos regards et commentaires.