mardi 4 novembre 2025

2 + 1 = 4 ?

Quelle place votre cinéphilie laisse-t-elle au pur hasard ? La mienne suit souvent des chemins balisés, mais il arrive qu'elle s'accommode d'un film dont je ne sais quasiment rien en amont, choisi "au feeling". Dernièrement, c'est ainsi que j'ai découvert Tierra firme, resté inédit dans les salles françaises et programmé dans un festival à Grenoble...

Eva et Kat s'aiment et cohabitent sur une péniche, en Angleterre. Cette relation harmonieuse est à peine perturbée par Roger, un ami que Kat a connu à Barcelone et que les deux femmes ont accepté d'héberger quelques jours. Las ! Les choses vont vite se compliquer quand Kat exprime le souhait d'avoir un enfant avec sa compagne. Enfant qu'elle a l'intention de porter après avoir identifié un père biologique et organisé sa propre scène d'insémination clandestine ! Résumé ainsi, Tierra firme vous paraît peut-être bien trop glauque. Soyez rassurés: ce n'est absolument pas le cas. C'est en fait un film subtil, qui pose de bonnes questions sur l'amour, le couple et le fait d'être parents. Femmes ou hommes. Seul, à deux... ou à trois. Résultat: on rit souvent, on s'étonne aussi, et on est ému, parfois. Plusieurs ruptures de ton rendent le récit intéressant et très agréable à suivre, sans temps mort malgré presque deux heures du métrage. Quelques beaux plans fixes et un amusant découpage en chapitres accompagnent les transitions. Un opus joli, doux et je crois sincère...

Tierra firme
(ou Anchor and hope)
Film anglo-espagnol de Carlos Marques-Marcet (2017)

La présence parmi les actrices de Geraldine et Oona Chaplin, la fille et la petite-fille de Charlie, a bien sûr joué dans le plaisir que j'ai pris à découvrir ce charmant petit film bilingue. J'ajoute que le réalisateur m'était familier: j'avais vu - et bien aimé - son 10.000 km (2014). D'autres films sur la parentalité ? Je peux vous recommander Madre, La fille de son père ou Ninjababy, dans des registres très différents.

lundi 3 novembre 2025

Jeux d'artifice

Elle semble prendre une place croissante dans le monde du cinéma comme sujet de scénario. L'intelligence artificielle (I.A.) ira-t-elle jusqu'à piquer le boulot des artistes et techniciens du septième art ? Faut-il dès lors la bannir de nos vies ? Est-ce simplement possible ? Comment répondre ? Ce sont là autant de questions que je me pose...

Vous avez repéré la jolie fille au-dessus ? Eh bien... elle n'existe pas. Tilly Norwoood a une page Wikipédia, mais cette jeune actrice britannique n'est rien d'autre qu'une personne virtuelle créée à 100% par un système I. A. "génératif". Et elle a réussi à faire le buzz ! J'ignore si nous la verrons prochainement dans un film, mais le tollé qu'elle provoque montre bien que certains s'en inquiètent beaucoup. Personnellement, en dehors de l'aspect ludique, je ne lui prête guère qu'un intérêt limité, mais je me dis qu'elle pourrait être une menace pour les comédiens réels - ceux qui sont rémunérés pour leur travail. J'ironise un peu, oui... mais je compte surveiller cela du coin de l'oeil.

Histoire de tester la pertinence de l'I. A. qui peut discuter avec nous sous le nom ChatGPT, je lui ai demandé de résumer, en trente mots environ, mes cinq dernières chroniques liées à un film vu au cinéma. Bluffé par le résultat, je n'ai pas pensé à sauvegarder ces mini-avis. Mais j'y suis revenu: je vous propose donc de lire ce que cela donne...

Une bataille après l'autre
= Une bataille après l'autre, film politique et spectaculaire de Paul Thomas Anderson, mêle action, engagement et émotions. Porté par DiCaprio, il impressionne par sa mise en scène audacieuse et ses acteurs inspirés.

L'homme qui a vu l'ours qui a vu l'homme
= Il y a 28 ans, Pierre Richard réalisait un film. En 2024, il sort L'homme qui a vu l'ours..., un conte poétique tourné à Gruissan, abordant l’amitié, la différence et l’écologie avec tendresse.

Sirāt

= Avec Sirāt, Óliver Laxe signe un film sensoriel et bouleversant sur la quête d’une fille disparue, entre rêve et chaos, dans un monde au bord de l’effondrement.

Dalloway
= Dans Dalloway, thriller d’anticipation signé Yann Gozlan, Cécile de France incarne une romancière guidée par une IA inquiétante. Un huis clos tendu, futuriste mais crédible, porté par une tension croissante.

Ciudad sin sueño

= Ciudad sin sueño est un film de fiction ancré dans la réalité de la Cañada Real, bidonville près de Madrid. Il suit Toni, adolescent marginal, dans une œuvre poétique, réaliste et profondément humaine.

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Je n'ai pas grand-chose à ajouter aujourd'hui...

Juste... je n'ai pas modifié les textes de ChatGPT et vous laisse juges de leur pertinence. Je n'utilise pas d'I.A. pour écrire mes chroniques ! En fonction de l'inspiration, il se pourrait que je revienne sur le sujet.

vendredi 31 octobre 2025

Un rêve américain

Je me souviens qu'aux premiers jours de ce blog, je pensais évoquer à chaque chronique un cinéaste différent. Sur Facebook, l'ami Vincent essaye de citer un grand film par an - avec cette même contrainte. Tout cela pour dire que j'aurais pu "zapper" Paul Thomas Anderson après une première impression défavorable ! J'ai bien fait d'insister...

D'autres amis - Céline, Cédric et Franck - m'y ont d'ailleurs encouragé. C'est aussi un peu cela qui m'aura conduit à aller voir Une bataille après l'autre, le dixième long-métrage du talenteux Californien. J'avoue que Leonardo DiCaprio y était aussi pour quelque chose. Résultat: j'ai rejoint ma salle préférée sans grande info préalable. Bingo ! Je n'ai pas attendu longtemps avant de me régaler. Le film s'ouvre de manière spectaculaire, sur une scène où des militants libertaires envahissent un centre de rétention et laissent les migrants mexicains qu'il "abritait" prendre rapidement la poudre d'escampette. Qu'importe cette fuite: la caméra se concentre surtout sur la meneuse du groupe, une dénommée Perfidia Beverly Hills, et la menace armée qu'elle fait peser sur Steven J. Lockjaw, le G. I. en charge du centre. Rondement menée, cette attaque nous permet d'identifier les camps opposés. Comme vous le devinerez, les choses n'en resteront pas là...

La première surprise, c'est peut-être de considérer Leonardo DiCaprio comme un personnage subalterne, Ghetto Pat, qui ne doit sa présence dans la bande des French 75 qu'à sa parfaite maîtrise des explosifs. Autre rebond inattendu: il va devenir le principal protagoniste du récit au moment où, déjà en couple avec sa cheffe, il aura... un enfant. Maman - très efficacement incarnée par la chanteuse Teyana Taylor - refusera d'abandonner la lutte quand Papa, lui, préfèrera se ranger pour s'occuper de la petite. Et le film fera alors une ellipse de 16 ans ! Bref... je ne veux pas en dévoiler davantage, si ce n'est que l'un comme l'autre auront bien sûr affaire avec le redoutable antagoniste qu'incarne Sean Penn (dans son meilleur rôle depuis bien longtemps). Pour le plaisir, Une bataille après l'autre est, entre autres, un film d'acteurs. Oui, les plus connus d'entre eux s'en donnent à coeur joie...

Et les autres ? Ils suivent le mouvement avec un entrain manifeste. Une mention spéciale pour Chase Infiniti, la grande révélation du film dans la peau de Willa, une adolescente au tempérament... affirmé. Maintenant, je vais vous laisser découvrir seuls TOUT ce qui arrive ! J'aime autant vanter la qualité de cet "objet de cinéma" particulier qu'est le film en disant qu'il m'a tout de suite emballé et beaucoup plu sur la longueur. Rappel: il dure tout de même deux heures quarante. Une bataille après l'autre est parfois présenté comme une oeuvre "facile" - la plus accessible de son auteur. Euh... oui, c'est possible. N'empêche: je l'ai trouvée jubilatoire, de parti pris pour les idées politiques de gauche, mais justement, pour cela, assez réconfortante au milieu du trumpisme ambiant. J'ai noté que le tournage du film avait eu lieu du temps de Joe Biden, mais il s'inscrit dans un contexte américain très contemporain. Il interroge sur les évolutions sociétales et la bonne façon de défendre / transmettre ses idéaux. Les scènes d'action s'enchaînent sans temps mort. Elles font tout le sel du récit...

Je veux souligner que la mise en scène m'a vraiment impressionné. Certains la jugent tape-à-l'oeil, mais c'est à croire que le cinéma américain livre chaque semaine d'excellents films: je crois vraiment qu'il faut arrêter de faire la fine bouche dès qu'une production x ou y assume un peu de démesure. Compte tenu de ce qu'Une bataille après l'autre veut raconter, j'estime que son emphase a du sens. Surtout qu'à mon avis, Paul Thomas Anderson et sa troupe d'acteurs s'amusent à mélanger les genres, nous offrant ainsi un film "copieux". Et la violence ? Elle est présente, évidemment, mais jamais gratuite. En clair, je préfère ce cinéma à celui des omniprésents super-héros ou à celui d'un auteur comme Quentin Tarantino, excellent créateur d'images, certes, mais que je juge souvent bien plus complaisant. Maintenant, faudrait-il déjà graver le nom de Paul Thomas Anderson sur quelques Oscars 2026 ? Non: mieux vaut attendre la fin de l'année. Ce que je tiens à affirmer, en revanche, c'est que son dernier opus mérite que vous sortiez de chez vous pour le voir sur un écran XXXXL !

Une bataille après l'autre
Film américain de Paul Thomas Anderson (2025)

Une sortie cinéma après l'autre: je ne livrerai pas mon top annuel aujourd'hui, mais je pressens déjà que ce film sera (très) bien classé. Le précédent Anderson, Licorice Pizza, avait atteint le sixième rang de mon palmarès 2022... mais c'est un autre genre de long-métrage ! Intéressés par le militantisme ? Voyez le sublime À bout de course. Ou, nettement plus sombre, Night moves. Une liste non exhaustive...

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Bon...
Je ne vous ai même pas parlé du personnage de Benicio del Toro. Franchement, l'acteur est excellent dans ce film. Comme d'hab', quoi !

D'autres avis vous intéresseraient ?
Tant mieux ! Pascale, Princécranoir et Strum ont aussi publié le leur.

Ah, et au fait, une dernière petite chose...
Je vous souhaite à toutes et tous un bon week-end de la Toussaint. J'avais pensé publier quelque chose dimanche 2, mais je me suis dit que le film méritait bien... une journée de plus "en haut de l'affiche" !

mercredi 29 octobre 2025

Le musicien oublié

L'oeuvre d'art peut-elle être assimilée à un bien de consommation courante ? Je ne crois pas, mais il me paraît tout à fait indiscutable que beaucoup de ce qui est créé finit par disparaître ou être oublié. C'est ce à quoi j'ai repensé le mois dernier en regardant Il Boemo. Une séance de rattrapage qui m'a ramené en Italie, tout début 1781...

La Bohême ? Avec un accent circonflexe, ce terme désigne une région de l'actuelle République tchèque - celle de la capitale du pays, Prague. C'est le lieu de naissance du personnage qu'on voit... mourir au début d'Il Boemo, un dénommé Josef Mysliveček, compositeur né en 1737. Aviez-vous déjà entendu parler de lui auparavant ? Euh... pas moi. J'ignorais tout de sa courte existence (et a fortiori de son parcours) avant de voir le biopic qu'un de ses compatriotes lui a consacré. L'occasion était donc belle de découvrir cet homme et sa musique. D'origine modeste, il fut d'abord membre d'une confrérie de meuniers. Ses premiers succès artistiques infléchirent le cours de sa destinée. Notre homme choisit de laisser son frère jumeau gérer seul l'héritage de leur père. Il s'installa finalement à Venise pour se perfectionner encore et y signa un premier opéra remarqué, Semiramide (1766). Bon... je vous épargne les détails et vous invite plutôt à voir le film. Ses premiers atouts sont la qualité de sa reconstitution et l'attention portée au travail de Mysliveček. Ouvrez bien vos yeux et vos oreilles !

Le scénario laisse également une part importante à l'environnement dans lequel l'artiste évoluait. Il nous permet de suivre son ascension sociale, en quelque sorte, et de constater qu'elle est étroitement liée aux femmes qu'il a fréquentées. Sans surprise, il y en eut plusieurs. Dans ce registre, il est d'ailleurs possible que le récit de cinéma s'écarte parfois de la stricte réalité historique, ajoutant une couche romanesque à une histoire relativement ordinaire (si ce n'est banale). Un petit regret personnel: Il Boemo nous suggère que le musicien restait largement soumis au bon vouloir de ses commanditaires, issus d'un milieu plus huppé - jusqu'à Ferdinand IV, roi de Naples et Sicile. La jalousie qu'il pouvait susciter risquait de lui porter préjudice. Malheureusement, tout cela ne nous expliqué qu'au travers du prisme des relations amoureuses - ou simplement "amicales" - compliquées que Mysliveček entretenait avec certaines femmes de son entourage. C'est dommage: certaines séquences semblent un peu caricaturales. Presque tout le reste est heureusement d'une beauté fort appréciable.

Il Boemo
(ou Le divin de Bohême)
Film italo-slovaquo-tchèque de Petr Václav (2022)
En un peu plus de deux heures de métrage, le réalisateur-scénariste gagne son pari de nous intéresser à un musicien largement méconnu. Il nous rappelle au passage qu'il était admiré du jeune W. A. Mozart ! Bref... malgré mon bémol final, pas de doute: j'ai vu un bon film. Amadeus reste indépassable, mais on est au niveau d'un Farinelli. Vous aimez la musique plus récente ? Bolero pourrait vous convenir...

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Si vous n'êtes pas pressés de changer de disque...

Je peux aussi vous recommander de lire les avis de Pascale et Dasola.

lundi 27 octobre 2025

Damnation

J'ai cherché l'info: il faut compter trois heures pour rallier l'Islande depuis le Danemark en avion et plus du double pour faire l'équivalent en bateau. Dans Godland, Lucas, un pasteur danois, rejoint les côtes islandaises en voilier et, ensuite, poursuit son long périple à cheval. Mais il faut dire aussi que ce film se déroule à la fin du 19ème siècle !

Le jeune homme est chargé de superviser la construction d'une église dans un petit village isolé. Lui compte en outre profiter de sa mission pour découvrir un territoire méconnu et photographier ses habitants. C'est ce qui explique qu'il trimballe avec lui un imposant matériel. Arrivé à destination après avoir connu de très nombreuses difficultés sur le chemin, Lucas ne s'adapte guère à son nouveau cadre de vie. Accueilli avec chaleur au départ, il ne fait pas énormément d'efforts pour s'intégrer au sein de la communauté, étant par ailleurs vite privé des services de l'interprète avec lequel il était parti. Il est possible que vous vous attachiez à lui au départ, mais je dois vous confirmer que le personnage m'est finalement apparu franchement antipathique. Godland mérite toutefois d'être applaudi pour sa superbe direction artistique. Elle s'appuie sur des choix astucieux, dont celui d'un cadre carré - et donc proche de ce que devaient être les photos, à l'époque. Adopter une démarche contemplative est peut-être la meilleure façon d'apprécier le "voyage". Et, à l'évidence, j'en ai fait de moins beaux...

Godland
Film (franco-dano-)islandais de Hlynur Pálmason (2022)

Quelque part entre Jauja et Silence, ce long-métrage venu du froid tempère son austérité en nous montrant comment une terre lointaine et si différente de la nôtre, plus au sud, évolue au fil des saisons. Soyez bien assurés d'une chose: c'est un véritable régal pour les yeux. De manière étonnante, le personnage m'a parfois remémoré Aguirre pour sa folie jusqu’au-boutiste. Le suivre ? Ce n'est pas sans risques !

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Si vous avez besoin d'y réfléchir encore...

Parfait: je vous conseille la lecture des avis de Pascale, Dasola et Lui.

samedi 25 octobre 2025

Les amis du plantigrade

Que faisiez-vous il y a 28 ans ? Pierre Richard, lui, fêtait le lancement de son dernier film de réalisateur. Ou plutôt, non... l'avant-dernier. En septembre, il en a sorti un autre, avec un titre long comme un jour de pluie sans cinéma: L'homme qui a vu l'ours qui a vu l'homme. Une gourmandise tournée dans l'Aude, à Gruissan, sa ville d'adoption !

L'éternel grand blond incarne Grégoire, un type modestement installé dans une cabane de pêcheurs au bord de la Méditerranée. Ses amis suffisent à son bonheur et, en particulier, Michel, un jeune autiste que sa mère espère voir embauché dans une mairie du voisinage. "Grégoire, c'est quoi, un fonctionnaire ?" "Ce que tu ne seras jamais. On met pas un oiseau en cage". Je retiens cet extrait de dialogue pour vous donner une idée du ton poétique de ce joli long-métrage. Rapidement, l'ours du titre fait son apparition: il devient alors crucial pour Grégoire et Michel d'agir pour le sauver de la folie des hommes ordinaires. Ordinaire, cette histoire ne l'est pas, pour sûr. Sa poésie fait la part belle aux personnages, le générique nous ayant confirmé d'emblée que, malgré la fiction, ils ont tous existé - ou existent encore. Il en est ainsi du garagiste voleur de voitures et du boucher fan de Johnny, je suppose, du Che (!) et peut-être aussi des Indiens d'Amazonie croisés au détour d'une scène au message écolo-rigolo. Sur ce thème, Pierre Richard m'a semblé plus que concerné: sérieux...

L'homme qui a vu l'ours qui a vu l'homme
Film français de Pierre Richard (2025)

L'une des critiques que j'ai lues - a posteriori - soulignait que le film oubliait certaines de ses sous-intrigues en cours de route. C'est vrai. Mais est-ce que c'est vraiment important ? Je n'en suis pas convaincu. Évidemment, le sous-texte politique était plus appuyé dans Le jouet.  Mais Paris pieds nus me régale tout autant, dans un autre registre. C'est un plaisir inaltérable de retrouver un grand enfant de... 91 ans !

jeudi 23 octobre 2025

Un enlèvement

Il dit qu'au cours des années 1990, alors que le terrorisme islamique sévissait en Algérie, la police avait des difficultés à faire son travail parce qu'elle était souvent ciblée par une partie de la population. Chakib Taleb Bendiab s'est souvenu d'affaires d'enlèvement d'enfants dont il avait entendu parler à 16-17 ans. Assez pour inspirer son film !

Reconnaissons-le: Alger - sorti en Algérie sous le titre 196 mètres - m'est "tombé dessus" un peu par hasard (j'en reparlerai peut-être). Avec, d'emblée, une bonne surprise: celle d'y retrouver Nabil Asli. J'avais en effet fait une interview de l'acteur... il y a douze ans déjà !
 
Bref... c'est une toute autre histoire. Cette fois-ci, il incarne un flic chargé d'enquêter sur l'enlèvement d'une fillette, un soir, au coeur d'un quartier populaire de la capitale. Avec lui, un adjoint désabusé soucieux de boucler le dossier au plus vite et une jeune psychiatre persuadée que le premier suspect n'est en fait qu'un bouc-émissaire. Sur cette base, il est clair que j'espérais découvrir un thriller efficace et prendre un plaisir d'autant plus sincère que le contexte algérois promettait d'apporter une petite touche d'originalité supplémentaire. Las ! Alger n'est pas un mauvais film, mais il ne sort pas des sentiers battus. Si l'intention était de témoigner des souffrances d'une société encore fragile, je crois pouvoir vous dire qu'il manque quelque chose. Possible aussi qu'il n'y ait pas besoin d'en ajouter pour que le public algérien, lui, perçoive et comprenne mieux tout ce qui nous échappe. Ce serait logique, non ? Je n'ai pas tout saisi... et ce n'est pas grave !

Alger
(ou 196 mètres)
Film algérien de Chakib Taleb Bendiab (2024)
Une scène explique (rapidement) pourquoi les rues de la capitale algérienne ne sont pas toujours aussi longues que d'autres: passons ! Puisqu'il est donc question d'enlèvement d'enfants, comparer ce film avec Prisoners peut s'entendre (j'ai préféré cet opus anglo-saxon). Nabil Asli, quant à lui, m'avait paru mieux inspiré dans Le repenti. Pour l'Algérie, je recommande aussi Harragas et/ou Omar la fraise...

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Et pour information...
C'est encore grâce aux Fiches du Cinéma que j'ai pu découvrir le film. Vous pourrez retrouver les articles de cet éditeur sur le site Actu.fr. Je ne dirais que du bien de ce qu'il publie sur le Web... et sur papier !

lundi 20 octobre 2025

Aux âmes égarées

Il l'avoue: "Le cinéma me rend excessif. Je suis un junkie de l'image". Âgé de 43 ans, le Franco-Espagnol Óliver Laxe affiche un certain sens de la démesure et paraît l'assumer pleinement. Il en faut à coup sûr pour écrire et tourner Sirāt, Prix du jury du Festival de Cannes 2025. La quatrième couronne du cinéaste sur la Croisette - en quatre films !

Dans la tradition musulmane, le mot Sirāt est le nom donné à un pont tendu entre l'enfer et le paradis, où l'âme se confronterait à sa vérité. Le film, lui, suggère qu'il est facile de se perdre dans un entre-deux rempli d'incertitudes, qui n'est plus la vie, mais pas encore la mort. Nous arpentons d'abord ce vaste espace indéfini avec Luis, un père parti à la recherche de sa fille disparue. Avec lui, son fils, Esteban. Inquiet, il espère obtenir des renseignements auprès des participants d'une rave au coeur du désert marocain, à qui il distribue des tracts avec la photo de l'absente. Mais, soudain, l'armée disperse la foule. Pris dans le mouvement, Luis et Esteban décident de suivre un groupe déterminé à rouler vers le sud. Qui sait ? S'ils rallient une autre fête organisée à la frontière de la Mauritanie, ils reverront peut-être celle qu'ils sont venus chercher. Rapidement, nous partageons cet espoir avec la petite dizaine de personnages concernés par cette "aventure". Il nous réconforte, tandis que le film suggère qu'une guerre mondiale vient d'éclater et montre, déjà, des hommes privés de presque tout...

Quel choc esthétique ! J'insiste: certains des plans de ce long-métrage figurent sans conteste parmi les plus beaux que j'ai vus cette année. Plus que logique, il est bien évident qu'ils ont été élaborés pour l'écran géant des cinémas, de même que la musique (techno) et la bande-son l'ont été pour leurs installations XXL. C'est la meilleure des garanties possibles pour vivre un grand moment, au-delà même d'un scénario éprouvant et imparable, qui exige de nous, public, un engagement absolu sur les méandres du chemin qu'il entend nous faire parcourir. Dès lors, autant vous avertir: Sirāt n'est JAMAIS un film confortable. Il risque en réalité de vous secouer, non sans une certaine violence. Par ailleurs, il pose maintes questions, mais ne répond pas à toutes. Ainsi, pourquoi deux des protagonistes sont-ils estropiés, l'un privé de son avant-bras droit, l'autre unijambiste ? Ce n'est pas expliqué. Unique certitude: Óliver Laxe a fait appel à d'authentiques "teufeurs". Les associer à Sergi López, seul acteur pro, est un autre bon choix. Son lointain périple est de ceux dont on ne revient jamais vraiment...

Sirāt
Film franco-espagnol d'Óliver Laxe (2025)

J'avais vu un autre opus du réalisateur, Viendra le feu, sorti en 2019. Sa nouvelle création me paraît encore plus forte, sous l'influence probable de films aussi puissants que Le salaire de la peur, Mad Max ou encore Gerry. De quoi "expérimenter sa petitesse", d'après Laxe. Notons autre chose: lui affirme n'avoir aucune référence spirituelle. Et ajoute: "L'art m'a un peu réchauffé le coeur". Je peux l'admettre...

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Vous voulez creuser le sujet ?

Un conseil: lire les avis de Pascale, Dasola, Princécranoir et Benjamin.

samedi 18 octobre 2025

Deux coeurs

Promis: ce samedi, ma chronique sera plus courte que la précédente. Je vous y parlerai d'un film japonais, sorti en 2022 dans son pays d'origine, mais diffusé depuis seulement dix jours en France: Egoist. Une première précision: le titre est en quelque sorte un trompe-l'oeil. N'allez donc pas imaginer qu'il qualifie l'un ou l'autre des personnages !

Pas d'égoïsme, au contraire: il est question d'une relation amoureuse. De nobles sentiments unissent rapidement Kosuke, salarié embauché dans un magazine de mode, à Ryuta, jeune homme d'origine modeste devenu son coach sportif. Je parle bien d'une relation homosexuelle. C'est la possible surprise du début du film: il évoque une situation encore largement taboue dans le cadre rigide de la société nippone. Et comment procède-t-il ? En nous montrant les grandes difficultés qu'affrontent Kosuke et Ryuta pour vivre leur histoire, malgré un coup de foudre réciproque. Bon... Egoist ne fait pas dans la demi-mesure. J'aime autant vous en prévenir: il adopte d'emblée le ton d'un drame sans concession (ce qui est peut-être sa manière à lui d'être réaliste). Je vous avoue que j'ai trouvé certaines situations un peu too much. Les âmes sensibles garderont quelques mouchoirs à portée de main. Tout est affaire de sensibilité, bien sûr. Il n'est pas interdit d'aimer...

Egoist
Film japonais de Daishi Matsunaga (2022)

L'adaptation d'un livre, lui-même tiré de l'expérience de son auteur. J'ignore en revanche si ce roman d'un dénommé Makoto Takoyama peut être disponible dans une version traduite en français (ou autre). Ce que je peux dire, c'est que, pour parler des grandes figures gays au cinéma, je préfère largement Le secret de Brokeback Mountain. Sans négliger La vie d'Adèle ou encore Carol pour la parole féminine !

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Vous voulez un autre avis ?
Cela tombe bien: celui de Pascale est en ligne (et clairement positif).

Je vous en ressers un peu ?
Ce sont les Fiches du Cinéma qui m'ont permis de chroniquer le film. Cette maison d'édition signe de nombreux articles sur le site Actu.fr. Elle publie aussi pour son propre compte - sur supports Web et papier.

jeudi 16 octobre 2025

In love with cinéma

Un bonus à ma chronique de lundi: c'est la Cinémathèque de Grenoble qui m'a permis de découvrir un "nouvel" Antonioni sur grand écran. Explication: le mois dernier, l'institution fêtait sa rentrée officielle avec cinq autres associations locales de promotion du septième art. J'en reparle plus bas et d'abord, un mot sur quatre courts-métrages ! Eux aussi ont été présentés au cours de cette soirée exceptionnelle...

La cena
Jesus Martinez Nota - Espagne - 2023

Dans ce petit film, un homosexuel fait son coming-out lors d'un dîner avec ses parents. Mais Papa et Maman n'y comprennent rien ! Comment imaginer qu'un homme puisse faire l'amour avec un autre ? Ce n'est pas que cela les choque, mais ils pensent la chose impossible sur le plan pratique, aucun des deux partenaires n'ayant de vagin conçu pour être pénétré. Les diverses révélations qui s'ensuivent amuseront celles et ceux qui ont l'esprit ouvert sur ces sujets intimes. Rien de scandaleux à l'horizon, mais peut-être un brin de caricature...

RAmén
Rubén Seca - Espagne - 2019

Connaîtriez-vous le pastafarisme ? Considérés comme les adeptes d'une religion dans certains pays, ses fidèles croient en l'existence d'une divinité sous l'apparence d'un monstre de spaghettis volant ! Après tout, la foi se passe allégrement de preuve tangible, pas vrai ? Bon... ce n'est pas exactement ce que raconte ce court, qui s'ouvre sur la "communion" d'une petite fille, devant sa grand-mère ulcérée. Je vous laisse découvrir vous-même comment les choses s'arrangent. Vous comprendrez que tout cela n'est pas très sérieux, évidemment...

Sacrées nonnes
Étudiants de l'école ISART-Digital - France - 2018

Pas sérieux non plus, ce court commence aussi avec une cérémonie religieuse. L'officiant impressionne grandement les petites soeurs dont il semble être le directeur spirituel. Or, pour une bonne raison que je ne dévoilerai pas, deux d'entre elles sortent de leur couvent. Une surprise les attend dans ce monde extérieur encore peu connu ! Croyant ou non, le spectateur, lui, est supposé en rire sans retenue. C'est possible, à condition de ne pas attendre un sketch désopilant. Comme l'aura souligné quelqu'un ce soir-là, "les jeunes ont du talent".

Où vont les sons
Florent Gouëlou - France - 2021
Je ne pourrai pas vous donner une vision très complète de ce court sensible, pour la simple raison qu'il n'a pas été projeté en entier. Malgré un timing serré, il était tout de même facile de comprendre qu'il était question de la réunion de six jeunes ados-adultes au chevet d'une de leurs amies, agressée dans la rue pour son orientation sexuelle. Un message bien utile pour rappeler que nos sociétés occidentales ne sont pas toujours aussi tolérantes qu'on le proclame. J'espère à présent avoir l'occasion de le réentendre dans sa globalité !

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C'est 24 heures durant que cette initiative de la Cinémathèque grenobloise a permis de mettre en avant les associations spécialisées de la commune. L'image composée ci-dessous vous donnera une idée de ce que j'ai pu voir. On pourra y revenir en commentaires, bien sûr.

Autre association, le Ciné-Club de Grenoble existe depuis 1967. Objectif annoncé: "Promouvoir la culture populaire et l'éducation permanente en s'inspirant de l'idéal laïc". Variés, les films qu'il défend sont regroupés par thèmes. Actuellement: Les machines au pouvoir...

Au coeur de ses activités, Vues d'en face promeut le festival international du même nom, 100% orienté sur le cinéma LGBTQIA+. Sa 25ème édition s'achève demain par (je cite) "une soirée queer, inclusive et désinvolte". Au programme: DJ sets... et ambiance drag !

Fa Sol Latino est, elle aussi, l'organisatrice d'un remarquable festival annuel, Ojoloco, consacré au cinéma ibérique et sud-américain. Majoritairement composée d'étudiants, elle favorise la découverte d'oeuvres fortes et rares: fictions, docus et classiques du patrimoine.

Cet éclectisme prévaut aussi chez Dolce Cinema, en bonne spécialiste reconnue du cinéma italien de toutes les époques. Son festival 2025 débutera le 8 novembre: je dois avouer que je suis plutôt impatient ! Surtout qu'il pourrait aussi y avoir quelques causeries intéressantes...

Et Terreur Nocturne, dans tout ça ? J'ai déjà mentionné son travail quand je vous ai parlé du Maudit Festival, dédié aux films de genre. Pour moi, c'est l'un des rendez-vous incontournables du début d'année. On y rit et on y tremble. Sensations fortes - et... bizarres - garanties.

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Il en manque une ? Exact ! Je suis heureux de voir que vous suivez. La Cinémathèque de Grenoble conserve, étudie et présente des films de toutes les époques et de tous les horizons. Elle est l'organisatrice d'un grand festival annuel, entièrement consacré aux formats courts. Elle vient d'entamer un cycle de projections sur le thème de la folie. Prochaine étape dès ce soir avec le Wanda de Barbara Loden (1970). La suite du programme se déroulera ensuite jusqu'au 14 décembre. Aucune info n'a encore circulé sur la programmation prévue en 2026...

lundi 13 octobre 2025

Silencieux et ravagés

"Comment ? Tu me parles ? Que dis-tu ? Je ne te comprends pas !". Dignes d'un dialogue de sourds, ces phrases tout à fait imaginaires pourraient être la version française - et simplifiée - d'une réplique dans un film de Michelangelo Antonioni. Le maître italien (1912-2007) est connu comme le grand cinéaste de l'incommunicabilité ! Et donc...

On ne s'étonnera pas que, dans La nuit, il fasse le portrait d'un couple incapable de se parler et nous propose d'assister à sa déliquescence. Écrivain renommé, Giovanni (Marcelo Mastroianni) visite un confrère hospitalisé, en compagnie de son épouse, Lidia (Jeanne Moreau). S'efforçant de faire bonne figure, cette dernière refuse le champagne que le malade voudrait lui offrir et, très émue, quitte la chambre. Quand Giovanni fait de même, il est accosté par une jeune femme visiblement démente, en fait empressée... de faire l'amour avec lui ! Il se rend alors à une réception de lancement de son nouveau livre. Lidia, quant à elle, s'en échappe et rallie le quartier où ils vivaient après leur mariage. Le soir, ils vont dans un cabaret, puis à une fête mondaine. Antonioni, aussi patient et curieux qu'un entomologiste, examine les chemins qu'ils empruntent ensemble, ainsi que tous ceux qu'ils abordent chacun de leur côté, sans juger bon d'en aviser l'autre. Ce qui permet au spectateur de voir Milan sous plusieurs facettes. Vous rêviez d'un voyage d'agrément ? Vous n'êtes pas au bon endroit. Le film n'a rien de vraiment plaisant pour l'homo touristicus lambda...

On m'avait prévenu que j'allais me frotter à du cinéma "intellectuel". Pas faux - et son propos est évidemment beaucoup moins simpliste que le pseudo-verbiage que j'ai élaboré au début de cette chronique. La nuit a, en tout cas à mes yeux, quelques attributs de la tragédie classique: une unité de lieu (la capitale de la Lombardie), une unité de temps (quelques heures) et une unité d'action (la fin d'un amour). Saisis dans les filets du destin, les personnages se débattent à peine. Pire, peut-être: ils laissent de côté les rares nouvelles opportunités qui s'offrent à eux telles que, par exemple pour Giovanni, l'offre d'embauche d'un capitaine d'industrie - qui le rendrait moins tributaire de son succès littéraire et, du même coup, moins dépendant de Lidia. Les très beaux plans d'Antonioni découpent cette réalité au scalpel tout en composant une oeuvre à la froideur clinique, que la présence de la sublime Monica Vitti, muse du réalisateur, peine à réchauffer. Un bémol ? Non. La photo noir et blanc et les cadres sont splendides. J'ajoute que le film était reparti du Festival de Berlin avec l'Ours d'or !

La nuit
(ou La notte)
Film franco-italien de Michelangelo Antonioni (1961)

Le long-métrage paie d'une demi-étoile sa relative aridité formelle. D'autres opus du même réalisateur sont un tantinet plus "accessibles" pour les profanes dont je fais partie - cela reste discutable, bien sûr. Antonioni est cependant bien placé sur l'échelle du grand cinéma italien, quelque part entre Fellini (Les vitelloni) et De Sica (Il boom). Hésitants ? Essayez d'au moins laisser une petite chance aux acteurs !

Non ? Toujours pas convaincus ?
OK. Je vous laisse désormais juge des regards d'Eeguab et Benjamin. Vincent, lui, s'est risqué à considérer les choses sous un autre angle...

samedi 11 octobre 2025

Trop intelligente ?

Cécile de France a eu cinquante ans cet été et j'aime à la considérer comme l'une des meilleures actrices françaises. Sauf qu'elle est belge. Blague à part, je confirme l'avoir trouvée à son aise et convaincante dans son dernier film, Dalloway, thriller futuriste signé Yann Gozlan. Elle ne se laisse décidément jamais enfermer dans un registre x ou y !

Clarissa, romancière, a été admise pour quelque temps en résidence artistique, auprès d'autres créateurs (peintres, musiciens, etc...). C'est censé lui permettre d'écrire plus facilement, le monde extérieur apparaissant vraiment hostile du fait d'une canicule et d'une épidémie virale. Dans son supposé cocon, l'autrice a également une opportunité rare: celle de constamment interagir avec une intelligence artificielle avancée, qui la guide dans son travail tout en rendant son séjour confortable. Futuriste, disais-je ? Pas sûr. Dalloway ne fait en somme que reprendre des situations réelles et imaginer le développement prochain de technologies déjà existantes, en bon film d'anticipation. Là-dessus, le scénario brode un suspense intéressant, l'assistante virtuelle de Clarissa entrant dans sa vie... un peu trop profondément. Mylène Farmer est sa voix et ajoute encore une couche de trouble ! Résultat: un film foncièrement accrocheur, bien que plutôt "chargé". NB: il adapte Les fleurs de l'ombre, un roman de Tatiana de Rosnay. Ne l'ayant pas lu, je ne juge pas que c'est absolument indispensable...

Dalloway
Film franco-belge de Yann Gozlan (2025)

Un petit bémol à mon enthousiasme: le propos est (un peu) surligné par quelques images spectaculaires et une bande musicale invasive. C'est vrai toutefois que ce film efficace m'a paru tout à fait pertinent. Son ambiance quasi-paranoïaque m'a rappelé Conversation secrète. Yann Gozlan n'est pas Coppola, bien sûr, ni Kubrick, évidemment. Mais j'ai aussi repensé à l'IA dans 2001 ! On n'a pas fini d'en parler...

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De quoi faire l'unanimité ?

Oh que non ! Dasola, par exemple, trouve le film "un peu perturbant". Bien moins enthousiaste, Pascale, elle, indique même s'être ennuyée.

mercredi 8 octobre 2025

Robert

"Au revoir, Robert... Parler de toi en quelques mots, c'est difficile. Une certitude: tu resteras mon Sundance Kid". C'est ce que j'ai écrit sur ma page Facebook après avoir appris la mort de Robert Redford. J'ai toujours supposé que la meilleure manière d'honorer la mémoire des acteurs était de voir (ou de revoir) leurs films. Sans en faire trop.

Robert, tout de même, avait assurément une place toute particulière dans nos coeurs. Sans doute parce que, héros et héraut du cinéma indépendant, il nous offrait la plus belle image possible de son pays. Je n'ai en réalité vu qu'une petite partie de sa longue filmographie. Devant et/ou derrière la caméra, l'ami Bob était souvent excellent. Sans en faire trop, lui non plus, et en partageant donc la lumière. Personnellement, c'est bien son rôle dans Butch Cassidy et le Kid dont je me souviens d'abord quand je repense à lui. Il avait 32 ans. Paul Newman, expliquait-il, l'avait pris sous son aile. Leur complicité évidente fait du film l'un de mes westerns de chevet. Une référence...

Je vous confirme bien évidemment que Redford n'était pas l'homme d'un seul film. Mais en fait, ce qui me vient rapidement à l'esprit quand je repense à lui dépasse même largement le cadre du cinéma. J'ai l'image d'un mec classe, tout simplement, dès le tout premier jour de sa carrière et jusqu'à ses toutes dernières apparitions publiques. Quand j'ai farfouillé sur le Web pour les photos, je n'ai rien trouvé d'outrageant ou de provocateur. Je n'ai pour ainsi dire vu qu'un type souriant. Cool. Visiblement heureux. OK, et alors ? Ça fait du bien. Cela laisse imaginer qu'il était dans la vie comme dans son travail. Meryl Streep l'a présenté comme "un lion". Calme et bienveillant, oui !

L'animal n'a pas croulé sous les récompenses et n'a jamais eu d'Oscar comme comédien, à l'exception d'une statuette d'honneur, en 2002. L'Académie lui en avait (tout de même !) octroyé une autre pour l'une de ses réalisations, Des gens comme les autres (1981). Un beau film dont j'aurais du mal à vous parler... vu que je dois encore le voir. Redford, pour moi, c'est Jeremiah Johnson, Nos plus belles années, L'arnaque et Out of Africa, notamment. Des personnages iconiques et des interprétations d'une grande justesse, presque à chaque fois. Peut-être parce que tout avait commencé au théâtre, en réalité. J'avoue être très peu au fait de ce début de carrière sur les planches !

Outre les quelques films déjà cités, j'ai aimé Robert dans Pieds nus dans le parc, Les hommes du président, L'affaire Chelsea Deardon, Spy game, Sous surveillance et enfin... Peter et Elliott le dragon. J'ai eu un jour la chance de rencontrer Sibylle Szaggars, son épouse. Elle avait accepté de me parler de sa propre carrière d'artiste peintre et d'évoquer La conspiration, l'un des films du Redford réalisateur. C'est un chouette souvenir, associé à celui de Gilles Jacob, président du Festival de Cannes, qui m'avait expliqué le peu de considérations pour l'acteur qu'avait eue certains journalistes lors de l'édition 1972. Politique des auteurs: ils voulaient parler à son ami, Sydney Pollack. Peut-être qu'on n'est jamais aussi aimé que lorsqu'on est parodié. L'hypothèse est une bonne excuse pour revoir La classe américaine...

Tout a changé aujourd'hui, évidemment, et les hommages pleuvent. C'est légitime. "Nous sommes dans un monde où plus rien n'est fixe. Où tous les cadres sont balayés par une tempête sans précédent". Robert Redford disait cela et "Il est très important pour un Américain de comprendre le point de vue des autres, car nous avons une vision trop étroite du monde, parfois". Une très belle leçon d'humilité, non ? Il me semble qu'il faudra se souvenir de sa clairvoyance, également. Parce qu'il va s'agir à présent d'entretenir la mémoire de cet homme bon, connu aussi comme un ardent défenseur de notre vieille planète. C'était une part de mon objectif en évoquant Le cavalier électrique. C'est celui de Pascale, Dasola, Princécranoir et Vincent, entre autres. Au revoir, Robert... On se retrouvera bien vite, au détour d'un écran !

lundi 6 octobre 2025

Avoir été, être encore

Robert Redford ? C'est par mon ami Philippe, alors en plein voyage professionnel à Tokyo, que j'ai appris sa disparition, le 16 septembre. J'ai cru opportun d'attendre avant d'écrire un éloge et donc laissé le fil de mes chroniques se dérouler comme prévu, autour de dix textes prêts à être publiés. Et... j'ai cherché un film de Bob à voir ou revoir !

Parmi trois-quatre options possibles, j'ai opté pour un long-métrage que je n'avais pas encore pu découvrir: Le cavalier électrique. Précision historique: cet opus est l'un des sept que ce cher Robert tourna avec son grand ami réalisateur, Sydney Pollack (1934-2008). Au sommet de sa beauté, l'acteur y incarne un ex-quintuple champion du monde de rodéo, Norman "Sonny" Steele, à présent sur le déclin. Une très sérieuse blessure l'ayant écarté du terrain de ses exploits passés, il en est réduit à mener des opérations de relations publiques pour son sponsor - une marque de céréales pour le petit-déjeuner. Lassé de cette vie, il aurait bien envie de déchirer son contrat. Finalement, un soir, attendu à dos de cheval sur la scène d'un casino de Las Vegas, il va tout envoyer promener et déguerpir avec l'animal ! Ce qui suscitera la colère de ses chefs, la panique de ses agents artistiques et la curiosité d'une jeune journaliste en panne de scoop...

J'en ai dit beaucoup, mais je veux vous rassurer: je n'ai pas tout dit. D'abord confiné dans des intérieurs bling-bling, ce beau film méconnu nous offre aussi une jolie vue dégagée sur l'Amérique des campagnes. C'est presque dans un road movie, finalement, que Steele / Redford nous embarque. Avec lui, Jane Fonda, parfaite en reporter de télé fortement attachée aux valeurs de la presse, mais moins psychorigide qu'elle n'en a l'air de prime abord. Le duo fonctionne à merveille. Librement adapté d'un roman, le long-métrage ose même s'aventurer dans des registres variés: sa bande-originale renforce sa dimension mélancolique, sans nuire à ses aspects comiques et/ou romantiques. Chut ! Le cavalier électrique respire la sincérité: à vous d'en juger. J'ai bien peu de choses à lui reprocher, si ce n'est quelques longueurs dans sa partie finale - il dure deux heures pile, générique compris. Mes goûts évoluent, bien sûr, mais je vois encore comme une chance de pouvoir fréquenter ainsi les mille et un monstres sacrés du cinéma américain. Et rien qu'avec Robert Redford, je suis loin d'en avoir fini !

Le cavalier électrique
Film américain de Sydney Pollack (1979)
Ce cinéma des gens de peu, lié aussi aux grands espaces, me fascine. J'y vois une représentation de la liberté et de ces utopies humaines qui, parfois, l'enrichissent. Comme dans Les désaxés, d'une tonalité tragique, ou Jeremiah Johnson, autre opus du duo Pollack / Redford. Je trouve en outre quelques parentés chez Schatzberg (L'épouvantail) et Eastwood (Bronco Billy). La continuité d'une forme de solidarité...

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Allez, confidence pour confidence...

Je précise que les autres films qui étaient en balance pour ma séance d'hommage étaient Votez McKay, L'homme qui murmurait à l'oreille des chevaux et All is lost, sortis tour à tour en 1972, 1998 et 2013. Arte a opté pour la redif' d'Et au milieu coule une rivière (1992). J'ose désormais vous assurer qu'il n'y a là que quatre parties remises !

En attendant, pour retrouver le film du jour...

Vous pourrez sans autre délai consulter la page de "L'oeil sur l'écran".

samedi 4 octobre 2025

Des voeux par centaine(s)

Tiens ! Il faut bien reconnaître que je suis passé devant cette info sans m'y arrêter: le 16 octobre 2023, le groupe Disney a eu cent ans. Je reviendrai (peut-être) un autre jour sur ses tous premiers pas historiques dans le vaste domaine du divertissement. Ma chronique d'aujourd'hui sera, pour sa part, dédiée au long-métrage anniversaire.

Je me souviens: sorti en novembre, Wish - Asha et la bonne étoile n'avait pas reçu un très bon accueil de la part de la presse spécialisée. Son box-office en France reste honorable: un peu plus de 2,8 millions de tickets vendus et la onzième place au classement de l'année 2023. Pour faire simple, le film repose sur une héroïne, Asha, à deux doigts d'être acceptée comme apprentie auprès du roi de Rosas, son pays. Seulement à deux doigts: l'entretien avec le souverain est un échec. Pire, il révèle que Magnifico, qui conserve les voeux de ses sujets sous la forme de bulles lumineuses, refuse d'utiliser ses pouvoirs magiques pour exaucer ceux qui ne servent pas ses propres intérêts. À la réflexion, il commencerait volontiers une carrière de dictateur. Le tout en violation manifeste de ses engagements passés ? Oui, oui !

Sauf que, bien sûr, il y a Asha et ses amis pour contrarier son projet. Le scénario de Wish... reste de fait très "classique" pour du Disney. Certains se sont d'ailleurs amusés à compter les supposés clins d'oeil aux autres productions du studio, contrairement à moi qui suis resté au premier degré de l'analyse filmique (en y prenant un réel plaisir). Sur le plan technique, j'ai - au départ - eu besoin d'un peu de temps pour m'habituer à ce mélange d'animation traditionnelle et d'images conçues par ordinateur, mais je n'ai rien vu de honteux pour un projet de cette envergure, doté d'un budget total de 200 millions de dollars. À noter qu'il faut également classer le film parmi les nombreux opus contenant des chansons: je sais que cela ne plait pas à tout le monde. En un mot, j'oserai dire que c'est une oeuvre assez conservatrice. J'assume ce qualificatif peu flatteur et vous confirme du même coup que cette non-originalité ne me dérange pas, vu que je m'y attendais. Il est évidemment permis de privilégier les oeuvres plus ambitieuses. Je suis déjà convaincu d'en voir d'autres... y compris côté animation !

Wish - Asha et la bonne étoile
Film américain de Chris Buck et Fawn Veerasunthorn (2023)

Disney le présente aussi comme son 62ème Classique d'animation. Bon... j'ai mieux apprécié les deux précédents, Encanto et Avalonia. L'important est de bien mesurer les stratégies marketing déployées par Mickey (et qui ne fonctionnent pas toujours). Mon opus du jour vaut bien La reine des neiges II. Et lui, au moins, il a un méchant ! Un défaut à citer ? Ce serait d'être un tantinet TROP sérieux, je crois.

jeudi 2 octobre 2025

Même combat ?

C'est presque une coïncidence: ce jeudi, j'enchaîne un deuxième film consécutif avec une guerre et un fleuve. Cette fois, je vous entraîne vers l'Amérique du Sud et sur le delta de l'Orénoque, au Venezuela. J'avance dans le calendrier et, de 1914, je passe directement à 1945. D'un conflit qui démarre, donc, à un autre dont l'armistice est proche !

La guerre de Murphy
- oui, c'est le titre du film - a bien peu d'égards pour la vérité historique. Son personnage principal est un matelot engagé sur un cargo britannique, attaqué et coulé par un sous-marin allemand. Unique survivant, notre homme est recueilli par des civils installés à proximité, autochtones, bien sûr, mais aussi européens. Parmi eux: une femme médecin anglaise - quaker ! - et un ingénieur français, qui va devenir un grand ami pour le "naufragé malgré lui". Lequel va petit à petit se perdre dans une funeste idée de revanche...

Les deux hommes avaient-ils réellement... le même combat ? Pas sûr. À vous de voir comment leurs espoirs se concrétiseront - ou pas. Simple précision: la vraisemblance n'est certes pas le premier atout du scénario (adapté d'un bouquin). Ce qui n'est pas un réel problème. Malgré quelques longueurs et faiblesses d'écriture, les personnages s'avèrent assez attachants pour qu'on passe un bon moment avec eux. Le casting fait d'ailleurs belle impression: si Peter O'Toole cabotine parfois plus que de raison, Philippe Noiret est quant à lui excellent dans un registre beaucoup plus sobre et un rôle plutôt inattendu. Unique femme à l'écran, la Galloise Siân Phillips est très bien aussi. J'ai apprécié que le film ne recule jamais devant les ruptures de ton et, par ailleurs, ne fasse pas preuve d'un quelconque manichéisme. Comment l'ai-je découvert ? Tout à fait par hasard, dans le catalogue d'un opérateur VOD. Je n'en avais jamais entendu parler auparavant. Comme vous l'aurez compris, ce fut donc une fort agréable surprise. De celles qui me font aimer le cinéma, au-delà des grands classiques !

La guerre de Murphy
Film britannique de Peter Yates (1971)

Cette fois encore, je vous laisserai lire ailleurs le récit d'un tournage calamiteux - au point de causer la mort de la scripte, tout de même. Le résultat est imparfait, mais ne mérite pas de tomber dans l'oubli. Il n'avait attiré que 382.377 spectateurs dans les salles françaises. Peter Yates, lui, reste surtout connu pour son Bullitt, il me semble. J'avais néanmoins préféré suivre sa caméra dans Les grands fonds...

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Pour conclure, voulez-vous une anecdote folle ?

Confiante en son talent, la Paramount avait d'abord pensé à Yates pour la réalisation d'un tout autre film: rien de moins que Le parrain. Les aléas de la production cinéma ne finissent pas de me surprendre !

mardi 30 septembre 2025

La guerre, un fleuve et...

Une vie suffit-elle pour voir tous les grands classiques de Hollywood ? Joker ! Plutôt que de chercher une réponse, j'ai préféré me pencher sur un titre à la réputation flatteuse: L'odyssée de l'African Queen. Un film en Technicolor sorti il y aura bientôt trois quarts de siècle. Avec Katharine Hepburn et Humphrey Bogart, je n'ai que peu hésité...

C'est presque sans la moindre info préalable que j'ai donc foulé le sol africain, dans l'actuelle Tanzanie, vers le début de l'automne 1914. Déclarée en Europe, la Première guerre mondiale atteint cette terre lointaine: le révérend britannique Samuel Sayer, tout à fait dépassé par les événements, voit son congrégation ravagée et les hommes valides du village attenant enrôlés (de force) dans l'armée du Kaiser. Le choc est si violent pour lui que le pauvre devient fou et meurt ! Résultat: sa soeur Rose, qui était son assistante, se retrouve seule...

Attendez ! Ne pleurez pas ! Et ne partez pas non plus ! Pas si vite ! L'endeuillée est rejointe par un Canadien, Allnutt, qu'elle connaissait comme employé d'une compagnie minière et facteur occasionnel. L'odyssée de l'African Queen débute véritablement quand le bougre l'embarque sur le canot à moteur qui est son véhicule professionnel. Mieux encore, quand il lui promet de descendre avec elle le fleuve voisin pour retrouver l'ennemi allemand et mener contre lui une action de résistance - non, je ne vous donnerai pas davantage de détails. Soyez sûrs d'une chose: récemment restauré, le film est superbe. Malgré quelques préjugés d'époque, son scénario est surprenant quand on s'attend au sacrifice de héros parfaits contre des méchants sanguinaires. C'est après ma séance que j'ai lu que Hepburn et Bogart avaient adoré collaborer: de fait, leur complicité rejaillit à l'écran. Tourné en partie en Afrique, leur "pas de deux" a quelque chose d'atypique, comparé à d'autres merveilles de l'âge d'or hollywoodien. Cerise sur le gâteau: au final, c'est une oeuvre joyeuse. Et optimiste !

L'odyssée de l'African Queen
Film (anglo-)américain de John Huston (1951)

Bon... j'ai décidé d'arrondir ma note en oubliant les quelques clichés évoqués ci-dessus (ils concernent les Africains et l'armée allemande). Je me suis dit que ce n'était pas tous les jours qu'un film d'aventures commençait en 1914 et prêtait à sourire. La lente descente de fleuve effectuée dans Apocalyse now sera nettement moins réjouissante. Idem pour la pérégrination africaine du Poilu portugais de Mosquito...

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Un dernier conseil...

Si vous ne l'avez pas déjà fait, je vous recommande de fouiller le Web pour dénicher des anecdotes sur l'histoire du film et de son tournage. Première étape possible, "L'oeil sur l'écran" rappelle également le lien à faire avec le Chasseur blanc, coeur noir de Clint Eastwood (1990).