jeudi 9 février 2023

Vers la folie

J'ai toujours une petite appréhension au moment d'évoquer un film recommandé par l'un(e) ou l'autre de mes ami(e)s. C'est le cas aujourd'hui avec Coup de torchon: un pote m'avait parlé d'humour noir et j'étais inquiet à l'idée de ne pas y adhérer. J'ai donc vérifié ! Résultat: je reconnais des qualités au film, mais il ne m'a guère plu...

1938. Lucien Cordier est l'unique flic (blanc) d'un petit village africain. Assez flemmard et franchement désinvolte, il n'a aucune autorité réelle sur les quelques malfaisants du voisinage. Pire, sa femme l'humilie en couchant avec un autre homme sous le toit conjugal. Notez que les torts sont partagés: Lucien a une maîtresse, lui aussi. C'est lorsque l'un de ses supérieurs hiérarchiques lui fait comprendre que personne ne le respecte vraiment que le bougre pète un câble ! Désormais, et malgré une belle rencontre avec une institutrice idéaliste, il ne vivra que pour écarter les très nombreux importuns placés sur la route de son oisiveté heureuse. Aïe ! Ce brusque virage vers une certaine forme de folie ne m'aura donc que peu intéressé. Pourtant, je le reconnais: Philippe Noiret le joue à la perfection. Isabelle Huppert, Stéphane Audran, Eddy Mitchell et tous les autres forment autour de lui une troupe de premier choix. Mention spéciale pour un Jean-Pierre Marielle deux fois présent et toujours truculent. Ce qui coince ? Moi, je crois. Avec une impression de misanthropie...

Coup de torchon
Film français de Bertrand Tavernier (1981)

J'ai trop de respect pour la carrière du réalisateur pour descendre sous les trois étoiles. Je n'ai rien vu de mauvais: je dirais simplement que le film "ne me convient pas" - et cela, je l'assume plutôt bien. Parmi les films du duo B. Tavernier / P. Noiret, La vie et rien d'autre et Le juge et l'assassin gardent ma préférence. Et pour l'Afrique vue d'Europe, je choisirai Les rayures du zèbre et/ou Twist à Bamako...

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Tout cela étant dit, allons voir ailleurs...

Je crois que Pascale aime beaucoup ce film (et l'invite à confirmer). NB: vous en lirez d'autres chroniques chez Princécranoir, Strum et Lui.

6 commentaires:

Pascale a dit…

Je pense qu'effectivement c'est un de mes Tavernier préféré (avec Dans la brume électrique, La Princesse de Montpensier, Capitaine Conan, L627... bref beaucoup d'autres).
Je le trouve extraordinaire à tout point de vue ce film que j'ai déjà vu plein de fois.
Je pense qu'il n'y a pas vraiment d'électrochoc pour Cordier, il sait qu'il a toujours été considéré comme un con y compris par sa femme qui couche avec son soi-disant frère (le "couple" Mitchell Audran est inénarrable) mais il est trop feignant pour réagir. ça lui convient bien comme ça. Un coup de pied au cul de temps en temps, ça n'a pas l'air de le déranger. Mais un jour il en a marre et ça s'accentue avec la rencontre avec l'instit.
Il finit par se prendre pour un justicier qui débarrasse la terre de tous les parasites.
Je le trouve (un peu) cruel avec Isabelle. Et terrible avec le jeune noir qui "a vu des choses"...
Au niveau du casting et de l'interprétation c'est vraiment de la haute voltige.
Un personnage aussi con et raciste que celui interprété par Guy Marchand, il fallait oser.
Je me suis toujours dit que je lirai le livre mais le film reste haut placé dans ma cinéphilie.
Philippe Noiret est PRODIGIEUX, mais ce n'est pas une surprise.
Et cette musique !!!
Je ne dirais pas (vu ton avis) qu'il faudrait que tu le revois car c'est vraiment étrange cette frilosité mais franchement, tu ne devais pas être en forme pour passer à côté de ce grand film.
Je crois que même ceux qui n'apprécient guère Tavernier (il y en a, les bras m'en tombent) placent celui-ci assez haut.

Martin a dit…

Merci pour cette longue plaidoirie, Maître Pascale. Je suis sensible à vos arguments et, d'ailleurs, admiratif de Bertrand Tavernier, j'en partage quelques-uns. Dont le côté prodigieux de Noiret, la relative cruauté de son personnage à l'égard de Rose / Isabelle Huppert, son aspect terrible avec le jeune "témoin" noir...

J'insiste: c'est le côté négatif de la quasi-totalité des personnages qui me rebute et me fait dire que ce bon film n'est "pas pour moi". Je le reverrai peut-être un jour. Il me semble que ce serait trop tôt de le revoir maintenant pour l'apprécier d'un oeil nouveau. Mon podium Tavernier ? "La vie et rien d'autre", "Le juge et l'assassin" et "L’appât" (ou peut-être "Dans la brume électrique").

ATTENTION SPOILERS !

ATTENTION, J'AI DIT !

JE VOUS AURAI PRÉVENUS !!!

N'oublions pas la presque-envie de Cordier de dézinguer quelques enfants pour faire le compte !

Pascale a dit…

Ah ben c'est sûr que si les personnages noirs ou négatifs me rebutaient, j'aurais moins d'enthousiasme.

Mais oui, Le juge et l'assassin, La vie et rien d'autre (cette fin, cette lettre, "dans le coeur des vieux hommes..."♡ quel sentimental ce Bertrand !).

Euh, dézinguer des enfants c'est pas bien ?

Il faut que je me procure le livre.

princecranoir a dit…

Je ne peux pas vraiment dire mieux que ce qu'a avancé Pascale juste avant, sinon ajouter que les dialogues d'Aurenche sont succulents, qu'il s'agit sans doute d'une des toutes meilleures adaptations de Thompson dont la noirceur est une constante (je n'ai pas lu celui-ci mais "the killer inside me" qui reste mémorable).
Après, je peux comprendre qu'on ne soit pas réceptif à l'étrange climat de malaise qui court tout au long du film.
Merci pour le lien. ;-)

Martin a dit…

@Pascale:

Les personnages négatifs ne me rebutent pas tout à fait, mais quand ils tiennent un discours sur la nullité de l'être humain pour justifier de tout dézinguer, oui, ça ne me correspond plus trop. Une sensibilité qui est plus ou moins exacerbée en fonction des films et des circonstances.

Pas envie de lire le bouquin. Je vais plutôt parcourir quelques pages de mon anthologie Noiret, tiens !

Martin a dit…

@Prince:

Pas d'quoi pour le lien, l'ami !

Je suis sûr qu'à lire mes échanges avec Pascale et ma chronique, tu auras bien compris que je n'ai pas détesté le film. Simplement dit qu'il ne me correspondait pas. Cela n'enlève rien aux nombreuses qualités que Pascale et toi évoquez.

Pour ce qui est de la source littéraire... tu m'interpelles, car je me souviens d'avoir vu un film intitulé "The killer inside me" (cf. mon index des films). Et je réalise donc, grâce à toi, que c'est le même auteur à la base ! Une certaine constance dans la noirceur que je mettrais plutôt à son crédit, pour le coup. Sans que cela me donne envie de m'y replonger tout de suite...