Je pense que vous pourrez mieux comprendre le titre de ma chronique d'aujourd'hui quand vous aurez vu le nouveau le film de Nanni Moretti. Après un documentaire sur le Chili de Pinochet, le cinéaste italien revient à la fiction en adaptant un roman (ce qu'il n'avait jamais fait). Un livre de l'Israélien Eshkol Nevo qu'il a prolongé et resitué à Rome...
Tre piani - le film - se passe presque entièrement dans un immeuble bourgeois. Plusieurs groupes de personnes s'y croisent et recroisent constamment. Il y a d'abord Dora et Vittorio, un couple de magistrats dont le fils (Andrea, une vingtaine d'années) a causé un accident mortel. Il y a aussi Monica, qui vient d'accoucher seule, son mari travaillant sur une lointaine plateforme pétrolière. Il y a encore Sara et Lucio, des quadras qui confient parfois la garde de leur petite fille à leurs si gentils voisins de palier, Giovanna et Renato, retraités. C'est à partir d'événements relativement banals de la vie quotidienne que cette communauté va petit à petit devoir renoncer à l'harmonie...
Il paraît qu'à Cannes, cette année, certains ont reproché à Moretti d'avoir renoncé à écrire un scénario original. C'est gonflé ! J'ai bien vu en Tre piani l'une de ces oeuvres ambitieuses dont sa filmographie est pleine. J'oserai même dire que, cette fois, elle déborde un peu. D'une grande finesse et d'une intelligence rare, le propos du cinéaste souffre légèrement d'une surcharge de circonstances dramatiques. Deux heures durant, les personnages n'ont pas vraiment de répit lorsqu'il s'agit ici de rendre compte de leurs malheurs enchevêtrés. Encore me faut-il préciser que la trame du film est censée se dérouler sur dix ans, le métrage étant découpé en trois parties d'importance égale - avec un (vague) marquage temporel en 2010, 2015 et 2020. Nanni, hier autarcique, mise sur l'intelligence des spectateurs. Merci !
Tre piani n'est pas forcément le plus politique des films du maestro. Quoi qu'il en soit, c'est à mes yeux une oeuvre d'un humanisme profond (et qui a bien des choses à nous dire, même mezza voce). Qu'importe les qualificatifs, au fond: ces histoires ont su me toucher. Il paraît qu'en réalité, seule la première partie correspond au livre originel, le reste étant "brodé" à partir de ce modeste fil conducteur. Nous pouvons donc bien parler d'une oeuvre tout à fait personnelle. Moretti y fait toujours l'acteur, certes, mais il laisse aussi beaucoup de champ à sa troupe pour s'exprimer pleinement. Certains acteurs sont connus, d'autres peut-être moins: j'ai souhaité que mes photos vous les montrent nombreux, car ils sont tous bons, femmes, enfants et hommes confondus. Tel un concentré d'Italie que je juge crédible...
Un constat: certaines critiques sont sévères avec le film, lancé donc sur la Croisette et qui aurait dû sortir en salles beaucoup plus tôt. Honnêtement, tout n'est pas parfait dans Tre piani: les quatre étoiles que je vais lui attribuer témoigneront également du respect que j'ai pour le réalisateur en tant que figure centrale et militante du cinéma européen. Vous avez bien entendu le droit de ne pas être d'accord. Histoire de chipoter un peu, je dirais que ce (long) long-métrage demeure constamment d'un sérieux proverbial: quelques respirations par l'humour n'auraient pas forcément été malvenues. Si cela continue de me convaincre, c'est aussi parce qu'il me semble que l'optimisme finit par prévaloir et favorise ce que j'appellerai de nouveaux départs. À tout le moins, il y a là, sans doute, matière à débat. Et tant mieux !
Tre piani
Film italien de Nanni Moretti (2021)
Je n'ai pas encore vu assez de films de Nanni Moretti pour les classer selon mes préférences, mais celui-ci est assurément un bon cru. L'immeuble m'a parfois fait penser à celui d'un film iranien: Le client. Le quasi huis clos a souvent, au cinéma, quelque chose d'oppressant dont on se libère difficilement. Les bruits de Recife, le démontre superbement et Le locataire, ô combien ! Il me faut encore digérer...
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Je ne suis pas le seul à avoir apprécié...
Vous pourrez vérifier que Pascale a, elle aussi, beaucoup aimé le film. Je tiens à vous signaler également qu'il en est de même pour Dasola. Et que Strum, fidèle à son habitude, nous offre une analyse détaillée !
Tre piani - le film - se passe presque entièrement dans un immeuble bourgeois. Plusieurs groupes de personnes s'y croisent et recroisent constamment. Il y a d'abord Dora et Vittorio, un couple de magistrats dont le fils (Andrea, une vingtaine d'années) a causé un accident mortel. Il y a aussi Monica, qui vient d'accoucher seule, son mari travaillant sur une lointaine plateforme pétrolière. Il y a encore Sara et Lucio, des quadras qui confient parfois la garde de leur petite fille à leurs si gentils voisins de palier, Giovanna et Renato, retraités. C'est à partir d'événements relativement banals de la vie quotidienne que cette communauté va petit à petit devoir renoncer à l'harmonie...
Il paraît qu'à Cannes, cette année, certains ont reproché à Moretti d'avoir renoncé à écrire un scénario original. C'est gonflé ! J'ai bien vu en Tre piani l'une de ces oeuvres ambitieuses dont sa filmographie est pleine. J'oserai même dire que, cette fois, elle déborde un peu. D'une grande finesse et d'une intelligence rare, le propos du cinéaste souffre légèrement d'une surcharge de circonstances dramatiques. Deux heures durant, les personnages n'ont pas vraiment de répit lorsqu'il s'agit ici de rendre compte de leurs malheurs enchevêtrés. Encore me faut-il préciser que la trame du film est censée se dérouler sur dix ans, le métrage étant découpé en trois parties d'importance égale - avec un (vague) marquage temporel en 2010, 2015 et 2020. Nanni, hier autarcique, mise sur l'intelligence des spectateurs. Merci !
Tre piani n'est pas forcément le plus politique des films du maestro. Quoi qu'il en soit, c'est à mes yeux une oeuvre d'un humanisme profond (et qui a bien des choses à nous dire, même mezza voce). Qu'importe les qualificatifs, au fond: ces histoires ont su me toucher. Il paraît qu'en réalité, seule la première partie correspond au livre originel, le reste étant "brodé" à partir de ce modeste fil conducteur. Nous pouvons donc bien parler d'une oeuvre tout à fait personnelle. Moretti y fait toujours l'acteur, certes, mais il laisse aussi beaucoup de champ à sa troupe pour s'exprimer pleinement. Certains acteurs sont connus, d'autres peut-être moins: j'ai souhaité que mes photos vous les montrent nombreux, car ils sont tous bons, femmes, enfants et hommes confondus. Tel un concentré d'Italie que je juge crédible...
Un constat: certaines critiques sont sévères avec le film, lancé donc sur la Croisette et qui aurait dû sortir en salles beaucoup plus tôt. Honnêtement, tout n'est pas parfait dans Tre piani: les quatre étoiles que je vais lui attribuer témoigneront également du respect que j'ai pour le réalisateur en tant que figure centrale et militante du cinéma européen. Vous avez bien entendu le droit de ne pas être d'accord. Histoire de chipoter un peu, je dirais que ce (long) long-métrage demeure constamment d'un sérieux proverbial: quelques respirations par l'humour n'auraient pas forcément été malvenues. Si cela continue de me convaincre, c'est aussi parce qu'il me semble que l'optimisme finit par prévaloir et favorise ce que j'appellerai de nouveaux départs. À tout le moins, il y a là, sans doute, matière à débat. Et tant mieux !
Tre piani
Film italien de Nanni Moretti (2021)
Je n'ai pas encore vu assez de films de Nanni Moretti pour les classer selon mes préférences, mais celui-ci est assurément un bon cru. L'immeuble m'a parfois fait penser à celui d'un film iranien: Le client. Le quasi huis clos a souvent, au cinéma, quelque chose d'oppressant dont on se libère difficilement. Les bruits de Recife, le démontre superbement et Le locataire, ô combien ! Il me faut encore digérer...
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Je ne suis pas le seul à avoir apprécié...
Vous pourrez vérifier que Pascale a, elle aussi, beaucoup aimé le film. Je tiens à vous signaler également qu'il en est de même pour Dasola. Et que Strum, fidèle à son habitude, nous offre une analyse détaillée !
12 commentaires:
J’hésitais à aller le voir étant données les critiques peu engageantes. Mais j’aime bien aussi les films de ce réalisateur italien. Donc je vais franchir le pas au vu de ce que vous en dites.
Merci. Bonne soirée.
Avec plaisir, Jourdan ! Je suis flatté de savoir que j'ai "servi de déclic".
J'espère que le film vous plaira et vous invite à le dire si vous repassez par ici.
C'est fou de lui faire le reproche d'adapter. Enfin, les critiques... passons.
Un grand film selon moi empli des choses de la vie qui la font parfois basculer.
Il ne se donne pas le beau rôle Nanni mais j'aurais aimé qu'il soit bien plus présent à l'image. Je l'adore aussi en tant qu'acteur avec sa tête de psy ou de magistrat :-)
Tous les personnages/acteurs sont excellents en effet.
Cette critique pour l'adaptation, c'est vraiment du buzz pour du buzz. Compte tenu de tout ce que Moretti fait pour le cinéma (réalisateur, acteur, producteur je crois, militant et exploitant de salle !), c'est fou de penser qu'on lui reproche un prétendument "manque d'imagination". Bref, comme tu dis, passons...
Pour ma part, je trouve très bien qu'il ne soit pas plus présent à l'image, cette fois. Le film est équilibré entre ces différents personnages et Nanni met ses acteurs dans la lumière. C'est généreux, n'est-ce pas ? Il aura bien l'occasion de faire quelque chose de plus intime ensuite. Il nous a habitués à cela et c'est vrai que j'aime sa présence à l'image. Et sa voix, scandée de façon si particulière. De toute façon, l'italien, j'aime toujours, je crois.
Ben voilà, son personnage est vraiment très intéressant. Non mais cette scène où son fils le frappe, j'y pense encore... Et oui, il joue TRES BIEN et sa voix, c'est du velours. Et il est tellement beau. Bref, j'en veux encore !
Tu spoiles !!!
Mais oui, la scène du fils, elle est terrible ! On croirait que ça se passe vraiment !
Je me demande ce que Nanni nous proposera comme prochain film. Je suppose qu'il a toujours la foi et, à 68 ans, il a encore une certaine marge pour nous en proposer quelques-uns.
Ma seule inquiétude, c'est que "Tre piani" n'a pas l'air d'attirer beaucoup de monde...
J’ai beaucoup aimé ce film.Les acteurs ,je pense aux rôles du père et de la mère, sont remarquables.Le message que j’ai retenu c’est que chacun un jour peut passer de l’autre côté, succomber à l’inconcevable. C’est un film qui n’est pas moralisateur et c’est bien rendu avec subtilité. Je crois qu’ainsi ce film nous invite à sortir de nos certitudes, de notre cocon intérieur et à accepter parfois que les choses puissent être autres.
On peut ainsi envisager un autre avenir ,c’est ce qui va émerger à la fin du film.
Voilà mon ressenti.
Merci d'être repassé, Jourdan. Je suis vraiment content de vous avoir incité à voir le film.
Votre ressenti est très bien exprimé et je me sens proche de tout ce que vous dites. Merci encore.
Il ne me reste qu'à espérer vous recroiser ici un jour... ou l'autre.
Merci beaucoup. C’est toujours intéressant de lire et d’échanger des avis .
Pas de quoi. Je partage votre opinion et vous serez toujours le bienvenu.
Comme tu dis, l'optimisme, ou plutôt l'espoir d'une amélioration, finit par prévaloir après un début bien sombre. Je suis un inconditionnel de Moretti et j'ai aimé le voir aborder certains de ses thèmes autrement en reliant le film à certains de ses films passés de manière souterraine par l'idée d'un héritage entre générations. Merci pour lien, Martin !
Pas d'quoi, Strum ! Cela me fait plaisir de partager.
Je serais ravi si tu pouvais expliciter un peu ton idée de liens souterrains entre les films de Moretti...
L'idée de l'héritage est intéressante, en tout cas, et je la retiens pour y être plus attentif une prochaine fois.
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