mercredi 21 juin 2017

Tout pour la musique

Peut-on soumettre le génie ? Ou simplement le brider ? Whiplash pose frontalement ces questions. Le film a déboulé dans les salles françaises à la Noël 2014, une période généralement peu favorable pour la sortie d'une oeuvre de ce type. Les cercles cinéphiles en ont pourtant fait un - petit - événement: près de  640.000 tickets vendus.

Le titre reprend celui d'un classique du jazz, mais, s'il faut le traduire littéralement, disons qu'il signifie coup de fouet, ce qui vient établir un lien évident avec le scénario. Il est ici question d'Andrew, ado ordinaire (Miles Teller parait un peu "vieux", dommage !) et batteur ambitieux. Quand il ne travaille pas chez lui, ce jeune homme prend des cours dans une école de musique prestigieuse: il y est remarqué par Fletcher, le prof le plus illustre... et le plus exigeant. Son génie supposé sera-t-il révélé ? Restera-t-il en veilleuse ? Quels efforts devra-t-il faire pour s'imposer ? C'est tout le propos de Whiplash. Bientôt, on va prendre le musicien en amitié et on s'indignera alors logiquement du sort qui lui est réservé. Car le mentor qu'il a trouvé agit moins en chef d'orchestre qu'en sergent instructeur. Humiliant...

Sachez-le: même si la musique est bonne, le rythme de l'ensemble peut dérouter... ou même déplaire. J. K. Simmons mérite bien l'Oscar qui lui a été remis pour avoir incarné le terrible Fletcher, mais les cris et vexations en cascade qu'il a dû déverser pendant toute une partie du film peuvent finir par fatiguer les oreilles les moins endurcies. J'ajoute cependant que, si ce n'est pour saisir quelques termes techniques, connaître la musique en général et le jazz en particulier n'est pas nécessaire pour apprécier le spectacle. En fait, Whiplash filme les notes comme peu de films auparavant: ses  plans rapprochés et, surtout, son montage ultra-dynamique font merveille. Un bémol cependant: l'intrigue écarte un peu trop vite certains personnages secondaires. C'est peut-être le sujet qui veut ça, me direz-vous. Vrai-faux classique, le long-métrage a longtemps attendu sur la pile des scénarios non réalisés. C'était une bonne idée de l'en sortir enfin !

Whiplash
Film américain de Damien Chazelle (2014)

L'une des critiques que j'ai lues, après coup, compare ce récit original à celui de Black swan. Mouais... c'est vrai qu'il y a un côté névrosé dans le personnage d'Andrew, mais bon... je ne suis pas convaincu. Une certitude: ce n'est plus le Miles Teller de The spectacular now. Et le film, l'air de rien, aborde certains des thèmes de celui qui a suivi dans la (jeune) carrière de Damien Chazelle: bingo, c'est La La Land !

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Pour finir sur une bonne note...

Je vous suggère de parcourir les partitions de Pascale, Dasola et Tina.

12 commentaires:

dasola a dit…

Bonjour Martin, par rapport à Lalaland, j'ai préféré Whiplash même si des choses m'ont gênée. Il faut dire que j'aime beaucoup la batterie. Chazelle a encore des progrès à faire. C'est un peu de l'esbrouffe. Bonne après-midi.

tinalakiller a dit…

J'aime énormément ce film de Chazelle (bien plus que La La Land ahaha) qui, au-delà d'être sous-tension tout le long, parvient à interroger sur l'éducation et ses limites. Et puis c'est chouette de voir la batterie mise en scène, c'est tellement un instrument "oublié". Et les acteurs sont fantastiques !

Pascale a dit…

C'est la salle qui m'avait gênée... des éclats de rire gras à chaque humiliation et une standing ovation de plusieurs minutes... ont gâché mon interprétation du film.
Il faut absolument que je le revois... car je ne pense pas que ce soit un film comique.

Martin a dit…

Esbroufe ? Par rapport à la musique, tu veux dire ?
Non, parce que le film est un peu tapageur, d'accord, mais bon...

Je note que Damien Chazelle n'avait pas trente ans à la sortie.
Je le définirai volontiers comme un talent précoce et j'aime à penser qu'il va encore s'améliorer.

Martin a dit…

@Tina:

C'est vrai que le film pose de vraies questions sur l'éducation. Bien vu !
Sur les acteurs, nous sommes d'accord, et, oui, la batterie est souvent négligée au cinéma...

Martin a dit…

@Pascale:

Ah ça, non, ce n'est sûrement pas une comédie !
Le standing ovation, passe encore, mais parce que c'est drôle !

Tu l'avais vu dans un contexte particulier ? Un festival ou autre ?

Pascale a dit…

Je l'ai vu au Festival de Deauville.
En fait tu ne lis pas mes articles :-('
J'aime bien que les gens réagissent mais là j'ai vraiment eu la sensation avec tous ces éclats de rire qu'ils avaient vu une comédie... et moi un drame.

Dasola se drogue c'est évident.

eeguab a dit…

Remarquable film d'une grande violence en fait. Une sorte de Raging Bull musical ou de Full metal jacket pédago (enfin pédago?) En plus je ne suis pas très "percussion" mais les univers musicaux me fascinent et la référence à Black Swan est à mon sens assez bien vue.

Martin a dit…

@Pascale:

M'enfin ! Bien sûr que si, je lis tes articles ! J'avais zappé ce point particulier, c'est tout.
Ouais, rire devant "Whiplash", c'est quand même très franchement à côté de la plaque. Ou alors en exutoire ?

Martin a dit…

@Eeguab:

Oui, je suis d'accord avec le terme de violence pour parler des situations décrites dans le film.
Des deux films que tu cites, je n'ai vu que "Full métal jacket", mais le parallèle avec "Raging Bull" me semble pertinent.

Pour ce qui est de "Black swan", c'est juste que je le trouve un peu trop fantasmagorique pour soutenir la comparaison.

princécranoir a dit…

Un film d'épouvante avec une gargouille en chef d'orchestre (Jason Blum à la prod en témoigne et la référence à "Black Swan" fait alors sens). J'aime de plus en plus ce film qui cogne tout ce qu'il peut tous azimuts, une formation musicale musclée en mode boot camp. Eminemment autobiographique, cette histoire de sang, de sueur et de percussions frappadingues va chercher dans les tripes de son personnage toute la cruauté nécessaire à l'accomplissement de sa réussite. Une vision pas forcément aimable de la success story à l'Américaine, ce qui me la rend d'autant plus sympathique.

Martin a dit…

Je ne savais pas que le film était (je te cite) "éminemment autobiographique". Des précisions ?
Sur le reste, nous sommes d'accord, à ce que je vois. Le terme "gargouille" sonne particulièrement juste !