dimanche 10 janvier 2016

Derrière le mur

Certains artistes se distinguent par leurs innombrables facettes. D'autres, au contraire, s'avèrent plutôt constants dans leur mode d'expression et nous invitent à les apprécier comme des familiers. Steven Spielberg fait la synthèse, à mon sens, avec des scénarios variés et un cinéma "identifiable". Et je l'aime pour ça, à vrai dire...

Le pont des espions, son dernier opus, n'est pas un chef d'oeuvre. C'est un film bourré de qualités sur le fond et la forme, la signature d'un maître avéré et confirmé, mais pas un (nouveau) chef d'oeuvre. Concrètement, à partir de faits historiques, il s'agit de montrer comment, en 1957, un très bon avocat américain spécialiste du droit des assurances a été commis d'office à la défense d'un supposé espion soviétique. Par la suite, il sera question d'un échange de prisonniers entre les deux grandes puissances. Ce qui est vraiment très réussi dans cette histoire, c'est le début, quand notre ami Steven pose frontalement la redoutable question de la manière dont la démocratie se doit de traiter ses possibles ennemis. Il est un peu regrettable qu'après avoir lancé son récit dans cette direction, l'ami Steven paraisse freiner ses ardeurs au profit d'un traitement conventionnel de son sujet. Ça reste intéressant, mais ça devient trop prévisible...

Malgré tout, Spielberg n'est pas soudainement devenu manchot ! Notre homme sait toujours, à 70 ans bientôt, bien s'entourer et tenir une caméra. Sa reconstitution des États-Unis des années cinquante est parfaite, bien entendu ! Quand son personnage principal se voit contraint de traîner ses guêtres du côté de Berlin Est, des images saisissantes de la construction du Mur nous rappellent judicieusement combien ces événements sont récents. Et puis, bien sûr, le film fonctionne grâce à ses acteurs, dont un Tom Hanks à son sommet dans le rôle principal. Ce que j'ai aimé particulièrement dans Le pont des espions, c'est qu'il soit presque l'unique star de la distribution. Cela m'a incité à prêter attention aux autres comédiens: mention spéciale pour Mark Rylance, le présumé coupable. D'autres visages évocateurs apparaissent ici et là, même si l'intrigue prend le dessus. Juste un peu sucrée par moments, mais sans réelle baisse de rythme.

Le pont des espions
Film américain de Steven Spielberg (2015)

Je vous avoue que, désormais, j'aimerais que notre camarade propose un autre film tourné vers l'univers de l'enfance, ce qu'il a su faire admirablement par le passé. J'ai encore envie de rêver un peu ! Cet opus 2015 - son 29ème long-métrage - est sans doute un film important, mais pêche d'être un peu trop sérieux, trop appliqué. Après Cheval de guerre et Lincoln, ça reste toutefois très cohérent.

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Deux précisions...
Le scénario est l'oeuvre d'un jeune Anglais, Matt Charman, auteur associé pour l'occasion à... Joel et Ethan Coen ! De quoi espérer quelques films "décalés" à l'avenir ? On verra. Vous pourrez noter toutefois que Steven Spielberg, qui travaillait ces dernières années avec Disney, a choisi de retrouver son tout premier studio: Universal.

Et pour finir, des liens...
L'occasion de lire les avis de Pascale, Dasola, 2flics et Princécranoir. Sauf à préférer les nouveaux venus: Strum, Eeguab et Alain Souché.

6 commentaires:

princécranoir a dit…

Superbe réussite assez inattendue je dois dire. Quand Spielberg nous cueille à froid des deux côtés du Mur, ce sont les vieux spectres de l'espionnage qui ressurgissent. Merci pour le lien ;-)

Martin a dit…

Mais je t'en prie ! C'est vrai que j'ai particulièrement apprécié le fait qu'avec la complicité de son ami Tom, ce bon vieux Spielby nous montre les deux côtés du mur. La scène de transition avec l'étudiant affolé est d'ailleurs particulièrement réussie, je trouve.

2flicsamiami a dit…

Une modeste mais belle réussite que ce Pont Des Espions. Du très beau travail des deux côtés de la caméra, même si on n'évite pas, en effet, certaines facilités.
Par contre, petite erreur : le studio sous lequel est produit son film, c'est 20th Century Fox et non pas Universal.

Martin a dit…

Nous sommes d'accord: même si ce n'est pas génial et même si notre ami Steven a fait bien mieux par le passé, le film reste de la belle ouvrage, tout à fait digne d'être une référence pour bien des réalisateurs plus jeunes.

Pour ce qui est de cette histoire de studio, il me semble tout de même que Disney est intervenu pour la DIFFUSION de ce film (au même titre que la Fox). Quant à Universal, si j'ai bien compris, c'est désormais le groupe que Spielberg voudrait retrouver.

2flicsamiami a dit…

En effet, Disney (qui possède un accord de diffusion sur les films Dreamworks jusqu'à l'année prochaine) et Fox se partagent le travail. Mais point d'Universal.

Martin a dit…

Euh... peut-être que je me trompe, mais je parlais pour l'avenir et sur la foi d'articles concordants parus vers la mi-décembre. Extrait: "Le réalisateur américain Steven Spielberg a annoncé qu'il revenait dans le giron d'Universal et qu'il ne reconduisait donc pas le contrat avec Disney, qui distribuait ses films ces dernières années".