lundi 18 janvier 2016

Hulot !

Ce soir-là, Arte en diffusait trois consécutivement et il n'est pas exclu que j'en découvre un autre prochainement: mes récentes vacances hivernales m'auront permis de voir mon premier Tati, Mon oncle. Depuis quelque temps, j'espérais avoir l'opportunité d'apprécier enfin l'imaginaire de ce grand et si original monsieur du cinéma français...

Les connaisseurs le savent déjà: le titre choisi pour ma chronique n'est pas qu'une interjection, mais aussi le nom du personnage récurrent des films de Jacques Tati, que le réalisateur interprète d'ailleurs lui-même. Ici, il est le frère lunaire d'une femme mariée avec un riche industriel, qui déplore son comportement désinvolte. Plutôt que de laisser son frangin s'occuper de son neveu, la frangine s'efforce de lui trouver un emploi durable dans l'usine de son époux et, dans le même temps, de dénicher une femme qui lui corresponde. Deux mondes s'affrontent alors gentiment, sur le ton du pur délire burlesque. Il faudra savoir s'adapter à la forme pour apprécier le fond.

L'air de ne pas y toucher, avec douceur finalement, Tati nous dit quelque chose d'un pays en pleine mutation, des Trente Glorieuses triomphantes et d'une certaine mécanisation de nos vies. Il s'avère alors légitime de le qualifier de précurseur ou plutôt d'avant-gardiste. Maniant avec efficacité un humour visuel de temps à autre renforcé par les sons, le cinéaste ne dénonce rien: il dresse plutôt un constat sur son époque, mi-amusé, mi-moqueur. La tendresse qu'il démontre pour ses personnages rend Mon oncle attachant, même s'il paraît que, l'année de sa sortie, le film fut jugé réactionnaire et poujadiste. Bientôt soixante ans ont passé et les accusateurs d'hier se sont tus depuis longtemps: le long-métrage est désormais souvent présenté comme un pan important du septième art national et international. Boris Vian a dit: "Tati est plus qu'un Chaplin français. C'est un poète de la pellicule et un artiste aussi simple... qu'il est bourré de talent".

Mon oncle
Film français de Jacques Tati (1958)

Il est possible que ce genre de productions, proche de la frontière exacte entre la poésie et la réalité, ait su inspirer d'autres cinéastes contemporains, à l'image d'Aki Kaurismäki par exemple. Je verrai d'autres oeuvres du même réalisateur, au moins pour creuser l'idée. Avant cela, je vous recommande vivement un autre film, sous forme de dessin animé: L'illusionniste. L'esprit de Tati est toujours en vie !

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Une petite anecdote, en complément...

En voyant le film, je me disais que le style Tati annonçait aussi celui des Deschiens. C'est alors qu'au générique final, j'ai vu cités les noms de Macha Makeïeff et Jérôme Deschamps, créateurs de la troupe. Ensemble, avec Sophie Tatischeff, fille de Jacques Tati, ils ont créé en 2001 Les Films de mon oncle, une compagnie chargée de restaurer et de diffuser l'oeuvre du cinéaste. La boucle est bel et bien bouclée.

Un dernier clic, ça vous tente ?
Pour approfondir le sujet, vous pourrez visiter "L'oeil sur l'écran".

6 commentaires:

eeguab a dit…

Mon âge m'a permis (hélas) de voir Mon oncle à sa sortie. J'avais neuf ans et ma tante croyait que le film me ferait rire. Ce ne fut pas le cas tant les films de Tati ne s'adressent pas aux enfants de cet âge. Un seul souvenir: les garnements qui faisaient se cogner les passants. Et la ritournelle aussi devenue célèbre. C'est beaucoup plus tard car je crois que les films de Tati, déjà peu nombreux, ont été très peu visibles pendant pas mal de temps, que j'ai apprécié, modérément puis davantage, même si son univers ne m'a jamais été tout à fait familier. Le côté réac, à mon avis très exagéré, je ne l'ai su que longtemps après évidemment. Mais tout ça n'était rien, cette néotechnologie à côté de l'hyperconnection qui nous envahit. M.Hulot en 2016 ne pourrait, je crois, même plus respirer.

Anonyme a dit…

Bonjour Martin, j'aime beaucoup Mon Oncle, mais peut-être plus encore Playtime, où Tati approfondit son regard "critique" (ou perplexe) sur le monde moderne, et où sa mise en scène se fait encore plus impressionnante.
Strum

Martin a dit…

@Eeguab:

Quel commentaire intéressant et touchant: merci ! Voir "Mon oncle" avec sa tante, ce n'est pas banal ! Totalement d'accord avec vous pour dire que l'humour de Jacques Tati est un peu trop "spécial" pour les enfants les plus jeunes. Son côté réac' ne me paraît pas si prononcé: je trouve en tout cas qu'avec le recul des années passées depuis, il est bien inoffensif.

M. Hulot en 2016 ? L'imaginer est assez drôle. Il est probable qu'il serait déconnecté, au sens propre comme au sens figuré. C'est d'ailleurs amusant d'évoquer cette question sur un blog.

Martin a dit…

@Strum:

J'ai peut-être une petite chance de voir "Playtime" d'ici quelque temps. Un ami à moi l'a enregistré lors de son récent passage à la télé et pourrait me proposer de venir le regarder chez lui. Il se peut donc que nous ayons prochainement l'occasion d'en reparler.

ChonchonAelezig a dit…

J'en ai vu un seul Tati, qui m'a plutôt déçu. Mais il faut que j'en voie d'autres pour me faire une vraie idée.

Martin a dit…

Ma maman a eu la même réaction que toi: elle a regardé quelques minutes et elle est partie faire autre chose. Cela dit, je crois qu'on ne l'y reprendra plus...