samedi 25 avril 2015

Légende urbaine

676 films sont sortis en France en 2014. C'est (un peu) plus encore que la moyenne des années précédentes. Ces chiffres importants peuvent expliquer qu'au milieu du flot, plusieurs petites productions naviguent, invisibles pour beaucoup. Je suppose qu'il en sera ainsi cette année de Le Challat de Tunis, apparu chez nous un an environ après sa sortie nationale, en Tunisie, donc. Une "bête" à festivals...

En France, le film a bénéficié du soutien de l'Association du cinéma indépendant pour sa diffusion (ACID). Depuis 23 ans, l'organisation regroupe des cinéastes pour favoriser la sortie de "petites" oeuvres comme celle dont je vous parle aujourd'hui. Le Challat de Tunis n'offre de fait que peu de comparaisons possibles avec le tout-venant de ce qui déboule chaque semaine sur nos écrans. Il nous apprend qu'en 2003, dans les rues de la capitale tunisienne, un homme armé d'une lame de rasoir tailladait les fesses des femmes qu'il jugeait impudiques. Une bonne dizaine d'années et une Révolution de Jasmin plus tard, l'anecdote ressort et on s'interroge sur sa réalité (ou non). Ce fameux Challat a-t-il vraiment existé ? Si oui, que faut-il penser de ces agissements ? On s'aperçoit alors avec effroi que la "légende" suscite aussi une certaine forme d'admiration. Que les victimes supposées n'en sont pas toujours et que la vérité est très incertaine.

Le film qui en découle s'apparente à un vrai-faux documentaire. Parfois d'une ironie mordante, il fait rire et frémir à la fois. L'image d'une Tunisie moderne, enfin débarrassée des avatars de la dictature du clan Ben Ali, en prend un sacré coup. La réalisatrice nous égare volontairement dans une pseudo-enquête et n'hésite pas à appuyer précisément là où ça fait le plus mal, avec de nombreux comédiens amateurs. Son (premier) long-métrage a un impact d'autant plus fort que, pour jouer un homme qui prétend être le vrai Challat, elle a fait appel à Jalel Dridi, qui fut suspecté et emprisonné dans cette affaire. Le Challat de Tunis est un kaléidoscope complexe: les clés d'analyse qui nous sont données sont rares et chacun aura sûrement une vision différente de ce qui est conforme à la réalité ou mensonger. Personnellement, en sortant de la salle, j'avais bien des questions restées sans véritable réponse. Mais, vu le film, ça m'a paru logique.

Le Challat de Tunis
Film tunisien de Kaouther Ben Hania (2014)

Je ne vais pas vous en reparler tout de suite, mais le fait est que j'ai en rayon un second film susceptible de faire écho au Printemps tunisien - que j'écris en gras, parce que c'est également son titre. J'ouvre mon blog à un nouveau pays: toutes premières découvertes. Comme je l'ai suggéré plus haut, je crois n'avoir que peu d'éléments de comparaison. Un autre film sur la rumeur pourrait faire l'affaire...

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Pour vous aider à y voir plus clair...
"Chez Sentinelle" publie également son analyse du film d'aujourd'hui.

Pour finir, une anecdote en hors-champ...
Je tenais à souligner qu'on retrouve ici quelques-uns des techniciens césarisés en février avec Timbuktu: le directeur photo Sofian El Fani ou la monteuse Nadia Ben Rachid. L'Afrique est joliment représentée !

4 commentaires:

Véronique Hottat a dit…

Bonjour Martin,

Merci beaucoup pour le lien. Un film assez surprenant, dans sa forme comme dans son contenu. Je l’ai pour ma part trouvé très intéressant, même s’il trouvera essentiellement sa place dans les festivals. Je te souhaite un bon dimanche.

Martin a dit…

Bonjour Sentinelle et avec plaisir pour le lien. Je confirme que le film est surprenant. La forme m'a dérouté, mais j'ai trouvé ça intéressant aussi. Bonne fin de week-end à toi.

Pascale a dit…

J'ai eu envie...
et puis plus !
J'ai l'impression que c'est opaque et que les personnages vont me mettre les nerfs !

Martin a dit…

C'est vraiment un film étrange et atypique, mais je ne pense pas qu'on puisse parler d'opacité. J'ignore en revanche ce que tu aurais pensé des personnages. On le saura peut-être un jour si tu le rattrapes sur un autre support qu'un écran de cinéma.