mardi 16 novembre 2021

Splendeurs et misères

Je crois n'avoir lu aucun livre de Balzac. Cela changera peut-être maintenant que j'ai vu l'adaptation de son roman Illusions perdues. Comme son titre le suggère, il s'agit d'un drame (paru en 1837). Précision pour les férus de littérature classique: le film ne reprend qu'une partie de ce "pavé" ! Pour tout vous dire, c'est bien suffisant...

Il est ici question d'un jeune homme de province, Lucien Chardon. Quand le film démarre, ce brave garçon est l'amant d'une femme noble, Madame de Bargeton, qui apprécie particulièrement ses talents de poète. Un beau jour, le couple illégitime prend la fuite vers Paris. Ce pourrait être le début de la gloire pour Lucien, qui, désormais, fait tout pour être connu sous le nom De Rubempré, celui de sa mère. Mais, faute d'avoir séduit un éditeur, l'ambitieux monnaye sa plume auprès du Corsaire, un journal (à scandales) parmi les plus influents. Que dire ? Cet impressionnant tableau de la France de la Restauration est plutôt glaçant: la morale n'a réellement de prise sur personne. Pour bien vivre, il faut savoir se frayer un chemin entre les quolibets gratuits et les intrigues constantes. Être né du bon côté de la fracture sociale peut sans aucun doute vous offrir d'emblée un avantage certain sur le bas peuple, mais Illusions perdues démontre en outre qu'il n'est pas décisif. Et c'est une leçon qui vaut pour tout le monde...

Je crois me souvenir que sa distribution est la toute première chose qui m'a attiré vers ce beau film. Ravi de retrouver Benjamin Voisin dans un premier rôle, je me suis laissé convaincre par toute la troupe autour de lui: Cécile de France, Jeanne Balibar et Salomé Dewaels sont d'excellentes partenaires de jeu, tandis que Vincent Lacoste, Xavier Dolan et Gérard Depardieu - entre autres - confirment le talent que je leur connais de longue date. J'ignore si le Paris de Louis XVIII ressemblait vraiment à ce que j'ai vu à l'écran, mais la reconstitution est d'une très grande beauté, sûrement sublimée par tous les décors naturels et magnifiée encore par les costumes, absolument superbes. Illusions perdues dure deux heures et demie... et elles passent vite ! Il n'est pas interdit de relever dans ce qui est montré quelques clins d'oeil à notre époque: c'est logique, mais parfois un peu trop appuyé. Si ce n'est cela, je n'ai rien de négatif à dire contre le long-métrage. Je prédis de bonnes chances de gagner quelques César l'an prochain...

Illusions perdues
Film français de Xavier Giannoli (2021)

De l'ascension du héros à sa chute: le récit est vraiment classique. Cela reste toutefois une oeuvre ambitieuse et remarquable, si réussie qu'elle réveille au passage mon envie de découvrir le roman originel. Vous appréciez la littérature du 19ème siècle ? Madame Bovary, Tess et/ou Les hauts de Hurlevent pourraient tout aussi bien vous plaire. Ou, dans le même esprit, Madame de... et Les grandes manoeuvres.

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Le film est très bien accueilli par la blogosphère...

Vous pourrez le vérifier chez Pascale, Dasola, Princécranoir et Strum.

12 commentaires:

Pascale a dit…

Un grand film mais ce n'est guère surprenant de la part de Giannoli.
Tu as raison, une pluie de César n'est pas impossible.

cc rider a dit…

Les grands classiques reviennent sur le devant de la scène , »Eugénie Grandet » n'est pas en reste. Il est vrai qu'une étude récente confirmait que 40 % des films réalisés sont issus d'un scénario ayant pour trame celle d'un roman connu.

Je n'ai pas encore vu cette version mais j'ai revu sur la plate forme de l'Ina la version télé datant de 66, avec Yves Renier dans le rôle principal et c'est un régal...

Martin a dit…

@Pascale:

Les paris sont ouverts. Moi, j'vois bien le meilleur espoir pour Benjamin Voisin, mais aussi les meilleurs costumes et les meilleurs décors. Voire le scénario adapté et quelque chose pour le son.

Martin a dit…

@CC Rider:

Je ne suis pas allé voir "Eugénie Grandet", mais je pense que je le rattraperai lorsqu'il sera diffusé à la télé. Revoir "Illusions perdues" en version télé N&B m'intéresse moins, dans l'immédiat. Merci malgré tout d'en avoir rappelé l'existence !

dasola a dit…

Bonjour Martin, un bon film un peu long peut-être. Depardieu en éditeur qui ne sait ni lire ni écrire est impérial. Bonne journée.

Strum a dit…

Balzac est le plus grand romancier français et a écrit tellement de livres différents (roman d'aventures historiques, roman sentimental, nouvelles gothiques ou fantastiques, roman d'espionnage, roman philosophique, romans sociologiques, etc) qu'on peut l'aborder par différents versants. Et Illusions perdues est probablement son grand-oeuvre, qui réunit tant de personnages de la comédie humaine. Le film, bien qu'adaptant partiellement le livre et délaissant certains de ses beaux sentiments, est en effet très réussi et plein d'énergie, avec une excellente interprétation. Merci pour le lien Martin.

Martin a dit…

@Dasola:

Je ne l'ai pas trouvé long, moi. Je me suis laissé emporter. Et je confirme pour Depardieu !

Martin a dit…

@Strum:

Des textes fantastiques chez Balzac ? Tiens, je savais pour Maupassant, mais...
Tout cela me donne grandement envie de m'y mettre. Je ne commencerai pas forcément par "Illusions perdues", d'ailleurs.

Strum a dit…

Martin, tu as forcément entendu parler de La Peau de chagrin déjà, le récit fantastique le plus connu de Balzac. Sinon, tu n'es pas obligé de commencer par Illusions perdues en effet.

Martin a dit…

Mais oui, "La peau de chagrin", bien sûr ! J'en ai effectivement entendu parler.
Si ce n'est "Illusions perdues", tu en aurais un autre à conseiller en priorité ?

Strum a dit…

Désolé Martin, j'avais oublié de te répondre :

Côté vie Parisienne, tu peux commencer par Le Père Goriot (où l'on rencontre Vautrin que l'on retrouve dans Illusions Perdues (le livre car il est absent du film); côté vie de Province, tu peux commencer par Eugénie Grandet.

Si tu veux une approche encore plus romanesque, voire gothique par certains côtés, il y a le fabuleux La Duchesse de Langeais. En plus, cela fait partie de l'Histoire des treize et tu pourras ensuite compléter avec Ferragus et La fille aux yeux d'or.

Si tu préfère les romans d'aventures historiques, Les Chouans te tendent les bras ; les récits fantastiques, essaie La Peau de chagrin ; les romans d'espionnage, le prodigieux Une ténébreuse affaire avec le fin Corentin ; les romans philosophiques, Louis Lambert ou La recherche de l'absolu.

Côté drame psychologique sentimental, Le Lys dans la vallée, que lit Antoine Doinel et qu'aimait beaucoup Truffaut, est une option, mais c'est plus dur à lire pour une entrée en la matière.

Plus tard, tu pourras lire Le Cousin Pons, La cousine bette, César Birotteau aussi, et sa fantastique description des affaires commerciales et juridiques.

Et bien sûr, il y a les nouvelles : Le Colonel Chabert, Le Chef-d'oeuvre inconnu, etc.

Bref... si je devais n'en retenir qu'un, je te conseille Le Père Goriot pour commencer qui est un bon point d'entrée pour découvrir le style et des thèmes balzaciens. Et ça te permettra d'enchainer sur Illusions perdues, un des plus beaux romans du monde, et sa suite dantesque, Splendeurs et misères des courtisanes, où Vautrin se déchaîne dans les coulisses.

Enjoy!

Martin a dit…

Waouh ! Aucune raison de t'en vouloir quand je vois ce beau commentaire ! Merci, merci, merci !
Je vais peut-être m'en offrir un très bientôt, pour pouvoir le lire tranquillement pendant les fêtes.