mercredi 18 mai 2016

Vertige de l'amour

Ce n'était pas prévu, mais j'ai regardé Sueurs froides, l'autre soir. L'excellente réputation de ce Hitchcock classique parmi les classiques m'a convaincu de profiter de son passage sur Arte pour le découvrir enfin. Conclusion: si les oeuvres du maître du suspense me laissent parfois de marbre, cet opus me paraît à classer parmi ses réussites...

Installé aux States depuis une vingtaine d'années, Hitch nous invite cette fois du côté de San Francisco. La cinéphilie de la métropole californienne sublime une histoire assez étonnante, où James Stewart incarne un flic à la retraite, auquel un ami confie la mission délicate d'espionner sa femme. La belle, jouée par Kim Novak, mène une vie qui échappe très largement à son mari, comme si elle était possédée par l'âme d'une autre. Or, un beau jour, et alors qu'il mène habilement son insolite filature, Scottie sauve sa proie de la noyade ! L'épouse volage serait-elle suicidaire ? Et si c'est le cas, pourquoi ? Sueurs froides répond à cette question mieux que je ne pourrais le faire. Distillant ses effets aux compte-gouttes, le long-métrage impose aisément son ambiance incertaine: il faudra attendre un bon moment avant d'en savoir plus long que le personnage principal, vite tombé amoureux de l'étrange et fragile créature qu'il était censé surveiller. Je dois dire que j'ai été quelque peu déçu quand le voile des illusions a été levé. Reste que cette résolution pourrait aussi vous étonner...

C'est un fait: en matière de surprise, l'ami Alfred est vraiment doué. Quand vous pensez avoir tout compris, son film devient autre chose qu'un thriller ordinaire: c'est ainsi que les sentiments entrent en jeu. Les amateurs de polars littéraires noteront que le scénario de Sueurs froides est l'adaptation - libre - d'un roman de Boileau-Narcejac, sorti en 1954. Du côté de l'interprétation des acteurs, c'est du tout bon. Quelques personnages secondaires étoffent encore une intrigue riche en faux semblants: j'ai aimé m'y perdre avec eux, sans jamais voir venir ce qui allait suivre. Sur la forme stricto sensu, l'un des aspects les plus réussis de ce long-métrage vénéneux demeure... sa musique. Complice régulier de Hitchcock jusqu'en 1966, le grand compositeur américain Bernard Herrmann a signé ici une remarquable partition. Dès le générique de début, imaginé par Saul Bass, génial graphiste des années 50-60-70-80-90, je me suis senti happé, tout entier ! J'hésite toujours avant de parler de génie, mais j'admets que ce film n'est pas indigne du culte que nombre de cinéphiles lui vouent encore.

Sueurs froides
Film américain d'Alfred Hitchcock (1958)

Une petite précision: le film semble désormais circuler sous son titre original (Vertigo). Je pense pouvoir le classer parmi mes Hitchcock préférés, avec L'ombre d'un doute et Psychose, mais il m'en reste beaucoup d'autres à découvrir. D'aucuns voient dans Le narcisse noir un film comparable - je vous laisse découvrir leurs points communs. Une bonne occasion, soyez-en sûrs, pour prendre un peu de hauteur...

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Pour laisser planer le mystère...

J'ai volontairement choisi des images assez peu révélatrices du film. J'ajoute qu'il occupe depuis 2012 la première place des meilleurs films de tous les temps, selon un classement établi par plusieurs centaines de critiques réunis par la revue cinéma britannique Sight & Sound. Cité dans le top ten depuis 1982, il a fini par détrôner Citizen Kane !

D'autres avis vous aideront à vous faire une idée...
Ils sont ma foi assez variables chez Chonchon, Princécranoir et Lui. Comme à l'accoutumée, c'est en images qu'Ideyvonne s'est exprimée. 

18 commentaires:

Laurent a dit…

A mes yeux, un chef d'oeuvre, parmi ceux de Hitch.
Je le revois sans me lasser, même s'il est, c'est vrai, d'une autre époque (certains parleront d'âge d'or)

Anonyme a dit…

Bonjour Martin, Ouf, alors là : chef-d'oeuvre parmi les chefs-d'oeuvre. Quoique chez Hitchcock, je lui préfère encore La Mort aux trousses, le plus grand film de suspense de tous les temps (je vois que tu n'es pas un grand amateur d'Hitchcock, mais as-tu vu La mort aux trousses ?). Oui, avec Hitchcock (et quelques autres), je n'hésite pas à me laisser aller, questions superlatifs... Ce qui me fait penser, je n'ai encore rien écrit sur Hitch chez moi, il faut que je répare cela... :)
Strum

Anonyme a dit…

Aussitôt dit, aussitôt fait. :)
Strum

Martin a dit…

@Laurent:

Parmi ceux que je connais, c'est vrai que c'est sans doute l'un des meilleurs Hitch, en effet. Je n'ai pas envie de le revoir tout de suite, mais je pense que j'aurai plaisir à le retrouver dans quelques années. C'est le propre des grands classiques.

Martin a dit…

@Newstrum 1:

Pas grand amateur de Hitchcock, moi ? Dit comme ça, c'est un peu exagéré, mais je ne peux nier que je ne rentre pas toujours aussi bien dans ses films que je ne le voudrais. Cela dit, je lui reconnais beaucoup de talent, une incontestable personnalité artistique... et une perversité qui m'est plutôt sympathique (au cinéma, en tout cas).

Martin a dit…

@Newstrum 2:

Génial ! Cela me fera de la lecture pour un peu plus tard dans la journée.

cc rider a dit…

Saul Bass pour le générique et l'affiche, Bernard Hermann pour la musique, deux pointures légendaires du 7eme art, deux kim pour le prix d'une, Jimmy aussi à l'aise dans le thriller que dans le western ou la comédie...le tout conduit par un des maitres de la mise en scéne, et du suspens...chef d'oeuvre à la clef, intemporel,et vertigineux ...La copine du héros jouée par Barbara Bel Geddes finira sa carriére dans la peau de la mére de l'infame JR dans Dallas, triste destin....!!

Martin a dit…

Même quand je pense avoir fait à peu près le tour d'une question, vous avez toujours une anecdote sous le coude, CC Rider. Merci beaucoup ! J'apprends beaucoup grâce à vos commentaires érudits et c'est toujours très enrichissant pour moi.

tinalakiller a dit…

Un de mes Hitchcock préférés (en même temps, c'est rare de ne pas en aimer un, faut l'avouer). Mystérieux, prenant, élégant, avec deux acteurs parfaits, à voir et à revoir !

princécranoir a dit…

Sans doute le chignon le plus vertigineux de l'histoire du cinéma. On peut parler de film mythique, et pourquoi pas mythologique en lisant ces quelques vers :

Ah ! s'écrie Eurydice, un coup d'oeil nous sépare,
Cher époux ? qu'as-tu fait ? quel dieu nous a perdus ?
L'enfer s'est ébranlé sous mes pas éperdus,
Le destin me rappelle en ce séjour terrible ;
Je sens mes yeux nager dans un sommeil horrible...
En vain je tends les bras... les gouffres sont rouverts...
Orphée ! adieu... j'expire, hélas ! et tu me perds !... (Virgile)

ideyvonne a dit…

Allez, comme à mon habitude et parce que tu en es friand, voici une anecdote :
Dans la séquence du film où Kim Novak reste figée devant le portrait de Carlotta (au musée) hé bien il a fallu une semaine de tournage avec plusieurs prises car Hitchcock voulait un éclairage parfait.
Je pense que James Stewart n'en n'a pas été trop perturbé (car il connaissait la minutie du "Maître") mais que la pauvre Kim Novak a sûrement été très déstabilisée...

Martin a dit…

@Tina:

Mis à part peut-être "Mais qui a tué Harry ?", je ne vois pas non plus de Hitchcock qui m'ait réellement déplu. J'ajoute que je te donne entièrement raison sur un point: la très bonne interprétation du duo vedette de "Sueurs froides".

Martin a dit…

@Princécranoir:

Ah, ce chignon ! C'est quelque chose, en effet ! Convoquer Virgile pour évoquer Hitchcock, l'idée est audacieuse. J'imagine toutefois que tu sais combien j'aime ce genre d'audace. Merci !

Martin a dit…

@Ideyvonne:

Merci à toi aussi de cette anecdote ! Je confirme au passage que toutes ces petites infos sur le cinéma d'hier et d'aujourd'hui sont autant de friandises pour apaiser ma boulimie de septième art.

ChonchonAelezig a dit…

J'adore Hitch mais effectivement ce n'est pas un de mes préférés... :(

Martin a dit…

Il faut dire également qu'il en a fait tellement que la palette est très large et qu'on peut aisément y trouver d'autres longs-métrages (au moins) aussi cultes !

Benjamin a dit…

Ce qu'il y a de bien avec Vertigo, c'est que de le voir une fois ce n'est pas vraiment le découvrir. Ni deux fois d'ailleurs. Je l'ai revu il y a quelques temps déjà et il me semblait le découvrir à nouveau... J'ai hâte de ma prochaine découverte. Je tombe et retombe et retombe et retombe...

Martin a dit…

C'est le genre de vertiges que seul ce type de films peut provoquer, je suppose.