jeudi 12 octobre 2023

Tout à sa folie

Démarre ton projet. Fais ce que tu veux. Apprends en faisant. N'écoute pas les autres. Tels sont les conseils (judicieux ?) que Marc dispense dans un ouvrage... qui ne sera probablement jamais publié. Le réalisateur français Michel Gondry l'a inventé et y fait référence dans son nouveau film, sorti le 13 septembre: Le livre des solutions !
 
Le cinéaste s'inspire ici d'un épisode douloureux de sa vie, survenu tandis qu'il était en post-production de l'un de ses opus précédents. Sevré d'antidépresseurs, on lui diagnostiqua alors une bipolarité. Marc, lui aussi, navigue constamment entre des phases d'euphorie totale, d'abattement et de colère. Il est donc imprévisible et ingérable pour la petite équipe qu'il a embarquée dans un village des Cévennes afin d'achever un film dingue, désormais rejeté par ses producteurs. Wikipédia vous dira mieux que moi ce que ce drôle de scénario contient de réel, d'exagéré ou même de complètement imaginaire. Sachez-le: Le livre des solutions m'a d'abord attiré avec Pierre Niney. L'acteur ne m'a pas déçu, bien au contraire: son indéniable potentiel comique s'épanouit pleinement dans cette folle escapade en ruralité...

Tout cela prête à sourire, c'est vrai, mais invite à d'autres sentiments plus nuancés, à l'image finalement de ceux qu'éprouve le personnage principal pour une jeune femme issue de son entourage professionnel. J'ai été content de revoir la Franco-britannique Camille Rutherford. D'autres comédiennes prennent toutefois une place plus importante dans le déroulé du récit: je pense à Blanche Gardin et Frankie Wallach en priorité, mais surtout à Françoise Lebrun, pimpante septuagénaire née au cinéma il y a un demi-siècle, d'une empathie et d'une énergie communicatives. Ce que je trouve assez paradoxal, c'est que Le livre des solutions semble toujours "en garder (un peu) sous la pédale". Quelques scènes sont très réussies, mais l'ensemble est moins abouti que la bande-annonce - trop explicite - ne m'avait laissé l'espérer. Bilan en demi-teinte, donc, pour un film qui en déstabilisera plus d'un. C'est vrai qu'avec le pedigree de l'auteur, on pouvait déjà l'imaginer. Anecdote: Michel Gondry signe le petit clip promotionnel des cinémas d'art et essai diffusé dans ma salle préférée ! Je vous en reparlerai...

Le livre des solutions
Film français de Michel Gondry (2023)

Ce long-métrage a bien failli durer quatre heures, avec un interlude animé planté au milieu... comme celui que Marc tente de finaliser. Gondry rime donc bien avec dinguerie. Il me manque le supplément d'âme du film qui l'a révélé: Eternal sunshine of the spotless mind. Aujourd'hui, ce cinéma fou est à mon sens dépassé en vision absurde par ce que Quentin Dupieux défend. Revoyez Rubber et/ou Le daim !
 
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En attendant le prochain délire...

Vous pouvez également consulter les avis de Pascale et Princécranoir.

4 commentaires:

Pascale a dit…

Je n'ai pas compris les éclats de rire des spectateurs dans la salle. J'ai souri parfois mais le film traite d'une maladie et Pierre Niney l'incarne admirablement je trouve. J'ai été plutôt bouleversée moi. Et je suis ravie que l'excellente Frankie ait enfin un rôle où on la remarque.
La scène de l'orchestre est EXCEPTIONNELLE.

Martin a dit…

Ah oui, sans doute la meilleure scène du film !

Je pense que les spectateurs rient pour deux/trois raisons :
1 - Il y a de fait un peu de drôlerie dans ce film (ex : le camiontage).
2 - La bizarrerie prête à sourire... ou à être mal à l'aise - et à avoir besoin d'un exutoire.
3 - Gondry nous parle effectivement d'une maladie, mais lui-même ne présente pas le film comme un drame.

Ce genre de malentendus prévalait aussi pour "La science des rêves", il me semble.
Et oui pour Frankie, dont je me suis demandé ce qu'elle avait fait (et avant même la pub EDF).

princecranoir a dit…

Trois petites étoiles et demie, note un brin timide pour ce film que tu sembles avoir apprécié du bout des yeux. Je suis bien plus enthousiaste, retrouvant là le Gondry bricolo et facétieux que j'aimais dans ses clips, sorte d'héritier de Méliès à contre-temps. On n'est effectivement pas dans l'absurdie façon Dupieux, et heureusement car cela donne à l'oeuvre de Gondry sa singularité. L'aspect autobiographique ajoute une touche d'émotion bienvenue. Personnellement, j'adhère sans réserve.

Martin a dit…

Tu as raison, mon prince: ma note est timide et mon avis réservé. Il y a un je-ne-sais-quoi qui a freiné mon enthousiasme. Mais quelque chose en moi s'en contente mieux que d'un Dupieux moyen. Paradoxe...

C'est vrai qu'il y a un peu d'émotion (notamment avec le personnage de la tante). Je n'ai pas renoncé à l'idée qu'un Gondry futur me plaira davantage. Mais il est difficile de détrôner "Eternal sunshine"...