dimanche 30 mai 2010

Souvenirs palmés

L'acteur américain Dennis Hopper est mort hier. Signer la nécrologie serait pour moi peu pertinent, tant mes lacunes dans sa filmographie sont énormes. Autant d'occasions d'y revenir. J'aimerais découvrir Easy Rider, sa première réalisation. Présenté à Cannes au printemps 1969, ce film-culte y avait reçu un Prix de la première oeuvre. Faute de vous en offrir d'emblée une analyse approfondie, je me propose de jeter un dernier regard rétrospectif sur la Croisette. Pour baisser le rideau sur cette édition 2010, j'ai eu aujourd'hui envie de revenir sur les quelques Palmes d'or que j'ai déjà eu l'occasion de présenter ici. Avant même Le ruban blanc il y a huit jours à peine, elles sont au nombre de huit. Précision: ce blog encore récent, toutes celles que j'ai déjà vues n'ont pas fait l'objet d'une chronique. Partie remise.

En attendant, la Palme la plus ancienne de ma filmographie affective date de 1964. C'est d'ailleurs franchement incroyable de constater que Les parapluies de Cherbourg approchent de leur demi-siècle ! Bien sûr, dans son intrigue sur fond de guerre d'Algérie, le film écrit par Jacques Demy a quelque chose de daté. Je dirais qu'à mes yeux, plutôt que de le plomber, cet état de fait le rend encore plus fort. Cette histoire d'amour impossible entre deux adolescents corsetés dans les conventions de leur temps est, je trouve, d'une beauté impérissable. C'est sans aucun doute l'un des plus beaux mélodrames qu'il m'ait été donné de voir... et d'entendre, bien sûr, puisqu'il s'agit d'un des fameux films "en chanté" de son auteur. Catherine Deneuve y est juste fabuleuse, à seulement 21 ans. Chronique du 7 juin 2009.

Dans un autre genre, mais en musique également, Que la fête commence est peut-être bien ma Palme préférée. Ici, chorégraphies et chants n'ont rien d'inattendu. Flash-back en 1980: le héros du film est un dénommé Joe Gideon, producteur de spectacles à Broadway. Sans être exactement une comédie musicale, l'oeuvre de Bob Fosse est troublante en ce qu'elle a quelque chose d'autobiographique. Jusque dans l'allure qu'il a donnée à Roy Scheider, le réalisateur s'inspire de sa propre personne. Le destin du cinéaste finira d'ailleurs, quelques années plus tard, par rejoindre totalement celui de son personnage. Mélodramatique aussi, tout à fait seventies, mais franchement emballant. Chronique du 30 octobre 2008.

Je l'évoquais jeudi: en 1996, le Festival récompensait une oeuvre poignante signée Mike Leigh, Secrets et mensonges. Le scénario repose sur un improbable point de départ: une femme noire retrouve sa mère... blanche. Rien ne se fait sans tiraillements, bien entendu. C'est pourquoi, au grand talent du réalisateur, il fallait sans doute ajouter le génie d'interprétation de quelques acteurs. Une association d'artistes qui fonctionne ici, la Grande-Bretagne nous envoyant alors un nouveau digne représentant de sa belle école socio-réaliste. Précisons que cette rude histoire s'achève également sur un message qui ressemble à de la tendresse. Il y a donc de l'espoir et également beaucoup de plaisir à portée de vue. Chronique du 6 juin 2008.

Bien sûr, il arrive parfois que Cannes consacre un cinéma "exigeant". C'est sans aucun doute ce qu'a fait le jury de 1997, que présidait Isabelle Adjani et dans lequel siégeait déjà un certain... Tim Burton ! Deux Palmes d'or cette année-là: Le goût de la cerise du réalisateur iranien Abbas Kiarostami et, ex-aequo, L'anguille du cinéaste japonais Shohei Imamura. La première est sans doute l'un des films les plus "fermés" que je connaisse: cette déambulation d'un candidat au suicide sur les collines de Téhéran tient de l'errance et, pas inintéressante pourtant, doit certainement en égarer quelques-uns sur le bord de la route. Quant à sa co-lauréate, certes un peu plus accessible, elle s'intéresse à un homme libéré de prison, reconverti coiffeur, et dont le seul vrai compagnon est un poisson. Curieux, pas tout à fait nébuleux, donc, et incontestablement digne d'être regardé. Chroniques du 26 décembre 2008 et du 14 octobre 2007.

Que Lars von Trier ait été couronné en 2000, c'est pour moi justice. D'une noirceur sans faille, Dancer in the dark est également un film d'une très grande valeur à mes yeux. De ce que j'en connais, je crois simplement qu'il faut être "préparé" pour découvrir le réalisateur danois et son travail. Sa faible condition psychologique s'illustre ici clairement: l'histoire de cette ouvrière qui perd progressivement l'usage de ses yeux et continue de travailler pour financer l'opération de son fils est glauque au possible. Il n'en reste pas moins qu'elle est aussi d'une implacable efficacité dramatique et que le long-métrage est de ceux qui me scotchent à l'écran. Avec Björk dans le rôle principal, le tournage a paraît-il été un enfer: au bout, il y a un chef d'oeuvre - ou ce qui y ressemble. Chronique du 16 janvier 2008.

Coïncidence ou écho ? L'année suivante, en 2001, Cannes célèbre l'Italien Nanni Moretti pour un autre film qui parle de la relation parent-enfant. La chambre du fils va au-delà et suit la (sur)vie d'une famille après la mort accidentelle d'un de ses membres. Alors ? Simple tire-larmes pour les uns, bombe émotionnelle pour les autres, le long-métrage ne fait certes pas l'unanimité. Je le trouve, moi, merveilleusement interprété, par son auteur bien sûr, mais également par le reste de la distribution. C'est un peu dur assurément, mais tout sonne juste et peut inévitablement rappeler de sombres souvenirs. C'est sûrement là que réside l'un des mérites de l'entreprise: permettre à chacun de faire le point - et la paix - avec sa propre mémoire. Chronique du 26 février 2010.

Dernier extrait de ce palmarès: Farenheit 9/11, palmé en 2004. Surprise sur la Croisette: le film primé est un long-métrage documentaire, ce qui n'était plus arrivé depuis Le monde du silence de Jacques-Yves Cousteau et Louis Malle en... 1956 ! Le choix qu'effectue le jury présidé par Quentin Tarantino détone. Le fait-il seulement agréablement ? Chacun jugera. Je ne suis pas convaincu que le travail du trublion Michael Moore conserve toute sa pertinence au fil des années. Ce qui est sûr, c'est que le journaliste que je suis a une certaine admiration pour celui qui ose poser certaines questions gênantes. Je suis un peu plus embarrassé par ce qui tient parfois d'un militantisme de bas étage, une méthode assez similaire à celle qu'elle dénonce. L'autre question, c'est: est-ce là du cinéma ? Sûrement, puisque ça a été conçu pour une projection en salles. Voire, parfois, censuré comme tel. Chronique du 8 décembre 2007.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Easy Rider est un très grand film ! Il y a une partie assez délirante que je n'ai pas capté au début (trop jeune quand je l'ai vu)... Mais j'ai adoré ! Dennis Hopper est aussi le partenaire de James Dean dans Rebel without a cause et dans Giant. C'est un grand réalisateur et un grand acteur. D'autres cordes a son arc : c'est un grand amateur d'art, excellent photographe et peintre (Paris lui a rendu hommage il y a quelques temps). Bref un artiste complet qui va nous compter !

Silvia