Il paraît que ses admirateurs ont été déçus. Que Costa-Gavras a perdu de son mordant. Possible. Je le connais trop mal pour vraiment en juger. Ce que je peux dire, sans honte ni hésitation, c'est que pour ma part, j'ai plutôt apprécié son dernier film, Eden à l'ouest. C'est entendu: ce n'est pas un brûlot politique. L'histoire d'Elias, immigré clandestin qui veut rejoindre Paris, serait plutôt une fable qui, sur la base d'une situation d'abord tragique, tisse une histoire d'une poésie certaine, non dépourvue d'humour. Est-ce que c'est ce qu'il faut reprocher à un cinéaste d'habitude plus virulent ? Peut-être. Je trouve que ce serait toutefois dommage de passer à côté de l'idée que, pour une fois, ledit cinéaste a peut-être simplement voulu s'offrir - et nous offrir par la même occasion - un récit plus doux.
Je l'ai dit: la situation de départ est tragique. La caméra suit les pas d'Elias, un homme parmi d'autres sur un bateau surpeuplé. Si toutefois on l'ignore encore en entrant dans le cinéma, on comprend vite que notre héros fuit son pays pour rejoindre un ailleurs qu'il imagine volontiers paradisiaque (cf. le titre). D'où part-il ? Mystère. Où arrive-t-il ? Mystère encore. On devine un vague club de vacances sur la côte méditerranéenne, peut-être en Grèce. Eden à l'ouest minimalise ses références spatiales. Tout ce qu'on découvre finalement, c'est le but de l'odyssée d'Elias: rejoindre Paris, donc, où il se croit attendu par une rencontre de passage. Et notre Candide va tout faire pour se donner les moyens de rejoindre la capitale. Et il va croiser toutes sortes de gens: une femme délaissée par son mari, des camionneurs homosexuels, quelques SDF, un garçon de café compatissant, un couple au bord de la rupture, une paysanne élevant seule ses enfants... entre autres. On se dit parfois qu'il pourrait s'arrêter là et avoir une vie meilleure. Rien n'est sûr, sauf qu'il finit toujours par repartir. Déterminé, mais seul à chaque fois.
Vous vous doutez bien que je ne vous dirai pas aujourd'hui ce qu'Elias trouve au bout du chemin. Au sortir de la salle obscure, j'avais Schengen, la chanson de Raphaël, qui me trottait dans la tête. Eden à l'ouest est un peu un road movie à pieds, avec peut-être un petit quelque chose de Into the wild, à ceci près que le héros est tendu vers un but plus matériel. La comparaison avec le film de Sean Penn est audacieuse, car ce dernier a sans aucun doute plus de souffle, plus de force épique. Il n'en reste pas moins vrai qu'à mes yeux, Costa-Gavras signe là une oeuvre sensible, intéressante sur le fond, et très touchante sur la forme. Riccardo Scarmacio, que j'avais découvert dans Mon frère est fils unique, est vraiment très bon dans ce rôle presque muet. Les images sont belles, elles aussi. Quant à la musique, discrète, elle colle plutôt bien au ton général du film. Résumons: ce film n'est donc pas un cri de protestation. Dont acte. C'est tout de même une forme de parole, une forme d'incitation à l'écoute de l'autre, un récit qui parle de la France d'aujourd'hui, aussi. Et même si c'est de manière imparfaite, j'ai apprécié le propos, me disant que cette parabole a finalement les défauts de ses qualités. Ce qui, au final, la rend absolument digne d'être regardée.
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