mercredi 8 février 2012

Au secours de l'enfant

Une chronique de Martin

Est-ce que je l'ai déjà dit ? C'est ma foi possible. J'ai pris l'habitude de considérer le cinéma comme un peu de lumière sur un écran collé au mur. Je n'aime pas trop le mot "réalisme" quand il s'agit d'évoquer le septième art. C'est pourtant vrai que c'est en partie pour voir comment Aki Kaurismäki allait montrer une ville que j'ai habitée quatre ans que je me suis embarqué pour Le Havre. Je suis heureux d'avoir reconnu certaines rues et sites portuaires, mais plus satisfait encore de m'y être laissé perdre, l'imagination du cinéaste finlandais brouillant les codes avec talent. Une vraie vision poétique, je dirais.

Le plus étonnant, c'est que Le Havre ne raconte rien qui ressemble de près ou de loin à une poésie. Le héros du film s'appelle Idrissa. Clandestin sur la route de l'Angleterre, ce petit Gabonais est arrivé en France après avoir voyagé plusieurs semaines dans un container. Quand enfin on a ouvert sa prison de métal, il a fui sur un clin d'oeil de son grand-père et, pourchassé par la police, a fini par trouver refuge chez Marcel Marx, un modeste cireur de chaussures. Parviendra-t-il à s'en sortir ? C'est la question-clé du long-métrage. Plus qu'à la débrouillardise de son jeune personnage, le scénario s'intéresse avant tout aux petites et grandes combines de son hôte pour le sauver. C'est l'occasion de quelques sourires, notamment quand l'intéressé se prétend l'oncle du gamin et justifie sa blancheur comme celle... du seul albinos de la famille. Sacré décalage comique !

Décalé, le film l'est pour ainsi dire de bout en bout. Les scènes extérieures permettent donc de reconnaître - ou bien de découvrir - la grande cité commerciale de la côte normande. Dès que la caméra tourne à l'intérieur, en revanche, Aki Kaurismäki invente des lieux qui n'existent pas (ou plus). Sur ce point précis, Le Havre pourrait dérouter plus d'un cinéphile. Les décors paraissent à la fois naturels et imaginaires, curieuse alchimie qu'on ne peut sûrement ressentir qu'au cinéma. Autre aspect plutôt étonnant: le ton des dialogues. Excepté Jean-Pierre Darroussin en drôle de flic, je ne connaissais aucun des acteurs principaux de la distribution, que l'on parle ici d'André Wilms, de Kati Outinen ou du jeune Blondin Miguel. Pas sûr que j'aurais su reconnaître Little Bob, le grande star du rock havrais, ou Jean-Pierre Léaud si je ne les avais pas vus cités au générique. Simple certitude: tous ou presque ont ici un phrasé très particulier. J'ai mis un moment à m'y habituer mais, une fois cette diction admise, j'ai trouvé qu'elle collait bien aux drôles d'images que j'avais sous les yeux. Et le long-métrage ne m'en a paru que plus charmant.

Le Havre
Film franco-finlandais d'Aki Kaurismäki (2011)
Le port normand deviendrait-il une destination cinéma à la mode ? J'ai en tout cas la très nette impression que son image s'améliore. Sans entrer dans des considérations politiques qui paraîtraient déplacées sur ce blog, je constate avec plaisir qu'une autre fantaisie y a récemment été tournée: je veux parler de La fée. Tendance lourde ou simple coïncidence, l'avenir le dira. Je garde l'oeil ouvert. Et je suis déjà heureux d'avoir vu ce film évoquer les questions d'immigration sans pourtant donner dans le pamphlet de bas étage...

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Si vous voulez élargir le débat...
Deux autres analyses pourraient vous intéresser: celles qu'on peut lire sur deux sites dédiés au septième art, "Sur la route du cinéma" et "L'impossible blog ciné". Voilà, il ne vous reste plus qu'à cliquer...

1 commentaire:

David Tredler a dit…

Je ne suis pas tombé sous le charme, comme tu le sais sûrement déjà ;)