vendredi 5 décembre 2025

Un voyage en féérie

Toute cinéphilie est je crois faite d'agréables surprises, d'impressions confortées et de belles retrouvailles. Mon film d'aujourd'hui entrera dans la deuxième catégorie: j'avais d'emblée un bon feeling à l'idée de découvrir Les aventures du prince Ahmed... et cela s'est vérifié. Il faut dire que je l'ai vu sur grand écran ! Et en version ciné-concert !

J'étais de plus très bien accompagné pour découvrir cette perle rare conçue il y a presque un siècle. Ses admirateurs la présentent parfois comme le tout premier long-métrage d'animation - au niveau mondial ou européen, selon leur niveau d'expertise (et/ou d'enthousiasme). Plongés dans l'univers des Mille et une nuits, nous sommes invités dans un royaume imaginaire dont le calife célèbre son anniversaire. Pour l'occasion, un étonnant mage africain lui offre un cheval volant. Le fils du calife, le prince Ahmed, est ébahi et grimpe sur l'animal. C'est ainsi qu'il scelle le sort de sa soeur, la "richesse" que le mage réclame en échange, et se trouve lui-même projeté dans les cieux. Après quelque temps, le voilà arrivé au lointain pays de Wak-Wak ! C'est là qu'il rencontre Pari Banu, une reine dont il tombe amoureux...

Vous verrez: cet icroyable univers est par ailleurs peuplé de monstres gigantesques et de démons prêts à traquer les intrus. Il y en a assez pour nous fasciner pendant une heure et six minutes, à la condition d'accepter de retrouver un peu de notre âme d'enfant. Je veux revenir sur le fait que Les aventures du prince Ahmed demeure un film impressionnant sur le plan technique, compte tenu de son ancienneté. Sa conception aurait demandé plus trois ans d'un travail titanesque ! Tout ou presque est fait à partir de silhouettes de papier découpées et sur le principe des ombres chinoises - la grande Chine impériale étant d'ailleurs l'un des pays que les personnages auront à arpenter. C'est peut-être là que se joue le miracle: nous sommes en territoire fantastique, mais aussi en terrain connu. Bref, en plein rêve éveillé...

Aux côtés d'Ahmed et au gré des cinq courts épisodes d'une narration magique, vous aurez notamment la joie de rencontrer une sorcière bienveillante, ainsi que sa soeur Dinarsade et le noble Aladin, équipé de sa lampe. Cet Orient idéalisé compte aussi son lot de bons génies. Même s'il est effrayant parfois, il pourrait encore plaire aux marmots du 21ème siècle ("à partir de cinq ans", d'après les Fiches du cinéma). Il faut bien sûr se réjouir que cette fantasmagorie leur soit accessible aussi longtemps après qu'elle a été créée et alors que les vicissitudes de la guerre ont bien failli la voir disparaître dans le Berlin bombardé des années 40. Une copie fut heureusement retrouvée entre les murs du British Film Institute, en 1954, et restaurée / complétée en 1999. Une année-symbole, où sa géniale créatrice aurait fêté ses cent ans...

Il y aurait beaucoup à raconter sur Lotte Reiniger, cette Allemande née sous le règne de Guillaume II, hostile aux Nazis et contemporaine de l'éphémère République de Weimar, devenue citoyenne britannique. Elle s'était liée d'amitié avec Louis Jouvet et Jean Renoir, paraît-il. Ce n'est pas mon sujet aujourd'hui, mais j'en reparlerai certainement si j'ai d'abord l'occasion de voir d'autres oeuvres de celle qui fut prof de cinéma d'animation, en Europe et aux États-Unis, avant sa mort survenue dans son pays d'origine, à l'aube du beau printemps 1981. Pour l'heure, je me contente de voir Les aventures du prince Ahmed comme son héritage le plus précieux. Sous réserve, donc, d'un avis différent après l'examen du reste de son travail (sur six décennies). Rien ne doit vous interdire d'user et d'abuser de cette force féérique !

Les aventures du prince Ahmed
(Die Abenteuer des Prinzen Achmed)
Film allemand de Lotte Reiniger / 1926

Nous avons vraiment de la chance que ce film ait traversé le temps. Je courais depuis longtemps après cette merveille et je suis heureux de l'avoir enfin rattrapée ! Ses filtres colorés sont vraiment propices au rêve, tels ceux de Jo Limonade - sans autre comparaison possible. J'ai aussi repensé au réalisateur Karel Zeman (cf. Le baron de Crac). Georges Méliès n'est pas loin. Et Alice Guy, autre pionnière, non plus !

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Pour finir, une mention spéciale...

Je félicite et remercie Marie et Erwan, de la compagnie Intermezzo. Avec la complicité de Florent, un autre musicien, et de leur équipe technique, ce sont eux qui ont permis ce grand moment que j'ai vécu. Vous voulez rencontrer de beaux artistes ? Ceux-là méritent le détour.

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Un genre cinématographique tout à fait dans l'esprit et la magie de Noël ! ;)

Martin a dit…

Oui... quand Noël est synonyme de beauté, d'émerveillement et de bonheurs partagés.