dimanche 25 janvier 2015

Triomphe de l'amour

Je ne sais pas si vous l'avez remarqué: j'ai l'habitude de marquer symboliquement les grandes étapes de la vie de Mille et une bobines. Le hasard a voulu que le 31 décembre dernier, j'ai eu à choisir le film que je vous présente aujourd'hui, en sachant qu'il serait le millième chroniqué sur le blog ! Mon choix s'est porté sur L'aurore, cité parfois comme l'un des chefs d'oeuvre du muet. De quoi bien terminer 2014...

Le scénario du film est on ne peut plus simple: un jeune fermier s'éprend d'une femme de la ville, laquelle l'invite à tuer son épouse pour se construire une nouvelle vie. Tourmenté par sa passion adultère, le malheureux est tout près d'accomplir ce crime effroyable. Il ne retrouve sa lucidité qu'au moment où sa bien-aimée comprend qu'elle est en danger. Le ton du long-métrage change alors: il s'agit ensuite de nous laisser espérer une possible réconciliation des amants légitimes. Pour être apprécié à sa juste valeur, je pense que L'aurore doit être replacé dans son contexte historique. L'oeuvre est apparue la même année que le tout premier film parlant. Le réalisateur allemand Friedrich Wilhelm Murnau tournait ici pour la première fois en dehors de son pays. Trois Oscars le récompensèrent, dont celui, resté unique en son genre, décerné à la "meilleure valeur artistique". J'ai pris ce que j'ai vu comme un archétype du cinéma sans paroles. Critique à ses heures, François Truffaut, lui, appréciait ce classique au point de le considérer comme (je cite) le plus beau film du monde.

L'idée selon laquelle il est au moins une pièce majeure du cinéma mondial est très largement partagée. J'ai aimé appréhender ce récit d'un autre temps, filmé à l'invitation de la Fox Film Corporation. Signe de l'intention des auteurs de produire une oeuvre à vocation universelle: les personnages sont appelés l'homme et la femme. George O'Brien et Janet Gaynor avaient respectivement 28 et 21 ans quand le film est sorti. Ils ont gagné depuis une part d'immortalité. Au-delà des émotions qu'il suscite, leur jeu s'enrichit de nuances variées. L'aurore pourrait être un drame: il est plutôt l'évocation pudique d'un amour complice, voué à triompher, sauvé par... le rire ! Contrairement à ce que j'aurais pu imaginer, le long-métrage compte ainsi quelques scènes purement burlesques, portées par un humour que n'aurait pas renié Charles Chaplin. La diversité des sensations éprouvées devant ce spectacle m'a ravi et scotché à l'écran. Le fait que certaines images soient très abimées et les négatifs originaux aujourd'hui disparus ne m'a pas empêché d'y trouver un grand plaisir.

L'aurore
Film américain de Friedrich Wilhelm Murnau (1927)

Je connais encore trop mal le cinéma muet pour oser la comparaison avec un autre film, fut-il de la même époque - vos suggestions éventuelles seront donc appréciées. Je peux simplement vous dire que ce film m'a presque autant plu que Tabou, du même réalisateur. Je me suis également dit qu'il serait bien de voir un peu plus de films muets en 2015. Là aussi, si vous avez des propositions à me faire...

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Vous retrouverez bien sûr le film sur d'autres blogs...

"L'oeil sur l'écran" livre également quelques anecdotes à son sujet.   

10 commentaires:

Jean-Pascal Mattei a dit…

En voici une, contemporaine, qui en rassemble d'autres, dans un article au sous-titre d'ailleurs en clin d’œil à Truffaut :
http://lemiroirdesfantomes.blogspot.fr/2014/07/blancanieves-la-chambre-verte_8.html?view=magazine
Bon(s) film(s) !

Véronique Hottat a dit…

Bonsoir Martin,

L'aurore de Murnau est effectivement un must. Je suis très loin d'être une spécialiste du genre et je suis moi-même en pleine découverte mais je peux te citer quelques réalisateurs que j'ai particulièrement appréciés : Frank Borzage (L'Heure suprême), Paul Leni (L'homme qui rit), Robert Wiene (Les Mains d'Orlac, Le cabinet de docteur Caligari), Fritz Lang (Metropolis, Les espions, M le maudit, Le Testament du docteur Mabuse), Ernst Lubitsch... bref quelques pistes déjà ;-)

Martin a dit…

@Jean-Pascal:

Merci pour ce partage de références. J'ai très envie de voir "Blancanieves", que j'ai malheureusement laissé passer au cinéma...

Martin a dit…

@Sentinelle:

Bonsoir, amie cinéphile. Un grand merci à toi aussi pour l'ensemble de ces propositions ! Je voudrais au moins voir un de ces jours le "Metropolis" de Fritz Lang, avant ou après "M le maudit". Nous avons déjà parlé d'Ernst Lubitsch tous les deux: c'est définitivement un cinéaste qu'il faut que j'ajoute à ma liste.

Véronique Hottat a dit…

Et pour en revenir à Blancanieves, c'est effectivement un très très bon film, tu ne seras pas déçu !

Martin a dit…

Oui, Sentinelle: celui-là, j'ai bien l'intention de le découvrir à la prochaine occasion.

Véronique Hottat a dit…

Bonjour Martin,

Je voulais juste te signaler que France 2 allait diffuser Nosferatu le vampire de Murnau, ce lundi à minuit. Je vais me faire plaisir en l'enregistrant pour le revoir enfin :-)

Martin a dit…

Merci de me prévenir, Sentinelle. Je vais tâcher de l'enregistrer également.

Voir tous les Murnau serait un objectif intéressant !

eeguab a dit…

Le plus beau film de l'histoire du cinema? C'est bien possible. Je vénère ce film que j'ai chroniqué il y a fort longtemps, en automne 2006,je crois.

Martin a dit…

C'est en tout cas une référence importante. J'en fais une pièce maîtresse de ma cinéphilie.