jeudi 3 avril 2014

Une aurore amoureuse

Le jour se lève est un film touchant à plus d'un titre. Il est le dernier que Jean Gabin tourne avant la guerre, lui qui sera bientôt mobilisé comme marin à Cherbourg. Pour l'heure, il s'agit donc pour lui de faire son métier dans des studios de Boulogne-Billancourt, quatre mois devant la caméra, entre février et mai 1939. L'acteur a-t-il alors conscience de tourner une future référence du septième art français ? Probablement pas. Cette production Paris Studio Cinéma me semble cependant traverser les âges et conserver son aura de très beau film.

Film touchant, disais-je: sa magie tient notamment à ce qu'il mêle plusieurs histoires d'amour compliquées. Les toutes premières scènes du métrage laissent pourtant espérer des sentiments plus simples. François, ouvrier sableur, rencontre Françoise, venue livrer des fleurs à la femme de son patron. Magie éternelle du cinéma: un dialogue s'engage et, après une ellipse, on retrouve les mêmes jeunes gens quelques semaines plus tard, tombés amoureux déjà. La désunion survient vite lorsque Françoise, un peu naïve, manifeste un intérêt ambigu pour un autre homme, Valentin, un artiste forain qui fabrique le bonheur frivole de la clientèle du café voisin. Une seconde femme apparaît alors dans le jeu: Clara, la partenaire du saltimbanque. Maintenant, c'est à vous de découvrir ce qu'il en est des destinées croisées de ces quatre personnages. De façon vraiment très originale pour son époque, Le jour se lève alterne plans actuels et flash-backs.

Dans les magnifiques décors du génial Alexandre Trauner, le film éblouit par la qualité de ses dialogues. Pas étonnant: ils sont signés Jaques Prévert, pour ce qui est la 4ème de ses neuf collaborations avec Marcel Carné. Le jour se lève résonne comme un hymne dédié aux petites gens, à celles et ceux qui se démènent quotidiennement pour gagner leur pain, portés par le rêve d'une vie heureuse ordinaire. Ceux qui s'écartent d'un chemin social tout tracé le payent souvent d'un échec final: j'ai parlé de beau film, de film touchant, pas de film joyeux. Une assurance, toutefois: les acteurs sont tous excellents. Jean Gabin fait passer l'émotion, par sa gouaille ou dans le jeu muet. Arletty (Clara) est pour lui une partenaire parfaite, qu'il fait tanguer entre certitude et indécision. À 21 ans, Jacqueline Laurent, elle, joue une très jolie Françoise, faussement ingénue. Reste Jules Berry. Diable tentateur, sa grandiloquence fait merveille. Jusqu'à ce que...

Le jour se lève
Film français de Marcel Carné (1939)

Si mes statistiques sont précises, ce n'est jamais que le 8ème film des années 1930 que je présente sur ce blog. Il m'est assez difficile dès lors de vous proposer un juste point de comparaison. J'espère simplement vous avoir encouragé à vous intéresser à Marcel Carné. Vous pourrez (re)trouver ici deux autres chefs d'oeuvre, Les visiteurs du soir (1942) et Les enfants du paradis (1945). Que du bonheur !

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D'autres amateurs dans la salle ?

Oui ! Allez voir ce qu'on en dit du côté de "L'oeil sur l'écran"...

6 commentaires:

Anonyme a dit…

Bonjour Martin,
Très grand film, tout à fait d'accord, mais un film qui me glace par sa fin terrible...
Bonne journée !
Garance
http://saintgermainenlaye.over-blog.net/

princécranoir a dit…

très belle chronique pour mon Carné préféré.

dasola a dit…

Bonjour Martin, comme Princécranoir, c'est mon Carné préféré où on voit les premiers flash-back de l'histoire du cinéma (sauf erreur de ma part). Et puis Jules Berry, quel acteur! Bonne journée.

ChonchonAelezig a dit…

Ah voilà un grand classique qu'il me faut découvrir !

ideyvonne a dit…

Oui un grand classique du cinéma français et qui a eu une version en 1947 avec Henri Fonda ! ("the long night" version découverte sur TCM il y a un an à peu près)

Martin a dit…

@Ideyvonne:

Je n'avais que très vaguement entendu parler de cette version américaine: merci de me rappeler son existence ! Avec Henry Fonda, ça ne doit pas être si honteux, en fait.

Le bonjour aux autres commentateurs, au passage.