Une chronique de Martin
Lewis, Ed, Bobby et Drew sont quatre jeunes Américains ordinaires. Le premier nommé embarque ses trois compères dans un week-end au vert. Son idée est de descendre une rivière en canoë. Le choix s'est porté sur un cours d'eau condamné à la disparition. Il est prévu que la région soit inondée pour permettre l'exploitation d'un barrage.
Quand Délivrance commence, les apprentis aventuriers hésitent encore un peu avant d'aller de l'avant. Certains auraient même envie de renoncer, les autochtones leur réservant un accueil plutôt glacial.
Bien évidemment, ce qui devait n'être qu'une partie de campagne tournera rapidement à la confrontation en plein air. Je ne veux pas révéler ici la manière dont l'expédition des gars de la ville tournera au fiasco XXL. Sans effet très spectaculaire, Délivrance impose pourtant un joli suspense. La manière dont la descente de la rivière est filmée a dû donner des sueurs froides aux spectateurs de 1972. Par un jeu régulier de zooms avant et arrière, la caméra nous plonge directement dans l'action et, dans le même temps, prend du champ et apporte l'idée d'un regard extérieur sur l'expédition. Un regard lourd de menaces, comme peut l'être celui des Indiens des westerns hollywoodiens, au moment précis où le convoi des Blancs s'engage dans un canyon des plus escarpés. Ma comparaison vous aura fait comprendre que le film a pris un coup de vieux. Rien d'anormal quarante ans après sa sortie. En le replaçant dans son contexte historique, j'ai trouvé qu'il offrait encore un spectacle convenable.
C'est vrai aussi que j'ai apprécié le casting. Burt Reynolds démontre un beau charisme dans le rôle de Lewis, le leader de la bande. L'acteur a donné de sa personne: petit budget oblige, la distribution étant contrainte à effectuer elle-même les quelques cascades prévues au scénario, il y est allé si franchement qu'il s'est... fracturé le coccyx ! Ironiquement, son personnage connaît une vraie évolution de caractère qui rend cette fâcheuse circonstance presque bienvenue dans le déroulé du film. À mi-parcours, c'est John Voight qui prend l'ascendant sur le quatuor. Moins va-t'en-guerre, il devient tout autre au fil des événements. Délivrance est un film qui bouscule et peut conduire à une introspection sur la véritable nature de l'homme. Explorateurs de pacotille, les quatre larrons démontreront qu'en dépit de beaux discours, ils ne sont pas vraiment plus malins que d'autres. Face à l'inconnu, ils prouveront leur incapacité à s'adapter et verront leur pseudo-camaraderie voler en éclats. Chut, j'en ai assez dit...
Délivrance
Film américain de John Boorman (1972)
Je dois dire que je me suis fourvoyé. Étant donné qu'il évoque notamment la destinée d'hommes face à la nature, j'avais imaginé que le long-métrage pourrait être comparé à La forêt d'émeraude. Grossière erreur, même si les deux films ont le même réalisateur ! Certes, dans les deux cas, les hommes s'éloignent des villes. Le film aujourd'hui est toutefois bien plus sombre que son "petit frère". Boorman y montre que l'homme est un loup pour l'homme, la lâcheté n'étant pas du reste son moindre défaut. Adapté d'un roman, il livre aussi, selon certains critiques, une allégorie de la guerre du Vietnam. Il est vrai que deux mondes s'y confrontent sans garantie de retour...
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