mercredi 20 décembre 2023

Si proches

Le premier film du cinéaste tokyoïte Yasujiro Ozu (1903-1963) diffusé en France y est arrivé en 1978, 25 ans après sa sortie au Japon. Profiter du DVD - comme je l'ai fait en 2010 - est donc un privilège. Désormais familier avec le maître, je n'ai pas hésité bien longtemps avant d'aller voir l'un de ses films repris en salle. Quel grand bonheur !

Les soeurs Munakata
contient tout ce que je peux attendre d'un film signé Ozu. Il s'inscrit dans le Japon de l'après-guerre, un pays meurtri qui s'apprête à vivre de profondes mutations sociétales. Le scénario s'inspire d'un roman et nous raconte l'histoire de deux frangines complices, mais très différentes du point de vue du comportement. Setsuko, l'aînée, est une femme mariée discrète, qui s'habille souvent d'un kimono et se montre de ce fait proche du modèle traditionnel. Mariko, à l'inverse, n'a pas d'homme dans sa vie, porte des vêtements occidentaux, fume et n'a rien contre l'idée de boire du Coca-Cola ! C'est d'ailleurs ce qu'elle fait un jour avec Hiroshi, un jeune homme attirant, tout juste revenu de quelques années passées en France. Progressivement, à mesure qu'apparaissent les diverses interactions entre ces protagonistes, le récit prend une belle ampleur dramatique. C'est alors sans difficulté qu'il nous emporte au coeur de son propos...
 
Comme d'autres cinéastes japonais de son temps, Ozu se caractérise par son humanisme et la vaste étendue de sa palette émotionnelle. J'imagine qu'il y a au moins un peu de lui dans le personnage du père qu'incarne le magnifique Chishu Ryu, l'un de ses acteurs fidèles. Cependant, ainsi que son titre le laisse supposer, c'est bien du côté féminin que le film penche le plus - et c'est tout à fait admirable. Passés les premiers instants, j'ai oublié que Les soeurs Munakata datait d'il y a bientôt trois quarts de siècle. Oui, car il m'a enchanté. J'ose dire que c'est en fait grâce à sa modernité, mais il est évident que l'empathie que j'ai ressentie pour Setsuko, Mariko et les autres compte aussi pour beaucoup dans cette très positive impression. J'aurais attendu longtemps avant de regarder mon premier film japonais en images réelles cette année, mais je l'ai fort bien choisi. Désormais, je veux en voir un muet: j'y reviendrai le moment venu. Suggestion: d'ici là, ne snobez surtout pas le cinéma d'Asie classique !

Les soeurs Munakata
Film japonais de Yasujiro Ozu (1950)

Quatre étoiles légitimes et une demie "bonus" pour le coup de coeur ! Si vous n'avez jamais rien vu du cinéaste, Voyage à Tokyo s'impose comme LE long-métrage idéal pour une séance de rattrapage d'hiver. Vous pourrez ensuite aller voir chez Kurosawa, Mizoguchi et Naruse. Et "l'héritier" Kore-eda ? Son nouvel opus sort dans pile une semaine. Après Une affaire de famille et Les bonnes étoiles, je vais foncer...

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Une dernière info pour la route...

La plateforme Internet d'Arte propose actuellement dix films d'Ozu. Un court documentaire consacré au maître est également disponible.  Le tout offert en consultation libre et gratuite jusqu'au 29 avril 2024. 

4 commentaires:

Pascale a dit…

Je plonge dans le Japon actuellement grâce à Hirayama...
J'ai vu Le goût du sake et je crois reconnaître l'acteur que tu as mis en photo.
Je crois avoir vu que mon cinéma allait programmer quatre films. J'irai autant que possible.
Tu me rassures en disant que les films sur Arte sont disponibles jusque fin avril.
Quel régal.

Martin a dit…

Ils sont vraiment tombés à point nommé, ces jours parfaits !
J'espère que tu reviendras me / nous dire un mot des Ozu que tu auras découverts.

Pascale a dit…

Vu et aimé.
Quelle dignité chez ces deux femmes avec un goût certain du sacrifice.
Et puis j'aime ces images arrêtées sur les intérieurs, les décors.
C'est tellement beau.

ATTENTION SPOILITUDE.

Je crois comprendre que la petite cherche à épouser l'amour de la grande (déjà mariée) pour éviter qu'il n'épouse la troisième... Quel tombeur (mou) cet Hiroshi.
J'ai sursauté quand le mari de Setsuko lui donne 8 gifles à la suite !!

J'ai cherché sur ce blog mais apparemment tu n'as pas vu les films de Kinuyo Tanaka qui a beaucoup tourné avec Ozu et s'est mise à la réalisation avec grand talent.
Mon préféré est La princesse errante, une grande et belle fresque.
Il y a un coffret (assez cher mais qui vaut le coup) chez Carlotta avec ses six films.
Elle n'a pas été aidée par le machisme ambiant à l'époque (pire qu'aujourd'hui) dans ce milieu. Je crois me souvenir que seul Ozu ne lui a pas mis de bâtons dans les roues.

https://www.fnac.com/a17191585/Coffret-Kinuyo-Tanaka-realisatrice-de-l-age-d-or-du-cinema-japonais-Blu-ray-Masayuki-Mori-Blu-ray

J'en ai vu 4 sur les 6, au cinéma.
http://www.surlarouteducinema.com/archive/2022/02/20/kinuyo-tanaka-6367201.html

Martin a dit…

Ah, je suis très content que tu aies pu le voir ! Nous sommes d'accord en tout !
Merci pour tes spoilers, qui confirment largement que nous avons partagé la même émotion.

PS: tu as également raison de dire qu'il faut que je découvre les films de Kinuyo Tanaka.