lundi 11 décembre 2023

Elle, lui et l'océan...

Son premier long-métrage lui a valu le Grand Prix du jury du Festival de Cannes (une récompense que lui avait remise Sylvester Stallone). C'était en 2019 et, depuis cet Atlantique, Mati Diop n'a plus tourné d'autre fiction comme réalisatrice. Navré: j'ignore tout de son actu. Mais, par bonheur, j'ai un beau film à évoquer avec vous aujourd'hui !

Ada est une jeune femme de la banlieue de Dakar. Il a été décidé qu'elle serait mariée à Omar, un bon parti qu'elle ignore superbement. Au désespoir de ses parents, la post-adolescente est plutôt sensible au charme de Souleiman, un simple ouvrier du bâtiment, sans salaire versé depuis quatre mois. Problème: frustré par sa situation sociale précaire, ce garçon décide de quitter le Sénégal et, aux côtés d'amis concernés par les mêmes ennuis financiers, embarque sur un bateau dans l'espoir de rallier l'Espagne. Vous ne serez sûrement pas surpris si je vous dis qu'Atlantique s'inspire de faits réels. Je dois ajouter que, pour autant, il n'y a pas lieu d'y voir un documentaire. Le drame attendu se teinte vite d'une très intéressante dimension fantastique. Certains ont pu l'apprécier aussi en tant que manifeste féministe. Quant à moi, je retiens le portrait nuancé d'une jeunesse africaine. Même si le récit pourra tendre à une forme d'universalité, à mon avis.

Autre élément qui m'a intéressé: l'ancrage du film sur son territoire. Étant donné qu'Ada reste à terre, nous découvrons son cadre de vie en la suivant. Or, les occasions de faire un tel voyage sont rares ! D'une certaine façon, on pourrait dire que Mati Diop mystifie le public européen, puisqu'au bord de l'océan, elle montre une gigantesque tour urbaine, projet de l'ex-président Abdoulaye Wade... finalement resté dans les cartons. En interview, la réalisatrice parlait de la conception de Diamniadio, une nouvelle cité bâtie à proximité de la capitale. L'idée ? "Une ville dédiée au mode de vie haut de gamme, construite par des hommes qui n'y auront pas leur place", d'après ses propos. Atlantique est donc bien un film politique, même si c'est en filigrane. Bon... il est tout à fait permis de ne s'intéresser qu'à l'histoire d'amour qui forme sa trame principale: elle est vraiment touchante ! C'est sûrement l'aspect que je vais le mieux
garder en mémoire. Croyez-moi: même soutenu par des producteurs français, le cinéma d'Afrique mérite bien le détour. A fortiori quand il est aussi féminin...

Atlantique
Film (franco-)sénégalais de Mati Diop (2019)

Peut-être pas une merveille, mais j'insiste: une oeuvre remarquable. Jusqu'à présent, du cinéma de ce pays, je ne connaissais qu'un film également digne d'intérêt et plutôt ancré dans le réel: La pirogue. Maintenant, pour faire un vrai pas de côté vers d'autres horizons artistiques, j'ose un lien avec deux longs-métrages récents où Éros côtoie Thanatos: Vers l'autre rive et Vif-argent. Deux perles rares...

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Et au hasard d'Internet, cette confirmation...

Vincent, lui aussi, avait aimé le film. Il ne fait cependant que le citer.

4 commentaires:

Pascale a dit…

Encore un film invisible que je ne me souviens pas avoir vu passer au cinéma.

Martin a dit…

C'est après avoir écrit cette chronique que j'ai su que je trompais en croyant que tu l'avais vu.

Pascale a dit…

En te lisant, je pensais l'avoir vu mais en fait j'ai confondu avec Banel et Adama.
http://www.surlarouteducinema.com/archive/2023/09/01/68cd7b29b26416d5570fc7a2aa7bd2e7-6459182.html

Martin a dit…

OK. Moi, c'est "Banel et Adama" que j'ai loupé. À regret, d'ailleurs.