samedi 11 septembre 2021

Ivre de la jungle

Quand j'étais petit, Incroyable mais vrai ! était le nom d'une émission de divertissement à la télé. L'expression est entrée dans le langage courant pour évoquer toutes sortes d'histoires aussi folles que réelles. Celle que raconte Onoda - 10 000 nuits dans la jungle en est une. Elle m'a offert cet été près de trois heures d'excellent cinéma. Super !

Hiroo Onoda a combattu pour le Japon au cours de la Seconde guerre mondiale. Formé en secret aux techniques de la guérilla, il fut envoyé sur Lubang, une île des Philippines, peu avant que les troupes américaines n'y débarquent à leur tour. Sa mission: harceler l'ennemi sans faiblir, tant que l'ordre d'arrêter le combat n'a pas été donné. C'est dans la seconde partie de cette consigne que s'est joué le destin du soldat nippon et de quelques-uns de ses compagnons d'armes. Oublié au beau milieu de nulle part et seul rescapé d'une escouade partie sans se poser de questions, Onoda n'aura déposé les armes qu'en 1974. Quinze ans plus tôt, il avait été déclaré légalement mort dans son pays, où il retournera avant de finir sa vie comme... éleveur de bétail au Brésil. Difficile de trouver scénario plus accrocheur ! J'ajoute aussitôt que le film n'a absolument rien du blockbuster ordinaire qu'aurait pu en tirer un cinéaste peu inspiré et/ou bourrin. Arthur Harari, lui, parle d'Onoda comme d'un "carburateur à fiction". Son souhait: avoir "la liberté d'inventer le personnage que je voulais".

C'est, assure-t-il, en dévorant les romans de Robert Louis Stevenson et de Joseph Conrad que ce réalisateur (français) a alimenté sa soif de tourner un film d'aventures. Onoda... en est un, à l'évidence. Parmi mes camarades de blog, certains ont parlé d'un envoûtement pour expliquer l'attitude - et l'obstination - du personnage principal. Quant à moi, j'ai vécu le film comme une double immersion, à la fois dans la jungle qui est son décor unique et dans la psyché d'un homme resté fidèle à son engagement. Je laisse désormais à ce long-métrage épatant le soin de vous expliquer pourquoi et comment tout aurait pu se terminer beaucoup plus tôt pour ce guerrier à nul autre pareil. Formellement, je précise que ce long-métrage résolument ambitieux n'est que le second de son auteur: pareille maîtrise m'impressionne ! L'idée était que le film devienne "une expérience de réalité" (sic). Dans les faits, c'est vraiment très réussi: en un mot, on s'y croirait. Arthur Harari gagne son pari: celui de permettre aux spectateurs d'éprouver de l'empathie pour Onoda, tout en le tenant à distance. C'est ainsi qu'il en fait un héros, avec tout ce que cela peut comporter d'ambigu. Chacun a alors toute possibilité d'en conclure ce qu'il veut...

Onoda - 10 000 nuits dans la jungle
Film français d'Arthur Harari (2021)

Un opus qui entre sans mal dans mon top ten (provisoire) de 2021. Sincèrement, malgré sa longue durée, je n'ai pas vu le temps passer dans le petit cinéma associatif de Loire-Atlantique où j'ai pu le voir. On entre dans ce récit comme dans Apocalypse now ou, pour revenir sur un film plus récent, Mosquito. Dès lors, le grand écran s'impose ! Même si je reverrai volontiers cela sur un petit dans quelque temps...

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J'ai déjà beaucoup écrit, non ?

Le débat peut continuer chez Pascale, Dasola, Strum et Princécranoir.

4 commentaires:

Pascale a dit…

Un des TRÈS GRANDS moments de cet été (avec La loi de Téhéran).
Immersion totale et pas un instant d'ennui. Et des acteurs inspirés.
As-tu vu le 1er film de ce réalisateur... français ? Diamant noir vaut le détour.

Martin a dit…

Nous sommes d'accord, mais je n'ai pas vu "La loi de Téhéran".
Et je n'ai pas vu "Diamant noir" non plus. Pas encore, disons, parce que j'aimerais bien, maintenant...

Strum a dit…

Une très belle réussite en effet que cet Onoda - le pari n'était pas gagné d'avance. Merci pour le lien Martin. PS : c'est "Harari", que j'avais également mal écrit au départ. ;)

Martin a dit…

Le pari n'était pas gagné, non, mais il est relevé avec brio. É-pa-tant !
Merci de m'avoir repris sur l'orthographe du nom du réalisateur. La correction est faite.