vendredi 20 décembre 2013

Au-delà du mystère

Au temps des origines du cinéma, elle a su inspirer les frères Lumière et Georges Méliès. Figure pivot de l'histoire de France, symbole national flatté et parfois sali, enfant extraordinaire d'un 15ème siècle désormais oublié, Jeanne d'Arc demeure la muse du 7ème art. J'avais une vraie curiosité à découvrir la vision sur grand écran du cinéaste français Philippe Ramos. Son film, Jeanne captive, avait été présenté à la Quinzaine des réalisateurs du Festival de Cannes 2011. Sans grand retentissement et a priori sans grand succès par la suite.

Comme son titre l'indique, Jeanne captive s'intéresse à une période particulière de la vie de la Pucelle. Quand le film commence, elle est aux mains de Jean de Luxembourg, un notable bourguignon, proche des Anglais. Ce dernier s'apprête à la livrer aux armées hostiles au roi de France, moyennant le versement d'une prime de 10.000 livres. Épisode historique avéré: Jeanne saute d'une des tours du château proche de Compiègne où elle est retenue prisonnière et se blesse sérieusement. Avant de la vendre, il faut donc la remettre sur pied. C'est ce que raconte d'abord le long-métrage. Celle qui déclarait entendre des voix se mure alors dans le silence. Loin des exploits militaires dont la future sainte serait l'initiatrice, la caméra s'empare de son quotidien de détenue. Elle est la seule femme de cette histoire presque muette. Et il faut toute l'empathie d'un médecin ordinaire pour la comprendre encore dans ce tout dernier chapitre de sa vie...

Dans le difficile rôle de l'héroïne, Clémence Poésy peut être contente de sa prestation. Elle compose habilement un personnage de femme solitaire, comme égarée dans une certaine forme de mysticisme. J'aime cette idée que, un peu à l'image du Christ sur la croix, Jeanne puisse se sentir abandonnée par cette même force qui motivait jusqu'alors toutes ses actions. De femme de guerre, elle en redevient femme ordinaire, victime ordinaire d'un âge barbare, bien incapable désormais de sauver sa vie. Si Jeanne captive manque de moyens techniques et demeure un film imparfait, il s'avère assez intéressant pour ce qu'il montre de la relation de cette femme aux autres. Médecin, soldat, bourreau ou bien prédicateur: ceux qui vont croiser son ultime chemin s'en trouveront changés. Ensuite, au bord du fleuve où les cendres d'une jeune Lorraine auront été jetées, la vie pourra reprendre son cours ordinaire. Sans qu'il soit trop tard pour l'aimer...

Jeanne captive
Film français de Philippe Ramos (2011)

Cette Jeanne d'Arc est bien éloignée de celle de Luc Besson, apparue sur les écrans douze ans plus tôt. Je l'imagine également différente de celle de Robert Bresson, découverte en 1994. Je ne vous parle même pas des autres, chez Dreyer, Fleming ou Rossellini. J’espérais ressentir un peu plus d'émotion devant ce film, pour tout vous dire. Notez-le: j'ai quand même vu de belles choses. Au-delà du mystère...

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Le film n'a apparemment pas connu un succès remarquable...

Chez mes voisins, seule Pascale l'a vu ("Sur la route du cinéma").

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