jeudi 27 janvier 2011

Un coeur simple

Une chronique de Martin

C'est très certainement impossible à déterminer, mais je serai curieux de connaître le nombre de films que la seconde guerre mondiale a inspirés. Rien qu'en France, j'imagine qu'il y en a probablement déjà plusieurs centaines, sur tous les angles possibles et imaginables. Fortunat - pour moi le tout premier long-métrage vu en cette nouvelle année - réussit à parler du conflit en ne faisant tirer que quelques coups de feu. Ils atteignent (sans tuer) un homme fait prisonnier par l'armée allemande et qui tente brusquement d'échapper à ses gardiens sur le chemin de sa prison. Scène inaugurale pour introduire l'idée du pays occupé et de la menace aveugle qui pèse sur une femme, Michèle Morgan à la ville, épouse de résistant et que le maquis veut faire passer en zone libre.

Le rapport avec cette image d'une famille rassemblée et souriante ? La femme dont je viens de vous parler, c'est elle. Les enfants sont les siens. Seul l'homme n'est pas le héros que j'ai évoqué. Il s'agit toutefois du personnage principal du film. L'aurez-vous compris ? Joué par Bourvil, Fortunat - c'est son nom - est celui qui est censé accompagner tout son petit monde à l'abri des persécutions nazies. Le cliché le montre au coeur de sa famille d'adoption quand, l'habitude de la cohabitation prise, chacun achève plus ou moins d'oublier les rigueurs de la guerre et retrouve un semblant de vie normale. Autant dire qu'au cours du déroulé du scénario, les choses ne sont évidemment pas aussi simples que ça. La guerre, quoi...

Mon père a pour habitude de dire que Bourvil n'a joué que trop peu de rôles non-comiques et que les réalisateurs qui lui ont fait confiance sont presque tous passés à côté de son talent. Pas mal vu. Toutefois, après avoir considéré le rôle qui lui a été confié ici, j'ai envie de dire que, cette fois, le comédien a trouvé à s'exprimer également dans un registre un peu moins habituel pour lui. Considérez en fait que, si quelques scènes de Fortunat peuvent prêter à sourire, le fonds du propos est tout de même assez sombre. Vous verrez par vous-mêmes ce que vous penserez de la conclusion: pour ma part, je la trouve tout sauf réjouissante. Ce qui ne veut pas dire que nous ayons affaire à un mauvais scénario, bien au contraire. Michèle Morgan apporte elle aussi beaucoup à ce que je qualifierai avant tout de beau film. Anecdote: on y retrouve une Rosy Varte encore jeune et, plus étonnant encore, Frédéric Mitterrand enfant. L'amalgame des acteurs fonctionnant parfaitement, le tout s'avère attachant et bien raconté. J'ai eu un véritable petit coup de coeur.

Fortunat
Film français d'Alex Joffé (1960)

Certes un peu ancienne, mais poignante et bien jouée, cette histoire d'hommes et de femmes ordinaires en temps de guerre mérite qu'on s'y attarde. Pas juste parce qu'elle repose la question: et si ça avait été nous ? Surtout parce qu'il y a visiblement là beaucoup de sincérité de la part de tous les intervenants, réalisateur et bien sûr acteurs. Compte tenu du sujet retenu et de l'âge de cette production, j'ai quelque hésitation à établir une comparaison. Pour reparler d'un film beaucoup plus récent, sur la transformation d'anonymes en héros spontanés de cette période tourmentée, je vous recommanderai simplement à nouveau de voir L'armée du crime. C'est à peu près pour les mêmes raisons que cette oeuvre m'avait marqué, finalement.

2 commentaires:

alice in oliver a dit…

Je me joins au concert de louanges pour ce Fortunat, une comédie dramatique très émouvante, avec un Bourvil, qui change un peu de registre. A l'époque, l'acteur était encore cantonné aux rôles de bénêt du village.

Martin a dit…

Bonjour Alice in Oliver et bienvenue sur les Bobines ! Tu mets exactement le doigt sur ce qui m'a plu: ici, Bourvil est autre chose que l'idiot du village. Le film est vraiment touchant.