Je ne voudrais pas réduire Victoria à sa dimension de film-concept. C'est pourtant autour d'une caractéristique formelle que la presse spécialisée a commencé à en rendre compte: ce long-métrage allemand, présenté lors de la dernière Berlinale, en février dernier, s'illustre d'abord parce qu'il a été tourné en un unique plan-séquence. Prouesse technique indissociable du film, mais qui ne le résume pas.
5h42: Victoria - c'est aussi le prénom de l'héroïne - termine sa nuit dans les boums-boums d'une boîte de nuit berlinoise. On apprendra plus tard que cette jeune Espagnole est arrivée dans la capitale quelques mois auparavant et qu'elle n'y compte pas encore d'amis. C'est banalement ce qui pourrait expliquer que, gentiment abordée alors par un groupe de garçons, elle se laisse embarquer et les suit rapidement pour attendre le levée du jour et finir de fêter l'anniversaire de l'un d'eux. Sonne, Boxero, Blinker et Fuss veulent boire une dernière bière sur le toit d'un immeuble voisin, chose faite dans les minutes qui suivent. À partir de là, je pourrais dévoiler aussi l'essentiel de ce qui se passe par la suite, comme le fait le court pitch d'Allociné que j'avais lu avant la séance. Je préfère ne pas le faire. Intéressé d'abord par ce fameux plan-séquence, je n'en dis pas plus quant au récit proprement dit. Autant préserver un peu le suspense...
Un constat, simplement: démarré sur un retour au calme progressif après une transe dansée sous les stroboscopes, le long-métrage s'anime de nouveau à mi-parcours, le scénario négociant un virage important - dont d'autres que moi, donc, vous révéleront la nature. Que dire ? Victoria, même s'il colle aux basques des protagonistes, pourrait difficilement être qualifié de film d'acteurs. Les comédiens m'étaient tous inconnus jusqu'alors et, même s'ils interprètent tous leur rôle avec conviction, je ne dirais pas qu'ils sont déterminants. C'est bel et bien le dispositif technique qui donne au long-métrage une couleur toute particulière, la performance de tous ceux qui sont restés derrière la caméra qui impressionne. Tournée à 100% en temps réel, sans le moindre raccord, cette histoire est des plus immersives. Reste à savoir si vous aurez assez d’empathie avec les personnages pour les accompagner: sur ce point, la réponse est en chacun de vous.
Victoria
Film allemand de Sebastian Schipper (2015)
Victoria a le grand mérite d'aller jusqu'au bout d'un concept éprouvé. Des gens plus cultivés que moi affirment qu'Alfred Hitchcock himself s'était essayé au film plan-séquence avec La corde, sorti en 1948, mais en trichant, limité qu'il était alors par la longueur des bobines. Loin de la modernité de Birdman, je vous conseillerai deux westerns en temps quasi-réel: La cible humaine et Le train sifflera trois fois.
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Un mot sur l'accueil du film en Allemagne...
Victoria a marqué la critique et glané six Lola, l'équivalent des César outre-Rhin. À la Berlinale, il a en outre obtenu une récompense importante: l'Ours d'argent de la meilleure contribution artistique. Côté bande-annonce française, on affirme que Darren Aronofsky, président du jury, le croit en mesure de "bouleverser le monde". D'après certains, le cinéaste américain a parlé... de son monde à lui.
En complément, un "détail" technique...
Victoria n'est pas un premier jet: le film a été tourné trois fois. Sebastian Schipper n'était pas satisfait des deux premières prises...
Enfin, d'autres critiques sont à lire sur le Web...
Parmi elles, vous trouverez celle de Pascale, tout à fait enthousiaste.
5h42: Victoria - c'est aussi le prénom de l'héroïne - termine sa nuit dans les boums-boums d'une boîte de nuit berlinoise. On apprendra plus tard que cette jeune Espagnole est arrivée dans la capitale quelques mois auparavant et qu'elle n'y compte pas encore d'amis. C'est banalement ce qui pourrait expliquer que, gentiment abordée alors par un groupe de garçons, elle se laisse embarquer et les suit rapidement pour attendre le levée du jour et finir de fêter l'anniversaire de l'un d'eux. Sonne, Boxero, Blinker et Fuss veulent boire une dernière bière sur le toit d'un immeuble voisin, chose faite dans les minutes qui suivent. À partir de là, je pourrais dévoiler aussi l'essentiel de ce qui se passe par la suite, comme le fait le court pitch d'Allociné que j'avais lu avant la séance. Je préfère ne pas le faire. Intéressé d'abord par ce fameux plan-séquence, je n'en dis pas plus quant au récit proprement dit. Autant préserver un peu le suspense...
Un constat, simplement: démarré sur un retour au calme progressif après une transe dansée sous les stroboscopes, le long-métrage s'anime de nouveau à mi-parcours, le scénario négociant un virage important - dont d'autres que moi, donc, vous révéleront la nature. Que dire ? Victoria, même s'il colle aux basques des protagonistes, pourrait difficilement être qualifié de film d'acteurs. Les comédiens m'étaient tous inconnus jusqu'alors et, même s'ils interprètent tous leur rôle avec conviction, je ne dirais pas qu'ils sont déterminants. C'est bel et bien le dispositif technique qui donne au long-métrage une couleur toute particulière, la performance de tous ceux qui sont restés derrière la caméra qui impressionne. Tournée à 100% en temps réel, sans le moindre raccord, cette histoire est des plus immersives. Reste à savoir si vous aurez assez d’empathie avec les personnages pour les accompagner: sur ce point, la réponse est en chacun de vous.
Film allemand de Sebastian Schipper (2015)
Victoria a le grand mérite d'aller jusqu'au bout d'un concept éprouvé. Des gens plus cultivés que moi affirment qu'Alfred Hitchcock himself s'était essayé au film plan-séquence avec La corde, sorti en 1948, mais en trichant, limité qu'il était alors par la longueur des bobines. Loin de la modernité de Birdman, je vous conseillerai deux westerns en temps quasi-réel: La cible humaine et Le train sifflera trois fois.
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Un mot sur l'accueil du film en Allemagne...
Victoria a marqué la critique et glané six Lola, l'équivalent des César outre-Rhin. À la Berlinale, il a en outre obtenu une récompense importante: l'Ours d'argent de la meilleure contribution artistique. Côté bande-annonce française, on affirme que Darren Aronofsky, président du jury, le croit en mesure de "bouleverser le monde". D'après certains, le cinéaste américain a parlé... de son monde à lui.
En complément, un "détail" technique...
Victoria n'est pas un premier jet: le film a été tourné trois fois. Sebastian Schipper n'était pas satisfait des deux premières prises...
Enfin, d'autres critiques sont à lire sur le Web...
Parmi elles, vous trouverez celle de Pascale, tout à fait enthousiaste.
8 commentaires:
J'ai beaucoup aimé ce film, quelle véritable expérience, on ressort de la salle totalement essoufflé ! Au-delà de l'aspect technique très réussi, contrairement à un Birdman, le film ne s'attarde pas que sur ça, c'est un beau film sur la jeunesse et même je dirais sur la jeunesse européenne. Et j'ai beaucoup aimé les acteurs, on sent que eux aussi vivent cette expérience, ou plutôt, comme le dit le réalisateur, ce braquage. C'est intense, attachant, innovant.
Je n'avais jamais entendu parler de ce "Victoria" teuton, mais voilà que son parti-pris m'intrigue. Il m'intrigue et pourtant il ne m'attire guère car, comme je l'ai déjà bien des fois écrit, je trouve que la limite du plan-séquence unique réduit considérablement la grammaire cinématographique. C'est pour moi une sorte de lipogramme cinématographique (comme Pérec quand il s'interdisait de mettre des E dans son livre), amusant mais finalement assez vain. Il faut que l'histoire racontée soit assez forte émotionnellement pour dépasser cette contrainte.
ps : dans la série des films en temps réel, j'ai une très grande admiration pour le film de boxe "nous avons gagné ce soir" de Robert Wise.
Je trouve qu'on oublie complètement la prouesse technique tant le scenario tient la route et devient palpitant.
Comme moi tu n'as sans doute pas reconnu Blinker qui est aussi le charmant ami qui apprend la plus petite de Mustang à conduire :-)
@Tina:
Oui, c'est vrai, c'est aussi un film sur la jeunesse européenne - et sur le métissage de l'Allemagne aujourd'hui. Je suis également d'accord avec toi pour dire que les acteurs se sont bien investis dans le projet. Je trouve que leurs personnages ont tous quelque chose d'attachant, ce qui rend le film assez dur au final. Chut... j'en reste là pour ne pas spoiler davantage.
@Princécranoir:
Intrigué mais pas attiré ? Reste à savoir si tu finiras quand même par franchir le pas et si, le cas échéant, le film parviendra à te faire changer d'avis. C'est vrai que le coup du plan-séquence est aussi un prétexte et que, sans ce format, je pense qu'on aurait encore moins parlé du film - peut-être même qu'il ne serait jamais sorti en France. Sans avoir follement ému, j'ai trouvé cette histoire bien fichue et plutôt innovante en comparaison de ce qui fait l'ordinaire de nos salles.
Je note ta référence à "Nous avons gagné ce soir". Merci. Je dois avoir ça en rayon. À voir, donc.
@Pascale:
Oh ! Merci ! Je n'avais effectivement pas fait le rapprochement entre Blinker et le Yasin de "Mustang". J'avais bien aimé le personnage de "Victoria", mais encore plus celui du film turc ! L'acteur s'appelle Burak Yigit - un nom à retenir.
Tout à fait en harmonie avec toi sur la valeur du scénario.
Pas vraiment attirée à la base, ayant peur justement que le film tourne trop autour d'un concept, tout en manquant de contenu. Ton avis et le commentaire de Tina me font maintenant hésiter, alors peut-être vais-je me laisser tenter prochainement...
À suivre... pour une reprise de ton blog, peut-être. Et/ou un autre commentaire ici ?
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