samedi 15 novembre 2014

Raison et sentiments

Woody Allen aura 80 ans l'année prochaine. Les cinéphiles savent bien qu'il tourne beaucoup, en fait au moins un film par an depuis 1992. Ajoutez-y la vingtaine qui a précédé: j'ai une très sincère admiration pour une imagination aussi prolifique. Je tenais à vous en faire part d'emblée, avant d'évoquer Magic in the moonlight, le millésime 2014.

Parce qu'il enchaîne les tournages, Woody Allen est aussi connu comme un artiste inconstant, cinéaste de très grands films et auteur d'oeuvres nettement moins inspirées. Il me semble qu'il serait injuste de lui en tenir rigueur - les meilleurs talents ont leurs failles, non ? Magic in the moonlight n'est pas la plus belle réalisation du maître new-yorkais. S'il m'était demandé de la qualifier en un mot, je dirais probablement qu'elle est charmante. Un possible modèle de comédie romantique à l'ancienne, avec pour cadre la Côte d'Azur de 1926. Employée comme médium auprès d'une famille de riches Britanniques installés sur les hauteurs de Nice, la jeune Américaine Sophie Baker exerce ses talents sous les yeux de Stanley Crawford: ce magicien déguisé en homme d'affaires a très envie de déjouer une supercherie.

Le duo principal du film est donc bien, au départ, un duel. Évidemment, parce qu'il oppose un homme mûr à une jolie femme devant la caméra d'un amoureux des acteurs, le combat qui s'annonce sera avant tout une joute verbale de haut vol. Le sens des dialogues de tonton Woody fait encore merveille, 49 ans (!) après ses débuts. Magic in the moonlight est un film bavard, qui bascule tout à coup quand le héros s'octroie... une petite sieste. Vous révéler ici pourquoi et comment serait trahir l'évolution du scénario qui s'ensuit, chose que je refuse absolument. Allen est assez prévisible comme ça ! Reste qu'il a toujours le chic pour dénicher la distribution parfaite pour porter son récit: Emma Stone et Colin Firth assument le côté glamour de leurs rôles respectifs, mais aussi sa fantaisie. On y croit !

Cerise sur le gâteau: les décors du film sont magnifiques. J'aime autant laisser le récit vous expliquer lui-même pourquoi le titre parle de magie au clair de lune. Il n'y a pas tromperie sur la marchandise attendue, mais le fait est que la majorité des scènes est diurne. Franchement, c'est bien simple: la caméra vient sublimer cette région que je connais bien. Elle ose parfois la transformer, pour en faire quelque chose d'encore plus beau - l'opéra de Nice se transformant notamment en théâtre berlinois ! Magic in the moonlight ressuscite la Riviera de la Belle Époque... un monde que la guerre engloutira finalement. Ce qui est chouette, c'est que cette belle reconstitution n'est jamais vraiment nostalgique. J'y ai même puisé un message optimiste: pour trouver le bonheur, ne réfléchissez pas trop, agissez.

À qui voudra bien l'entendre, c'est le beau cadeau d'un vieux monsieur connu également pour ses névroses obsessionnelles. En m'imaginant que Woody Allen met de lui dans chacun de ses films, j'ai aussi l'impression qu'il s'apaise un peu. Il me semble moins cynique, ouvert désormais à autre chose que ses lubies bourgeoises. Il n'est pas exclu que l'Europe lui donne des ailes, étant donné que ses films américains n'ont pas toujours cette légèreté. Oui, Magic in the moonlight donne le sourire... et c'est même, à mon avis, l'une de ses grandes qualités. J'ai aussi eu la chance, c'est vrai, de l'apprécier dans des conditions optimales, dans une salle pleine, à la fois respectueuse et amusée. Applaudissements lors du générique final: je n'étais pas le seul à avoir apprécié le spectacle. Des moments comme celui-là, j'en redemande !

Magic in the moonlight
Film américain de Woody Allen (2014)

Dans le Studio Ciné Live d'octobre, j'ai lu quelque chose d'assez juste sur le film: il ne faut pas trop écouter ceux qui fustigent Woody Allen pour la douceur de son humour, car certains d'entre eux critiqueront aussi ses films dramatiques. OK, après Blue Jasmine, le revirement scénaristique est assez radical. Je ne m'en plaindrai pas, moi ! J'aime l'un et l'autre film, comme Manhattan, Alice, Stardust memories... 

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Et maintenant, un petit tour sur la toile...

Une commentatrice récemment venue, Sentinelle, a aimé le film aussi. Je vous laisse lire sa chronique sur son blog: "Chez Sentinelle". Elle en a parlé en août dernier, aussitôt après la sortie en Belgique. Princécranoir, lu aussi, semble s'être laissé séduire: cf. "Ma bulle". Pascale ("Sur la route du cinéma") est un peu moins emballée. Quelques lignes font le tour de la question sur "Le blog de Dasola".

3 commentaires:

Véronique Hottat a dit…

Merci Martin pour le lien :-)
Charmant est aussi ce qui me vient en tête en repensant à ce film. Quelques dialogues piquants (j'ai particulièrement aimé le dialogue final entre le neveu et la tante, un personnage secondaire que j'ai particulièrement apprécié)et j'en suis ressortie également le sourire aux lèvres. Ton billet correspond en tout cas très bien à mon propre ressenti.

ChonchonAelezig a dit…

J'ai TROP hâte !!! Je suis folle de Woody !

Pascale a dit…

Comme tu sais... je n'ai pas ton enthousiasme hélas. Et le couple Colin/Emma n'a pas fonctionné sur moi.