samedi 25 octobre 2014

Occasions manquées

J'en ai parlé ici dès le mois d'août. J'attendais impatiemment la sortie de 3 coeurs, le nouveau film de Benoît Jacquot. Je me rends compte que j'en attendais trop: il s'avère que le long-métrage n'a pas trouvé en moi l'écho escompté. Malgré d'évidentes qualités, il m'a déçu. Proposer une énième variation cinématographique sur la figure classique du triangle amoureux n'a pas suffi à combler mes espoirs...

J'absous tout de suite celui qui m'a attiré vers le film: dans un rôle dramatique taillé pour lui, Benoît Poelvoorde m'est apparu aussi juste qu'à l'accoutumée. Ses silences sont glaçants: je crois bien difficile d'être insensible à l'émotion que le Belge dégage dans ces séquences de jeu muet. J'ai aussitôt adhéré aux tourments de son personnage. Marc Beaulieu est contrôleur fiscal. Au terme d'un bref déplacement professionnel dans la Drôme, il rate le train du retour vers Paris. Contraint à dormir sur place, il se met donc à la recherche d'un hôtel. C'est alors que le hasard place une femme sur son chemin: descendue acheter des cigarettes, Sylvie le renseigne et accepte de passer quelques instants avec lui. Il fait jour quand les deux inconnus achèvent leur déambulation citadine. Ils se promettent de se revoir rapidement, mais le destin en décide autrement. Une autre femme entre en jeu, Sophie, la soeur de Sylvie. À vous de voir comment...

Sylvie, c'est Charlotte Gainsbourg. Chiara Mastroianni incarne Sophie. J'ai bien aimé le jeu de la seconde, touchante, d'une vraie sensibilité. J'ai en revanche trouvé que la première tombait dans l'outrance. Malgré la réelle violence des sentiments, la manière dont on aborde ici la passion amoureuse m'est assez souvent apparue maladroite. Cela tient finalement à de petites choses: le ton funèbre d'une bande originale appuyée ou l'irruption soudaine d'une voix off surabondante. 3 coeurs n'est pas un mauvais film: j'y ai donc vu de belles choses dans le jeu du duo Poelvoorde / Mastroianni, ainsi qu'une photo maîtrisée, portée par une série de plans assez joliment composés. Malheureusement, quelques maladresses formelles m'ont parfois fait sortir de cette histoire et, plus grave, m'ont presque rendu indifférent au sort des protagonistes. C'est bien dommage, je trouve. Mon idée persistante aujourd'hui, c'est d'être passé à côté d'un très grand film.

3 coeurs
Film français de Benoît Jacquot (2014)

Je reste assez généreux dans ma notation, car je pense qu'il y a là beaucoup de choses qui pourront vraiment plaire à d'autres que moi. C'est bien possible que je devienne assez exigeant, pour être franc. Maintenant, sans forcément remonter jusqu'à Jules et Jim, je crois pouvoir recommander d'autres triangles amoureux de cinéma. Celui qui m'a le plus saisi ces dernières années reste sûrement Two lovers.

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Je ne suis visiblement pas le seul déçu...
Pascale ("Sur la route du cinéma") n'a vraiment pas adhéré au film. Une même amertume est perceptible sur "Le blog de Dasola". L'avis émis sur "Le blog de Tinalakiller" est lui aussi semblable au mien. "Chez Sentinelle", le site d'une toute nouvelle commentatrice, évoque aussi des regrets. J'avais sincèrement espéré une autre unanimité...

2 commentaires:

dasola a dit…

Bonjour Martin, amère pas vraiment. Ce n'est pas à ce point et mais je me suis ennuyée. Tout ça pour ça. Bon dimanche.

Véronique Hottat a dit…

Bonjour Martin,

Pour tout te dire, je n’attendais pas grand-chose en allant voir ce film, pour la bonne raison que je connais très mal le réalisateur Benoît Jacquot. Depuis lors, j’ai vu Villa Amalia (beaucoup aimé) et Les adieux à la reine (plus mitigée), qui sont passés dernièrement à la télévision. Pour en revenir à ce 3 cœurs, j’ai été agacée par plusieurs choses, que j’explique dans mon billet, je ne vais donc pas revenir là-dessus. Mais en y repensant – attention spoiler – on peut aussi revoir le film comme une sorte de délire ou de rêve éveillé pendant son malaise cardiaque (cf le twist final), qui exprimerait la crainte d’un homme de s’engager plus avant, d’où ce split entre deux perceptions de la féminité (la mère et l’amante) et l’angoisse de ne pas pouvoir concilier les deux en une même personne. D’où aussi ces nombreuses invraisemblances, dont les sempiternels vêtements portés par Sylvie (Charlotte Gainsbourg), même plusieurs années après la rencontre. Je chipote peut-être mais ce détail m’avait vraiment énervé. Mais si on part du postulat que Marc Beaulieu délire, alors on peut comprendre qu’il lui fasse porter les seuls vêtements qu’il lui connaisse. Enfin bref, tout ça est quand même bien tiré par les cheveux et si c’est vraiment ce qu’a voulu faire passer le réalisateur, c’est un peu raté car on en sort surtout frustré.

Quant à mon triangle amoureux préféré au cinéma, je cite sans hésitation Les Moissons du Ciel (Days of Heaven) de Terrence Malick, avec le sublime Sam Shepard, un film qui fait battre mon cœur et que j’adore.

Merci pour le lien :-)