J'ai trouvé sympa que Cédric Messemanne me contacte via Facebook pour me demander si je pouvais parler de ses courts. J'ai eu envie alors de prolonger notre échange et d'évoquer son début de parcours. Il a gentiment accepté de répondre à mes questions. À vous de lire...
Comment est venue votre envie de faire du cinéma ?
J'ai fait l’École européenne supérieure de l'image, à Poitiers. Je rêvais surtout d'être animateur, à cette époque. C'est en travaillant sur différentes techniques d'animation que j'ai compris que c'était plutôt le cinéma en lui-même qui m'attirait. La pédagogie était ouverte sur l'ensemble des pratiques. Les enseignants nous poussaient vers l'expérimentation. Quand on a entre 18 et 21 ans, c'est important de ne pas être cloisonné d'entrée de jeu et de pouvoir se trouver. J'ai compris que c'était un langage qui m'intéressait, plutôt qu'une technique particulière. Je suis alors retourné vers le cinéma, en me rendant compte que c'était un art bien plus vaste que ce que j'entrevoyais au départ. J'ai réorienté mon travail au début de la 3ème année que j'ai passée à l'école. Et c'est ce qui m'a conduit vers une autre école, de cinéma, à Toulouse...
Quel a été votre cursus complet ?
J'ai donc commencé à Poitiers, dans une école qui correspond un peu aux Beaux-Arts, avec une ouverture sur les installations numériques. Ensuite, après ces trois années, je suis allé à l’École supérieure d'audiovisuel, à Toulouse. C'est l'une des trois ou quatre écoles publiques de cinéma en France, avec la Fémis et Louis-Lumière. J'ai suivi le cursus réalisation, qui se fait en trois ou quatre ans. Au cours de la dernière année, j'ai aussi pu profiter d'un partenariat établi avec la School of visual arts. J'ai passé six mois à New York. C'est tellement énorme là-bas que leur seul département "Images et films" est bien plus riche que l'école de Toulouse...
Aviez-vous des références, des réalisateurs qui vous inspiraient particulièrement ?
Dans l'animation, j'étais attiré par les Japonais, les réalisateurs qui prennent beaucoup de liberté. Satoshi Kon, par exemple: je trouve qu'en matière de choix de raccords notamment, il fait des choses très créatives, par rapport aux techniques de découpage du cinéma classique. Ensuite, parmi les réalisateurs qui me plaisent beaucoup aujourd'hui, je citerais Steve McQueen, que je trouve génial. Il y a aussi Hirokazu Kore-eda, pour la manière dont il dirige ses acteurs, surtout les enfants. Pour avoir eu moi-même l'occasion d'y travailler au cours de mes études, je me suis rendu compte à quel point c'était difficile. Sa méthode est vraiment étonnante, incroyable...
Vous avez réalisé cinq courts, quelques-uns dans le cadre scolaire, d'autres plus personnels. D'où viennent vos idées ?
Tout dépend. Parfois, ça vient très rapidement. Pour La cellule familiale, par exemple, j'ai tout écrit en une soirée, avec un script d'une page: sans dialogues, cinq minutes de récit tiennent finalement en quelques lignes. Ce que je voulais raconter n'était pas forcément dans mon synopsis: j'avais tout bien en tête. Avec une petite équipe, j'ai apprécié la rapidité que pouvait engendrer cette technique d'écriture rapide, fulgurante. Sur un long-métrage, j'imagine qu'on est bien obligé de coucher ses idées sur le papier. Quand j'ai eu à me pencher sur des choses plus complexes, ça n'a peut-être pas forcément aussi bien fonctionné pour moi.
Et pour le reste ?
Dans mon école, nous avions souvent des contraintes. Il fallait par exemple travailler en collectif, ce qui suppose déjà des compromis lors de l'écriture ou des sujets qui ne vous intéressent pas forcément. Un court-métrage comme La nébuleuse, où j'ai collaboré avec un musicien du Conservatoire de Toulouse, j'ai un peu plus de mal à le partager. Je ne dirais tout de même pas que chaque collaboration amène à créer quelque chose qui vous est étranger. Pour créer After, par exemple, j'ai choisi un compositeur que je connaissais: je savais qu'on avait quelque chose en commun dans nos univers respectifs. C'est ce qui fait que j'arrive à m'approprier ce travail.
C'est donc votre projet le plus personnel ? Le plus abouti ?
Personnel, La cellule familiale l'était aussi, mais étrangement, je dirais que oui. C'est peut-être un peu moins perceptible pour moi dans la manière dont je l'ai écrit. J'ai vraiment essayé de créer un personnage à part. Ce n'est pas si personnel, parce que je n'identifie pas à lui. Quand on crée, on est souvent influencé par tout ce qui nous entoure. Au moment où j'ai écrit le film, je sortais d'une situation personnelle particulière. Certaines choses me travaillaient. Je me suis aussi servi d'une personne de mon entourage pour refaçonner un personnage plus vieux, placé dans une situation différente. Le travail de création consiste à mettre en scène un monologue intérieur, qui n'est pas forcément le but concret du film...
Vous m'aviez parlé de L'escapade comme d'un projet non finalisé. C'est votre dernier court en date ?
Non, c'est After, que j'ai choisi de finir en premier, parce qu'il m'a paru plus simple à finaliser: il dure huit minutes, avec des plans très longs, sans retouche visuelle et avec juste l'ajout de la voix off. L'escapade, je l'ai en fait tourné l'année dernière, avant de partir pour New York. Je n'ai pas pu faire le montage aussitôt. Quand je suis rentré en France, j'ai donc fait After et désormais, je peux repasser sur L'escapade. Il y a quelques effets visuels à faire. Selon les retours que j'ai, je vais peut-être aussi réagencer les choses, changer éventuellement 2-3 petits détails. J'ai l'impression que l'histoire n'est pas encore très claire pour tous les spectateurs. Je me rends compte a posteriori que je n'ai pas tout à fait obtenu ce que je voulais. Maintenant, je préfère y revenir que de bâcler un an de travail.
Comment choisir ses comédiens, quand on est débutant ? Comment trouver ses techniciens ?
Ça dépend de l'endroit où l'on est et du réseau que l'on a. Quand j'étais à Toulouse, c'était compliqué: en tant qu'étudiant, tous vos acteurs et tous vos associés sont bénévoles. Ensuite, là-bas, il y a beaucoup moins d'acteurs qu'à Paris, par exemple. Je devais donc faire appel à des non-professionnels. Par le biais de connaissances, il fallait trouver dans les salles de théâtre, les écoles d'acteurs... des personnes volontaires pour travailler. C'est intéressant, cela dit, parce que ça nous force à nous concentrer pour diriger. Un acteur professionnel, lui, n'aura besoin que de quelques mots pour savoir exactement dans ce dont on parle. Devoir gérer la performance d'un comédien de A à Z vous place en face de vos responsabilités, sachant qu'il faut aussi lui laisser une certaine liberté pour qu'il sorte potentiellement quelque chose de génial. C'est un peu frustrant de travailler ainsi, mais c'est aussi enrichissant: je n'ai pas de regret d'avoir dû appeler des amateurs, des enfants parfois ou des adultes qui n'avaient qu'une expérience de théâtre très limitée...
Et quid des non-comédiens ?
Le reste de personnes dont on s'entoure, ce sont des connaissances. Des amis, d'autres étudiants. Florent Paris, par exemple, qui a composé la musique sur mes deux derniers films, c'est quelqu'un que j'ai rencontré par le biais d'un ami commun, à l'école. Parfois, on a aussi la chance comme ça de rencontrer quelqu'un qui vous est lié artistiquement. Après, à New York, la façon dont on compose une équipe est très différente. Il y a tellement de monde qui a envie de travailler dans le cinéma et d'en vivre que le rapport change. On se retrouve alors plutôt dans une dynamique professionnelle. Les gens sont intéressés par l'expérience qu'on peut leur proposer, mais restent dans la dynamique de vivre de leur travail. Il faut donc très souvent les payer... et surtout que le film se fasse. Il faut être sérieux: il y a tellement d'offres ! Un projet étudiant, c'est un parmi des centaines d'autres. À Toulouse, beaucoup de choses venaient de la motivation et du rapport humain que ça pouvait engendrer. C'était différent...
Aujourd'hui, comment arrivez-vous à diffuser votre travail ?
Tant que j'étais dans le circuit scolaire, ça ne m'a pas inquiété. J'ai contacté beaucoup de festivals, essayé d'avoir des sélections: quand on est étudiant, vous êtes dans le cadre de l'école, ça s'arrête là. Maintenant que je suis sorti, je me rends compte que donner de la visibilité aux films, c'est un peu l'essence de mon travail. Dans les festivals, chacun a déjà son petit film. Les blogs me permettent d'atteindre un autre public. C'est une autre manière d'accéder aux programmes. Je suis le premier à regarder plein de petites vidéos sur le Net. pour les jeunes, c'est un moyen génial d'accéder à de nombreuses petites créations. Quand, comme pour vous, ça passe d'abord par le regard de quelqu'un d'autre, c'est bien aussi. Si on peut arriver à sensibiliser le public par ce biais, c'est tant mieux !
Votre avenir au cinéma, vous l'envisagez comment ? Vous voudriez passer au format long ?
J'aimerais commencer par quelques autres courts-métrages. Aujourd'hui, j'ai le sentiment d'avoir besoin de travaux plus aboutis que ceux que j'ai réalisés jusqu'à maintenant. Je voudrais avoir fait un film qui ait vraiment du succès. Le dernier, After, compte déjà 5-6 sélections en festivals, mais je n'ai pas l'impression de l'avoir tourné dans des conditions habituelles. J'étais seul avec mon acteur? Je filmais et je dirigeais en même temps. J'aimerais réussir à faire un court-métrage de fiction qui soit propre, réussi à mes yeux, avant de partir sur une fiction d'une heure et quelque avec l'assurance nécessaire. J'espère bien parvenir à le faire un jour si j'en ai l'opportunité, mais je sais que je n'y arriverai pas pour l'instant. Avant d'aller plus loin, il faut être sûr de soi pour réussir à convaincre un producteur, mais il le faut aussi pour soi-même, pour penser avoir les épaules nécessaires pour s'investir dans un projet différent.
Du coup, d'où pourrait venir votre déclic, d'après vous ?
Une grosse partie se jouera sur ma satisfaction devant le produit fini, avec l'investissement de plusieurs collaborateurs. Je voudrais pouvoir me dire que ces collaborations ont réussi en tout point. Pour un problème de temps, de matériel ou de moyens financiers, je me dis encore pour l'instant que certaines collaborations n'ont pas été aussi fructueuses que ce que j'aurais aimé. J'ai toujours pensé pouvoir faire mieux que ce qui était finalement accompli. Cela dit, les expériences que j'ai eues me renforcent dans ma volonté. Il n'y a pas de découragement de ma part, simplement cette idée que le chemin est encore un peu long avant que je me crois capable d'y arriver.
Vous avez le sentiment que c'est compliqué, aujourd'hui, de faire du cinéma en France ? Au niveau du financement, notamment ? Quand on compare avec les États-Unis...
C'est difficile pour moi de répondre. Ma comparaison pourrait être injuste. L'expérience que j'ai en France, je l'ai eue à Toulouse. Je n'ai jamais essayé de faire du cinéma à Paris, par exemple. Je pense paradoxalement que c'est peut-être plus facile d'en faire à New York. En fait, je ne suis pas sûr que faire du cinéma soit juste une question de financement. Aux États-Unis, c'est difficile, dans la simple mesure où vous n'avez absolument aucun soutien régional, tel qu'il est possible d'en avoir ici. Le seul soutien éventuel, c'est celui de boîtes de production engagées à vos côtés. En France, les étudiants peuvent avoir accès à différents fonds, auprès des universités, du Centre national du cinéma et de l'image animée, des régions, de l’État... qui peuvent financier des choses plus importantes. J'imagine qu'à Paris, une fois qu'on a trouvé les bons collaborateurs, c'est largement jouable de réaliser. Ce n'est pas si difficile que ça pour les jeunes auteurs - il en émerge encore beaucoup. Disons que c'est d'abord une question de talent et de réseau. Comme jeune réalisateur, on doit s'estimer chanceux d'avoir ces possibilités. Tout ça n'existe pas en Amérique. Si c'est plus facile là-bas, c'est qu'il y a plein de personnes qui ont envie de faire du cinéma. C'est vrai aussi qu'il faut toujours un peu de moyens, quoiqu'il arrive. Autre aspect: à New York particulièrement, c'est assez facile de trouver un décor intéressant...
Et avec tout ça, vous avez encore le temps d'aller au cinéma ?
Assez peu, malheureusement. Ça me manque beaucoup, mais il faut dire que ces derniers temps, j'ai été assez occupé. Je navigue un peu à vue, tout en essayant de finir mes projets. J'ai encore un film tourné à New York l'année dernière, que je n'ai pas encore eu le temps de monter. Je vais essayer de le boucler une fois que j'aurais terminé L'escapade. Au cinéma, ces derniers mois, j'ai vu très peu de créations. Je me contente de séries. Peut-être que j'en ressens moins l'envie. Ça marche par périodes, généralement: quand j'arrive au bout d'un projet, j'entre dans une phase où j'aime me replonger de façon plus intense au cinéma, y aller 6-7 fois par semaine... c'est assez stimulant, en fait. Quand je suis dans une phase d'écriture, j'ai moins de temps. Avec des films tournés sur l'ordinateur et prêts à être montés, j'ai du mal à me dire que je vais aller faire autre chose. C'est un regret, évidemment: je vois bien qu'il y a beaucoup de bons films qui sortent et j'aimerais bien en voir quelques-uns. Quand je vais lire les critiques, ça me fait bien envie...
Quel serait alors votre prochain projet ? Ce film américain tourné l'année dernière à New York ?
Oui. J'ai aussi un projet autour d'une histoire d'amour, avec deux ex qui se retrouvent au cours d'une soirée, alors que la vie les avait un peu séparés malgré eux. Les autres sont encore en phase d'écriture, sans concept abouti. J'ai 2-3 scénarios que j'avais écrits l'an passé, quand j'étais encore à la School of visual arts. L'une de mes idées serait de tourner un drame sur un sujet assez dur, mais qui nécessite davantage de recherches en amont pour pouvoir en faire un bon film. Je n'ai pas encore réussi à lui donner une tournure satisfaisante.
J'ai fait l’École européenne supérieure de l'image, à Poitiers. Je rêvais surtout d'être animateur, à cette époque. C'est en travaillant sur différentes techniques d'animation que j'ai compris que c'était plutôt le cinéma en lui-même qui m'attirait. La pédagogie était ouverte sur l'ensemble des pratiques. Les enseignants nous poussaient vers l'expérimentation. Quand on a entre 18 et 21 ans, c'est important de ne pas être cloisonné d'entrée de jeu et de pouvoir se trouver. J'ai compris que c'était un langage qui m'intéressait, plutôt qu'une technique particulière. Je suis alors retourné vers le cinéma, en me rendant compte que c'était un art bien plus vaste que ce que j'entrevoyais au départ. J'ai réorienté mon travail au début de la 3ème année que j'ai passée à l'école. Et c'est ce qui m'a conduit vers une autre école, de cinéma, à Toulouse...
Quel a été votre cursus complet ?
J'ai donc commencé à Poitiers, dans une école qui correspond un peu aux Beaux-Arts, avec une ouverture sur les installations numériques. Ensuite, après ces trois années, je suis allé à l’École supérieure d'audiovisuel, à Toulouse. C'est l'une des trois ou quatre écoles publiques de cinéma en France, avec la Fémis et Louis-Lumière. J'ai suivi le cursus réalisation, qui se fait en trois ou quatre ans. Au cours de la dernière année, j'ai aussi pu profiter d'un partenariat établi avec la School of visual arts. J'ai passé six mois à New York. C'est tellement énorme là-bas que leur seul département "Images et films" est bien plus riche que l'école de Toulouse...
Aviez-vous des références, des réalisateurs qui vous inspiraient particulièrement ?
Dans l'animation, j'étais attiré par les Japonais, les réalisateurs qui prennent beaucoup de liberté. Satoshi Kon, par exemple: je trouve qu'en matière de choix de raccords notamment, il fait des choses très créatives, par rapport aux techniques de découpage du cinéma classique. Ensuite, parmi les réalisateurs qui me plaisent beaucoup aujourd'hui, je citerais Steve McQueen, que je trouve génial. Il y a aussi Hirokazu Kore-eda, pour la manière dont il dirige ses acteurs, surtout les enfants. Pour avoir eu moi-même l'occasion d'y travailler au cours de mes études, je me suis rendu compte à quel point c'était difficile. Sa méthode est vraiment étonnante, incroyable...
Tout dépend. Parfois, ça vient très rapidement. Pour La cellule familiale, par exemple, j'ai tout écrit en une soirée, avec un script d'une page: sans dialogues, cinq minutes de récit tiennent finalement en quelques lignes. Ce que je voulais raconter n'était pas forcément dans mon synopsis: j'avais tout bien en tête. Avec une petite équipe, j'ai apprécié la rapidité que pouvait engendrer cette technique d'écriture rapide, fulgurante. Sur un long-métrage, j'imagine qu'on est bien obligé de coucher ses idées sur le papier. Quand j'ai eu à me pencher sur des choses plus complexes, ça n'a peut-être pas forcément aussi bien fonctionné pour moi.
Et pour le reste ?
Dans mon école, nous avions souvent des contraintes. Il fallait par exemple travailler en collectif, ce qui suppose déjà des compromis lors de l'écriture ou des sujets qui ne vous intéressent pas forcément. Un court-métrage comme La nébuleuse, où j'ai collaboré avec un musicien du Conservatoire de Toulouse, j'ai un peu plus de mal à le partager. Je ne dirais tout de même pas que chaque collaboration amène à créer quelque chose qui vous est étranger. Pour créer After, par exemple, j'ai choisi un compositeur que je connaissais: je savais qu'on avait quelque chose en commun dans nos univers respectifs. C'est ce qui fait que j'arrive à m'approprier ce travail.
C'est donc votre projet le plus personnel ? Le plus abouti ?
Personnel, La cellule familiale l'était aussi, mais étrangement, je dirais que oui. C'est peut-être un peu moins perceptible pour moi dans la manière dont je l'ai écrit. J'ai vraiment essayé de créer un personnage à part. Ce n'est pas si personnel, parce que je n'identifie pas à lui. Quand on crée, on est souvent influencé par tout ce qui nous entoure. Au moment où j'ai écrit le film, je sortais d'une situation personnelle particulière. Certaines choses me travaillaient. Je me suis aussi servi d'une personne de mon entourage pour refaçonner un personnage plus vieux, placé dans une situation différente. Le travail de création consiste à mettre en scène un monologue intérieur, qui n'est pas forcément le but concret du film...
Non, c'est After, que j'ai choisi de finir en premier, parce qu'il m'a paru plus simple à finaliser: il dure huit minutes, avec des plans très longs, sans retouche visuelle et avec juste l'ajout de la voix off. L'escapade, je l'ai en fait tourné l'année dernière, avant de partir pour New York. Je n'ai pas pu faire le montage aussitôt. Quand je suis rentré en France, j'ai donc fait After et désormais, je peux repasser sur L'escapade. Il y a quelques effets visuels à faire. Selon les retours que j'ai, je vais peut-être aussi réagencer les choses, changer éventuellement 2-3 petits détails. J'ai l'impression que l'histoire n'est pas encore très claire pour tous les spectateurs. Je me rends compte a posteriori que je n'ai pas tout à fait obtenu ce que je voulais. Maintenant, je préfère y revenir que de bâcler un an de travail.
Comment choisir ses comédiens, quand on est débutant ? Comment trouver ses techniciens ?
Ça dépend de l'endroit où l'on est et du réseau que l'on a. Quand j'étais à Toulouse, c'était compliqué: en tant qu'étudiant, tous vos acteurs et tous vos associés sont bénévoles. Ensuite, là-bas, il y a beaucoup moins d'acteurs qu'à Paris, par exemple. Je devais donc faire appel à des non-professionnels. Par le biais de connaissances, il fallait trouver dans les salles de théâtre, les écoles d'acteurs... des personnes volontaires pour travailler. C'est intéressant, cela dit, parce que ça nous force à nous concentrer pour diriger. Un acteur professionnel, lui, n'aura besoin que de quelques mots pour savoir exactement dans ce dont on parle. Devoir gérer la performance d'un comédien de A à Z vous place en face de vos responsabilités, sachant qu'il faut aussi lui laisser une certaine liberté pour qu'il sorte potentiellement quelque chose de génial. C'est un peu frustrant de travailler ainsi, mais c'est aussi enrichissant: je n'ai pas de regret d'avoir dû appeler des amateurs, des enfants parfois ou des adultes qui n'avaient qu'une expérience de théâtre très limitée...
Et quid des non-comédiens ?
Le reste de personnes dont on s'entoure, ce sont des connaissances. Des amis, d'autres étudiants. Florent Paris, par exemple, qui a composé la musique sur mes deux derniers films, c'est quelqu'un que j'ai rencontré par le biais d'un ami commun, à l'école. Parfois, on a aussi la chance comme ça de rencontrer quelqu'un qui vous est lié artistiquement. Après, à New York, la façon dont on compose une équipe est très différente. Il y a tellement de monde qui a envie de travailler dans le cinéma et d'en vivre que le rapport change. On se retrouve alors plutôt dans une dynamique professionnelle. Les gens sont intéressés par l'expérience qu'on peut leur proposer, mais restent dans la dynamique de vivre de leur travail. Il faut donc très souvent les payer... et surtout que le film se fasse. Il faut être sérieux: il y a tellement d'offres ! Un projet étudiant, c'est un parmi des centaines d'autres. À Toulouse, beaucoup de choses venaient de la motivation et du rapport humain que ça pouvait engendrer. C'était différent...
Tant que j'étais dans le circuit scolaire, ça ne m'a pas inquiété. J'ai contacté beaucoup de festivals, essayé d'avoir des sélections: quand on est étudiant, vous êtes dans le cadre de l'école, ça s'arrête là. Maintenant que je suis sorti, je me rends compte que donner de la visibilité aux films, c'est un peu l'essence de mon travail. Dans les festivals, chacun a déjà son petit film. Les blogs me permettent d'atteindre un autre public. C'est une autre manière d'accéder aux programmes. Je suis le premier à regarder plein de petites vidéos sur le Net. pour les jeunes, c'est un moyen génial d'accéder à de nombreuses petites créations. Quand, comme pour vous, ça passe d'abord par le regard de quelqu'un d'autre, c'est bien aussi. Si on peut arriver à sensibiliser le public par ce biais, c'est tant mieux !
Votre avenir au cinéma, vous l'envisagez comment ? Vous voudriez passer au format long ?
J'aimerais commencer par quelques autres courts-métrages. Aujourd'hui, j'ai le sentiment d'avoir besoin de travaux plus aboutis que ceux que j'ai réalisés jusqu'à maintenant. Je voudrais avoir fait un film qui ait vraiment du succès. Le dernier, After, compte déjà 5-6 sélections en festivals, mais je n'ai pas l'impression de l'avoir tourné dans des conditions habituelles. J'étais seul avec mon acteur? Je filmais et je dirigeais en même temps. J'aimerais réussir à faire un court-métrage de fiction qui soit propre, réussi à mes yeux, avant de partir sur une fiction d'une heure et quelque avec l'assurance nécessaire. J'espère bien parvenir à le faire un jour si j'en ai l'opportunité, mais je sais que je n'y arriverai pas pour l'instant. Avant d'aller plus loin, il faut être sûr de soi pour réussir à convaincre un producteur, mais il le faut aussi pour soi-même, pour penser avoir les épaules nécessaires pour s'investir dans un projet différent.
Du coup, d'où pourrait venir votre déclic, d'après vous ?
Une grosse partie se jouera sur ma satisfaction devant le produit fini, avec l'investissement de plusieurs collaborateurs. Je voudrais pouvoir me dire que ces collaborations ont réussi en tout point. Pour un problème de temps, de matériel ou de moyens financiers, je me dis encore pour l'instant que certaines collaborations n'ont pas été aussi fructueuses que ce que j'aurais aimé. J'ai toujours pensé pouvoir faire mieux que ce qui était finalement accompli. Cela dit, les expériences que j'ai eues me renforcent dans ma volonté. Il n'y a pas de découragement de ma part, simplement cette idée que le chemin est encore un peu long avant que je me crois capable d'y arriver.
C'est difficile pour moi de répondre. Ma comparaison pourrait être injuste. L'expérience que j'ai en France, je l'ai eue à Toulouse. Je n'ai jamais essayé de faire du cinéma à Paris, par exemple. Je pense paradoxalement que c'est peut-être plus facile d'en faire à New York. En fait, je ne suis pas sûr que faire du cinéma soit juste une question de financement. Aux États-Unis, c'est difficile, dans la simple mesure où vous n'avez absolument aucun soutien régional, tel qu'il est possible d'en avoir ici. Le seul soutien éventuel, c'est celui de boîtes de production engagées à vos côtés. En France, les étudiants peuvent avoir accès à différents fonds, auprès des universités, du Centre national du cinéma et de l'image animée, des régions, de l’État... qui peuvent financier des choses plus importantes. J'imagine qu'à Paris, une fois qu'on a trouvé les bons collaborateurs, c'est largement jouable de réaliser. Ce n'est pas si difficile que ça pour les jeunes auteurs - il en émerge encore beaucoup. Disons que c'est d'abord une question de talent et de réseau. Comme jeune réalisateur, on doit s'estimer chanceux d'avoir ces possibilités. Tout ça n'existe pas en Amérique. Si c'est plus facile là-bas, c'est qu'il y a plein de personnes qui ont envie de faire du cinéma. C'est vrai aussi qu'il faut toujours un peu de moyens, quoiqu'il arrive. Autre aspect: à New York particulièrement, c'est assez facile de trouver un décor intéressant...
Et avec tout ça, vous avez encore le temps d'aller au cinéma ?
Assez peu, malheureusement. Ça me manque beaucoup, mais il faut dire que ces derniers temps, j'ai été assez occupé. Je navigue un peu à vue, tout en essayant de finir mes projets. J'ai encore un film tourné à New York l'année dernière, que je n'ai pas encore eu le temps de monter. Je vais essayer de le boucler une fois que j'aurais terminé L'escapade. Au cinéma, ces derniers mois, j'ai vu très peu de créations. Je me contente de séries. Peut-être que j'en ressens moins l'envie. Ça marche par périodes, généralement: quand j'arrive au bout d'un projet, j'entre dans une phase où j'aime me replonger de façon plus intense au cinéma, y aller 6-7 fois par semaine... c'est assez stimulant, en fait. Quand je suis dans une phase d'écriture, j'ai moins de temps. Avec des films tournés sur l'ordinateur et prêts à être montés, j'ai du mal à me dire que je vais aller faire autre chose. C'est un regret, évidemment: je vois bien qu'il y a beaucoup de bons films qui sortent et j'aimerais bien en voir quelques-uns. Quand je vais lire les critiques, ça me fait bien envie...
Oui. J'ai aussi un projet autour d'une histoire d'amour, avec deux ex qui se retrouvent au cours d'une soirée, alors que la vie les avait un peu séparés malgré eux. Les autres sont encore en phase d'écriture, sans concept abouti. J'ai 2-3 scénarios que j'avais écrits l'an passé, quand j'étais encore à la School of visual arts. L'une de mes idées serait de tourner un drame sur un sujet assez dur, mais qui nécessite davantage de recherches en amont pour pouvoir en faire un bon film. Je n'ai pas encore réussi à lui donner une tournure satisfaisante.
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En effet, c'est sympa que tu sois contacté par ces petits jeunes, ça nous permet de les connaître. Peut-être sauveront-ils le cinéma français ! Je fonde beaucoup d'espoirs sur eux.
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