Ce n'est pas forcément le film-événement de l'année, mais ça sera sûrement l'un des plus ambitieux, au moins pour le cinéma français. Aussitôt que je suis sorti de Saint Laurent, la première impression qui m'est venue, c'est de m'être modérément intéressé à l'histoire. Chose curieuse: au même instant, j'ai eu le sentiment d'avoir vu l'une des toutes meilleures mises en scène appréciées jusqu'alors en 2014.
Au final, je me dis donc que Bertrand Bonello, le réalisateur, a su habilement mélanger la forme et le fond, avec ses propres partis pris esthétiques et narratifs. Je ne peux pas comparer son film à celui sorti en janvier, proposé par Jalil Lespert - j'ai manqué cet opus. Toutefois, il est toujours temps de relever que Saint Laurent "version 2" n'a pas reçu la caution morale de Pierre Bergé, l'amant fidèle du couturier et, accessoirement, le concepteur de son empire et son premier héritier. Cette considération me semble importante dans la mesure où, plutôt qu'une hagiographie filmée, les écrans auront accueilli cet automne une reconstitution de ce qu'aurait pu être la vie du créateur, sans toujours le souci d'une conformité à la réalité. Gaspard Ulliel est gaucher: il ne dessinera jamais de la main droite. On peut donc admettre que certains se sentent floués, voire trahis...
Quand, à l'image, Bergé rappele un journaliste qui vient d'interviewer Saint Laurent pour le menacer de poursuites, il se peut que Bonello règle ses comptes avec l'homme d'affaires, lequel lui aurait plutôt mis des bâtons dans les roues. Je laisserai chacun juger du bon droit respectif des uns et des autres. Saint Laurent - le film - m'intéresse pour ce qu'il est: un regard sur un homme qui a révolutionné la mode et, du même coup, l'image de la femme. Quelques-unes des scènes les plus intéressantes du long-métrage le montrent dans son atelier parisien, s'assurant personnellement que ses dessins sont reproduits fidèlement. Le montage impose l'image d'une ruche, mais un malaise s'insinue. Le défilé de blouses blanches confère au lieu l'apparence d'un hôpital et c'est logique: YSL se montre vite aussi intransigeant avec ses petites mains qu'un médecin peut l'être avec ses infirmières.
Cela dit, il n'est pas ici question de nous montrer un génie au travail. L'idée est plutôt d'évoquer un homme d'une redoutable... fragilité. Névrosé et doutant constamment d'un talent pourtant reconnu partout dans le monde, le roi des podiums s'est construit sa propre réalité. L'unique réconfort lui vient de ses muses, ces femmes magnifiques qu'il sait sublimer encore parce qu'au fond, il se reconnaît en elles. Âmes sensibles, attention: Saint Laurent donne à voir frontalement des choses assez dures et principalement une homosexualité triste doublée d'addictions, à l'alcool, aux médicaments et aux drogues. Comme mon titre vous l'aura peut-être laissé imaginer, le handicap social dont souffre le "héros" fait des ravages. Si la dernière image est bien celle d'un sourire, celui-ci demeure d'une profonde ambigüité. Bref, avec ce film, vous n'allez pas rigoler ! Dans le sillage mortifère d'un homme tourmenté, vous devriez, au contraire, partir à la dérive. Torpeur d'autant plus perceptible que le récit prend tout son temps...
N'hésitez pas si cela vous tente: ces deux heures et demie de tension peuvent déplaire, mais offrent de très bons moments de cinéma. Difficile de croire que les acteurs feront l'unanimité, mais j'ai trouvé qu'ils étaient tous crédibles. Gaspard Ulliel est un Yves Saint Laurent convaincant, Jérémie Renier un Pierre Bergé solide - à vérifier notamment dans une superbe scène de négociation commerciale. Surprise pour moi: Louis Garrel, un comédien que, jusqu'ici, j'ignorais consciencieusement, compose habilement un Jacques de Bascher aussi salace que sensible. Valeria Bruni-Tedeschi a droit à une scène de métamorphose incroyable, Léa Seydoux et Amira Casar à des rôles intéressants, mais Saint Laurent n'est pas un film de femmes. Visuellement et pour sa bande son, il n'en mérite pas moins un éloge sincère. Peut-être est-il juste un poil trop long et si explicite parfois que l'on pourra déplorer un léger manque de retenue. Resté bredouille à Cannes, je vois toutefois bien Bonello se rattraper avec un César...
Saint Laurent
Film français de Bertrand Bonello (2014)
Je l'ai dit, je le répète: il ne faut surtout pas chercher ici le reflet exact d'une réalité historique. Le plus gros du film se concentre d'ailleurs sur une décennie, de 1967 à 1976. En dépit d'une conclusion parfois maladroite sur la fin de la vie du personnage, Saint Laurent assume bien ses choix. C'est un biopic imparfait, mais intelligent. Dans d'autres genres, Bird, Bright star ou même Cloclo le sont aussi.
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Une petite anecdote de plus...
J'ai trouvé ça amusant: dans le film, Yves Saint Laurent embauche une jolie fille, mannequin de la maison Chanel. Elle résiste un peu. Serait-ce un clin d'oeil à Gaspard Ulliel, lui-même égérie chez Coco ?
Et YSL vu d'ailleurs, ça donne quoi ?
Il semble que mes camarades aient aimé. Certains citent le premier. Pour cette version Bonello, vous pouvez lire "Sur la route du cinéma", "Le blog de Dasola" et "La cinémathèque de Phil Siné". Il y a le choix !
Au final, je me dis donc que Bertrand Bonello, le réalisateur, a su habilement mélanger la forme et le fond, avec ses propres partis pris esthétiques et narratifs. Je ne peux pas comparer son film à celui sorti en janvier, proposé par Jalil Lespert - j'ai manqué cet opus. Toutefois, il est toujours temps de relever que Saint Laurent "version 2" n'a pas reçu la caution morale de Pierre Bergé, l'amant fidèle du couturier et, accessoirement, le concepteur de son empire et son premier héritier. Cette considération me semble importante dans la mesure où, plutôt qu'une hagiographie filmée, les écrans auront accueilli cet automne une reconstitution de ce qu'aurait pu être la vie du créateur, sans toujours le souci d'une conformité à la réalité. Gaspard Ulliel est gaucher: il ne dessinera jamais de la main droite. On peut donc admettre que certains se sentent floués, voire trahis...
Quand, à l'image, Bergé rappele un journaliste qui vient d'interviewer Saint Laurent pour le menacer de poursuites, il se peut que Bonello règle ses comptes avec l'homme d'affaires, lequel lui aurait plutôt mis des bâtons dans les roues. Je laisserai chacun juger du bon droit respectif des uns et des autres. Saint Laurent - le film - m'intéresse pour ce qu'il est: un regard sur un homme qui a révolutionné la mode et, du même coup, l'image de la femme. Quelques-unes des scènes les plus intéressantes du long-métrage le montrent dans son atelier parisien, s'assurant personnellement que ses dessins sont reproduits fidèlement. Le montage impose l'image d'une ruche, mais un malaise s'insinue. Le défilé de blouses blanches confère au lieu l'apparence d'un hôpital et c'est logique: YSL se montre vite aussi intransigeant avec ses petites mains qu'un médecin peut l'être avec ses infirmières.
Cela dit, il n'est pas ici question de nous montrer un génie au travail. L'idée est plutôt d'évoquer un homme d'une redoutable... fragilité. Névrosé et doutant constamment d'un talent pourtant reconnu partout dans le monde, le roi des podiums s'est construit sa propre réalité. L'unique réconfort lui vient de ses muses, ces femmes magnifiques qu'il sait sublimer encore parce qu'au fond, il se reconnaît en elles. Âmes sensibles, attention: Saint Laurent donne à voir frontalement des choses assez dures et principalement une homosexualité triste doublée d'addictions, à l'alcool, aux médicaments et aux drogues. Comme mon titre vous l'aura peut-être laissé imaginer, le handicap social dont souffre le "héros" fait des ravages. Si la dernière image est bien celle d'un sourire, celui-ci demeure d'une profonde ambigüité. Bref, avec ce film, vous n'allez pas rigoler ! Dans le sillage mortifère d'un homme tourmenté, vous devriez, au contraire, partir à la dérive. Torpeur d'autant plus perceptible que le récit prend tout son temps...
N'hésitez pas si cela vous tente: ces deux heures et demie de tension peuvent déplaire, mais offrent de très bons moments de cinéma. Difficile de croire que les acteurs feront l'unanimité, mais j'ai trouvé qu'ils étaient tous crédibles. Gaspard Ulliel est un Yves Saint Laurent convaincant, Jérémie Renier un Pierre Bergé solide - à vérifier notamment dans une superbe scène de négociation commerciale. Surprise pour moi: Louis Garrel, un comédien que, jusqu'ici, j'ignorais consciencieusement, compose habilement un Jacques de Bascher aussi salace que sensible. Valeria Bruni-Tedeschi a droit à une scène de métamorphose incroyable, Léa Seydoux et Amira Casar à des rôles intéressants, mais Saint Laurent n'est pas un film de femmes. Visuellement et pour sa bande son, il n'en mérite pas moins un éloge sincère. Peut-être est-il juste un poil trop long et si explicite parfois que l'on pourra déplorer un léger manque de retenue. Resté bredouille à Cannes, je vois toutefois bien Bonello se rattraper avec un César...
Saint Laurent
Film français de Bertrand Bonello (2014)
Je l'ai dit, je le répète: il ne faut surtout pas chercher ici le reflet exact d'une réalité historique. Le plus gros du film se concentre d'ailleurs sur une décennie, de 1967 à 1976. En dépit d'une conclusion parfois maladroite sur la fin de la vie du personnage, Saint Laurent assume bien ses choix. C'est un biopic imparfait, mais intelligent. Dans d'autres genres, Bird, Bright star ou même Cloclo le sont aussi.
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Une petite anecdote de plus...
J'ai trouvé ça amusant: dans le film, Yves Saint Laurent embauche une jolie fille, mannequin de la maison Chanel. Elle résiste un peu. Serait-ce un clin d'oeil à Gaspard Ulliel, lui-même égérie chez Coco ?
Et YSL vu d'ailleurs, ça donne quoi ?
Il semble que mes camarades aient aimé. Certains citent le premier. Pour cette version Bonello, vous pouvez lire "Sur la route du cinéma", "Le blog de Dasola" et "La cinémathèque de Phil Siné". Il y a le choix !
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