samedi 2 août 2014

Bambous graciles

Il faut voir Le conte de la princesse Kaguya pour comprendre vraiment la signification de mon titre. S'il reste à l'affiche d'une salle près de chez vous, je ne saurais trop vous conseiller d'aller découvrir cette merveille de dessin animé. Je m'en veux encore d'avoir manqué le dernier Hayao Miyazaki en début d'année. Son vieil ami et associé au studio Ghibli, Isao Takahata, a toutefois su combler ce manque...

Le style de ce nouvel opus évoque les origines mêmes du cinéma d'animation. Bien que des machines aient sûrement permis d'accélérer le processus créatif, on sent la main de l'homme partout, par l'usage de l'encre de Chine ou du fusain. Magnifiquement figuratif, Le conte de la princesse Kaguya sait aussi se faire abstrait, quand le trait s'emballe lors d'une longue course - et "évasion" - du personnage principal, par exemple. Cela dit, tout commence dans une contrée paisible, qu'on peut imaginer être une province du Japon médiéval. L'art de l'estampe a visiblement inspiré Takahata. Ses confrères nippons des décennies antérieures également... régal pour les yeux !

Sur le plan scénaristique à présent, Le conte de la princesse Kaguya n'a rien à envier aux plus grands classiques internationaux. Issue d'une vieille légende japonaise, la trame du film part d'une découverte miraculeuse: celle d'un bébé apparu à un modeste coupeur de bambou au coeur d'une de ses plantes. Il faut attendre un assez long moment avant d'apprendre d'où vient ce petit être, vite transformé en fillette. Immaculée conception asiatique, celle qui n'a pas encore de nom fait la joie et l'émerveillement de ses parents adoptifs. La force poétique du dispositif est d'une redoutable efficacité: en à peine deux temps trois mouvements, j'étais scotché à l'écran. Immergé dans ce monde.

J'ai ainsi vu la jeune campagnarde devenir une citadine mélancolique. La beauté de cette histoire tient aussi à ce qu'elle échappe résolument aux bons sentiments du cinéma animé d'Occident. Adolescente pleine de vie, la gamine des débuts quitte sa terre d'origine pour grandir dans un palais, grâce aux immenses richesses qu'un autre miracle a octroyées à son père. Elle aurait préféré garder l'insouciance de sa jeunesse, échapper à la rigidité de sa préceptrice et vivre toujours parmi les papillons. Las ! Son destin d'enfant chéri est aussi celui d'une jeune femme bientôt en passe d'être mariée. Film féministe, Le conte de la princesse Kaguya ? Aussi, un peu...

Je me répète: en ces temps mouvementés, j'ai pris un plaisir incroyable devant ces images. Les deux heures (et quart !) du film sont passées à une vitesse incroyable, sans réel temps mort. Attention toutefois: Le conte de la princesse Kaguya s'adresse plutôt à un public adulte: aucune violence ou sexe explicite, mais le propos ne me semble compréhensible que par des oreilles assez "mûres". N'allez pas pour autant priver vos enfants de ce grand spectacle ! Graphiquement, les sommets que le long-métrage atteint méritent d'être fréquentés par le plus grand nombre, dans un mélange d'émotion et de respect. Ah, qu'elle est belle, cette vision du cinéma !

Le conte de la princesse Kaguya
Film japonais d'Isao Takahata (2013)

En conclusion, j'ai presque envie de vous dire que le long-métrage surpasse même les Miyazaki que je connais. Si le terme de chef d'oeuvre a encore du sens, il ne semble pas galvaudé de l'employer pour qualifier cette splendeur, née du talent d'un homme de 78 ans. Du même, j'ai en DVD Le tombeau des lucioles, dont j'ai entendu partout beaucoup de bien. À la hauteur des maîtres de l'image réelle.

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Et si vous voulez lire d'autres analyses sur le film...

"Sur la route du cinéma" et "Ma bulle" vous le permettent.

2 commentaires:

ChonchonAelezig a dit…

Je ne connaissais pas du tout. Effectivement les dessins sont originaux, on est loin de la technologie, c'est frais et poétique. Si j'ai l'occasion... Merci pour cette découverte.

2flicsamiami a dit…

Je n'ai pas été transporté outre mesure par le film, même si je lui reconnais de magnifiques qualités esthétiques et narratives.