Je vais être franc: je n'avais jamais entendu parler de la Cañada Real avant de voir Ciudad sin sueño au cinéma. Ce bidonville espagnol s'étend pourtant sur plusieurs kilomètres, à quelques minutes à peine du centre de Madrid. Y vivent principalement des immigrés marocains et des Roms. Environ 7.000 personnes, selon une estimation de 2017.
"J'ai voulu me confronter à un mode de vie en voie de disparition". C'est notamment ce qu'a raconté le jeune réalisateur Guillermo Galoe dans Sofilm, pour expliquer ce qui avait pu le pousser à faire ce film. J'insiste d'emblée sur un point important: il s'agit bien d'une fiction. Elle a pour personnage principal un ado de 14-15 ans, Toni, enfant parmi beaucoup d'autres d'une famille de ferrailleurs. Son existence miséreuse tourne beaucoup autour des bons et longs moments passés avec son ami Bilal, qu'il sait devoir bientôt partir vivre à Marseille. Mélancolique, Toni s'accroche aussi à l'amour qu'il porte à une chienne appartenant à son Paï (grand-père), mais ce dernier échange l'animal contre un lopin de terre où, espère-t-il, il pourra installer les siens. Ces situations de grande précarité sont filmées sans misérabilisme aucun. Ciudad sin sueño présente ainsi la réalité de la Cañada Real de manière frontale, tout en respectant toujours ceux qui y habitent. Ils ont largement été associés au tournage et l'écriture du scénario s'est étalée sur six ans. Avec la ferme intention de ne RIEN idéaliser !
Ce souci de grand réalisme n'empêche pas le film d'être d'une beauté plastique étonnante. Sa représentation du monde de son personnage principal passe par une idée originale: le recours régulier à des vues subjectives, saisies au téléphone portable et modifiées par des filtres colorés. Il en émane une poésie remarquable dans ce contexte social. Reste la réalité crue et cet environnement quotidien fait d'objets délabrés, abandonnés sur le sol de rues souvent privées d'électricité et où l'eau, potable ou non, est une ressource à protéger absolument. N'ayant jamais pu apprendre l'espagnol, je ne suis pas capable de dire si cette Ciudad sin sueño est une ville sans rêve ou sans sommeil. C'est en tout cas une ville animée jusque tard dans la nuit, éclairée alors par maints braséros de fortune qui témoignent de sa situation économique. On nous dit cependant que, même relogés, ses habitants ne seraient pas nécessairement plus heureux ailleurs, dans l'anonymat relatif des grands immeubles urbains susceptibles de les "accueillir". Chacun demeure libre de ses conclusions. Oui, cela reste du cinéma...
Ciudad sin sueño
Film espagnol de Guillermo Galoe (2025)
Un voyage dont on revient mieux informé, mais quelque peu groggy. Avec l'impression que certaines choses évoluent, mais que d'autres pourraient ne jamais changer - cf. le sort qui est réservé aux aînés. On est bien loin de l'imagerie spectaculaire des films sud-américains comme La cité de Dieu (au Brésil) ou Elefante blanco (en Argentine). C'est moins glauque, mais j'ai parfois repensé à Toto et ses soeurs...
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Un autre regard artistique ?
Mon titre reprend celui d'une belle chanson de Claude Nougaro (1966). Je vous renvoie donc sans plus attendre à ses paroles. Et aux images.
Objectivement, mon avis ne fait pas l'unanimité...
Je vous recommande à présent de lire celui de Pascale en contrepoint.
"J'ai voulu me confronter à un mode de vie en voie de disparition". C'est notamment ce qu'a raconté le jeune réalisateur Guillermo Galoe dans Sofilm, pour expliquer ce qui avait pu le pousser à faire ce film. J'insiste d'emblée sur un point important: il s'agit bien d'une fiction. Elle a pour personnage principal un ado de 14-15 ans, Toni, enfant parmi beaucoup d'autres d'une famille de ferrailleurs. Son existence miséreuse tourne beaucoup autour des bons et longs moments passés avec son ami Bilal, qu'il sait devoir bientôt partir vivre à Marseille. Mélancolique, Toni s'accroche aussi à l'amour qu'il porte à une chienne appartenant à son Paï (grand-père), mais ce dernier échange l'animal contre un lopin de terre où, espère-t-il, il pourra installer les siens. Ces situations de grande précarité sont filmées sans misérabilisme aucun. Ciudad sin sueño présente ainsi la réalité de la Cañada Real de manière frontale, tout en respectant toujours ceux qui y habitent. Ils ont largement été associés au tournage et l'écriture du scénario s'est étalée sur six ans. Avec la ferme intention de ne RIEN idéaliser !
Ce souci de grand réalisme n'empêche pas le film d'être d'une beauté plastique étonnante. Sa représentation du monde de son personnage principal passe par une idée originale: le recours régulier à des vues subjectives, saisies au téléphone portable et modifiées par des filtres colorés. Il en émane une poésie remarquable dans ce contexte social. Reste la réalité crue et cet environnement quotidien fait d'objets délabrés, abandonnés sur le sol de rues souvent privées d'électricité et où l'eau, potable ou non, est une ressource à protéger absolument. N'ayant jamais pu apprendre l'espagnol, je ne suis pas capable de dire si cette Ciudad sin sueño est une ville sans rêve ou sans sommeil. C'est en tout cas une ville animée jusque tard dans la nuit, éclairée alors par maints braséros de fortune qui témoignent de sa situation économique. On nous dit cependant que, même relogés, ses habitants ne seraient pas nécessairement plus heureux ailleurs, dans l'anonymat relatif des grands immeubles urbains susceptibles de les "accueillir". Chacun demeure libre de ses conclusions. Oui, cela reste du cinéma...
Ciudad sin sueño
Film espagnol de Guillermo Galoe (2025)
Un voyage dont on revient mieux informé, mais quelque peu groggy. Avec l'impression que certaines choses évoluent, mais que d'autres pourraient ne jamais changer - cf. le sort qui est réservé aux aînés. On est bien loin de l'imagerie spectaculaire des films sud-américains comme La cité de Dieu (au Brésil) ou Elefante blanco (en Argentine). C'est moins glauque, mais j'ai parfois repensé à Toto et ses soeurs...
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Un autre regard artistique ?
Mon titre reprend celui d'une belle chanson de Claude Nougaro (1966). Je vous renvoie donc sans plus attendre à ses paroles. Et aux images.
Objectivement, mon avis ne fait pas l'unanimité...
Je vous recommande à présent de lire celui de Pascale en contrepoint.
8 commentaires:
Ciudad sin sueño c’est un poème de Garcia Lorca, où la ville est vue comme un monstre qui dévore l’humain,l’indifférence envers les communautés marginales. Les critiques espagnoles expliquent ce titre ,le réalisateur rend hommage au poète.
Moi j’ai bien aimé le film,je trouve qu’il y a une espèce d’innocence chez Toni. C’est difficile pour ces roms de se maintenir dans la périphérie de la ville. Rester dans le communautaire ou céder au chants des sirenes des HLM et du modernisme.C’est ce qui ressort du film.
Tout à fait : j'ai senti qu'en partant du bidonville, les parents de Toni avaient un espoir.
Merci beaucoup pour les explications sur Garcia Lorca ! Je n'avais pas fait le rapprochement.
De rien. C’est un poème tiré de ”Poeta en Nueva York ”.Une ville où on ne dort pas..Ça peut expliquer le titre du film Une ville sans sommeil.
Je note la référence et vous en remercie. Cela apporte véritablement un plus à ma chronique.
Comme vous l'aurez compris, j'aime élargir mon horizon cinéma vers d'autres formes artistiques.
Comme tu sais je n'ai pas aimé. Pas de misérabilisme certes, mais pour une fois le réalisateur aurait peut-être dû en ajouter. Nous montrer de jolies soirées au coin du feu avec les grand-mères qui racontent des histoires m'a profondément agacée. En fait ils ont froid et n'ont pas d'électricité. Ce que tu trouves "poétique" (je ne comprendrai jamais ce que ce mot signifie) avec ces images au téléphone avec filtres... m'a paru vraiment très moche.
En matière de bidonville, Claude Nougaro a effectivement fait cent mille fois mieux et bien plus réaliste.
Qu'on nous annonce ce film à la lisière du documentaire (mais avec du joli dedans) comme un film brûlant d'espoir m'a vraiment estomaquée.
L'espoir annoncé sur les affiches (rassurant pour les pouvoirs publics ?) sera donc de les parquer dans des barres d'immeubles ?
Sergi Lopez invité dans ma France Inter (pour un autre film) a confirmé qu'il s'agissait bien d'une ville sans sommeil.
C'est chiant que mes coordonnées ne soient pas enregistrées.
Je ne dois pas commenter assez souvent :-)
Ce n'est pas très jojo, j'en conviens, mais je préfère une barre d'immeubles à un bidonville.
L'espoir ? C'est peut-être aussi que le petit gars n'oublie pas son grand-père et ses origines.
Quant à la poésie, ma foi... c'est subjectif, mais l'idée est d'introduire du beau dans ce qui est dévasté.
Merci BEAUCOUP pour la précision sur le vocabulaire employé. J'aime bien cette ambigüité.
Tu m'en vois franchement désolé, mais je ne pense pas pouvoir régler ce problème.
Si cela peut te consoler, de mon côté, je ne reçois plus les notifications de vos commentaires.
J'imagine que, derrière tout cela, il y a le coup de verrou européen pour la protection des données personnelles.
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