samedi 15 février 2025

Dans le grand bain

Nouveaux espoirs sociétaux ? Désenchantement et retour à la réalité ? Je crois encore manquer de recul pour bien cerner les années 1970. Cette décennie - qui m'a vu naître - me semble un peu moins joyeuse que sa devancière. C'est en somme dans cet état d'esprit interrogatif que j'ai découvert un film qui m'attirait depuis des lustres: Deep end.

Mike a 15 ans, un âge auquel les autres garçons se moquent de lui parce qu'ils supposent qu'il n'est encore jamais sorti avec une fille. Mike en fréquente pourtant une, Susan, qu'il sait un peu plus âgée que lui et qui l'accueille à la piscine où il a pu trouver un petit boulot. D'abord mal à l'aise, l'ado apprend le métier et tombe sous le charme de sa collègue, développant alors rapidement un ressentiment jaloux exacerbé à l'égard des diverses fréquentations masculines de la belle. Plutôt confiante, la jeune femme ne manque certes pas d'ambigüité...

Deep end construit en somme un double portrait et adopte un ton badin qui semble être celui de la naissance d'une prime amourette. Sauf que ce qui pourrait être positif dans cette histoire fait long feu. Le vieil établissement de bains qui sert de cadre aux personnages apparaît vite comme un lieu hostile, dont ils sont en fait prisonniers. Les couleurs vives de ses murs entretiennent quelque temps l'illusion d'un possible bonheur, mais c'est un drame qui se joue sous nos yeux. L'humour de certaines scènes n'atténue qu'en partie la dimension pathétique - voire tragique - de l'ensemble. Imaginé par un cinéaste polonais de 32 ans en quête de liberté, le film témoigne d'une époque de transition pour sa jeunesse. C'est la première fois que son auteur obtenait une reconnaissance internationale. J'en reparlerai sûrement !

Deep end
Film britannique de Jerzy Skolimowski (1970)

Il aura aussi fallu trouver des producteurs (et donc quelques acteurs) ouest-allemands pour financer ce projet, pour partie tourné à Munich. Présenté à la Mostra de Venise, il y avait rencontré un succès critique et public indéniable, avant d'étrangement disparaître des écrans jusqu'en 2011, date de sa restauration. La pauvreté de l'Angleterre évoque celle de Naked ou de Fish tank. À voir et revoir aujourd'hui...
 
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Pour finir, pas de liens, mais une anecdote...

Né à Londres en 1953, John Moulder-Brown, le jeune acteur principal de cet opus, donne la réplique à Jane Asher, de sept ans son aînée. Jusqu'en 1968, la comédienne fut la compagne de Paul McCartney. C'est pourtant Cat Stevens qui signe la chanson prémonitoire du film !

4 commentaires:

Pascale a dit…

Je ne me souviens plus en avoir entendu parler mais tu donnes envie.
De Jerzy je n'ai vu que Le cri du sorcier, Killing Joe et Eo qui ne m'ont pas transportée.

Martin a dit…

C'était mon premier Skolimowski. Je crois que tu confonds "Killing Joe" avec "Essential killing".
A priori, ce réalisateur fait des films très différents les uns des autres. Cela me donne envie d'en voir d'autres.

Pascale a dit…

Oui Essential killing... que certains tiennent pour un chef d'œuvre.
Une purge pour moi.

Martin a dit…

Celui-là et "EO", j'ai envie de les voir. Malgré tes réserves. Tu pourras dire que tu m'as prévenu...