mercredi 27 mai 2020

Dérapage incontrôlé

Les faits dits réels sont une matière sensible que le cinéma utilise fréquemment, mais pas toujours intelligemment. Dès lors qu'il évoque la criminalité, le septième art peut déplaire et/ou faire polémique. J'ai eu envie de (re)voir L'appât, non pour juger rétrospectivement chaque protagoniste de cette sombre histoire, mais pour y réfléchir...

Résumons le point de départ: dans la France des années 80, une fille et deux garçons, à Paris, rêvent d'une vie dorée. Ils s'auto-persuadent que tout irait mieux s'ils avaient BEAUCOUP d'argent. Leur obsession persistante est de savoir comment procéder pour en gagner assez. C'est leur non-réussite professionnelle qui, se répétant, les conduit droit sur le chemin du crime. À peine majeure, la fille se croit capable de séduire des hommes riches, assez en tout cas pour s'introduire chez eux et ouvrir la porte aux garçons, apprentis cambrioleurs. Chacun jugera le film en son âme et conscience, mais il est certain qu'il respecte la froide réalité des faits sur un point précis: le meurtre de deux personnes. L'intérêt cinématographique, lui, reste discutable. Mais autant le dire tout de suite: je me range parmi ses défenseurs...

Soyons clairs: L'appât ne peut certainement pas faire l'unanimité. Pour ma part, je ne le vois pas du tout comme un film complaisant. Parler froidement de ces jeunes n'est pas cautionner leurs actes ! C'est vrai cependant que cela peut nous interroger sur notre société et la manière dont certains "décrochent", sans personne - au travail, à l'école ou dans leurs familles - pour les rattraper. Si mes souvenirs sont bons, c'est également cette réflexion qui irrigue le roman originel de Morgan Sportès, dont le film est (aussi) l'adaptation. Petite précision: les images, elles, m'ont saisi au coeur, par leur côté virevoltant au début du long-métrage, bonne illustration du tourbillon de la jeunesse, et leur fixité ensuite, dès lors que tout devient glacé. Quoi qu'on puisse penser de ce fait divers sordide, je veux affirmer que l'on tient là une belle oeuvre de cinéma, avec quelques bémols sans doute, une ou deux redites, quelques interprétations moyennes. Paradoxe: quelque chose me dit que le récit aurait été plus glauque s'il était resté purement imaginaire. Attention: il est déjà bien noir...

L'appât
Film français de Bertrand Tavernier (1995)
Je n'ai rien dit de Marie Gillain, au centre du scénario: l'actrice belge n'a ici que 19 ans et est impressionnante dans ce rôle de tentatrice. Anecdote: j'ai eu la chance de la rencontrer et lui ai dit quelques mots sur Ni pour ni contre, une autre de ses prestations à contre-emploi. Et j'avais oublié celle du film évoqué aujourd'hui, nigaud que je suis ! Vingt-cinq ans plus tard, je vois un lien avec Roubaix, une lumière...

2 commentaires:

Pascale a dit…

Je n'ai pas eu envie de le revoir.
Finalement rien ne change 25 ans plus tard et les réseaux persuadent qu'on peut être riche et célèbre sans talent... Heureusement tout le monde ne bascule pas dans le crime.

Martin a dit…

Comme tu dis, heureusement !