Le chiffre étonne et inquiète: d'après un reportage diffusé sur Arte l'an passé, près de neuf jeunes Sud-coréens sur dix aimeraient quitter leur pays définitivement ! Burning, le film dont je dois vous parler aujourd'hui, paraît renvoyer l'écho de ce profond désenchantement. Autant vous l'annoncer sans hésiter: il m'a fait très forte impression !
D'une densité peu commune, le long-métrage fut un temps annoncé comme un favori pour la Palme d'or du dernier Festival de Cannes. Finalement, il est reparti de la Croisette avec une simple récompense "annexe": le Prix FIPRESCI, remis - depuis 1946 - par des critiques professionnels venus du monde entier. Sa sortie sur les écrans français nous donne enfin l'occasion de nous frotter à ce thriller vénéneux, orienté d'abord sur un personnage masculin, Jong-soo. D'origine modeste, ce jeune homme quitte la grande ville (Séoul ?) pour essayer de reprendre l'exploitation agricole de son père, en proie à de sérieux ennuis. Une galère pour lui qui rêve de devenir écrivain !
Tout se complique un peu plus quand, par hasard, l'auteur en devenir retrouve la jolie Hae-mi, une fille qu'il avait connue quelques années auparavant. Dois-je préciser qu'il va en tomber amoureux ? Pas sûr. C'est cependant du fait de cette circonstance que Burning s'enflamme véritablement et commence lentement à révéler sa nature profonde. Quand Ben, un autre garçon, entre dans la danse, on comprend vite que tout cela risque de devenir explosif. Je vous laisse vérifier seuls si cela se confirme ou pas, mais je crois pouvoir vous dire que le film joue beaucoup sur les non-dits, le hors-champ et les faux semblants. Il en découle un suspense assez poisseux, qui vous prend à la gorge...
Le talent des acteurs fait le reste: nous voilà scotchés à l'écran. Parfois inconfortable, la posture du spectateur nous permet toutefois d'apprécier l'incroyable beauté de la mise en scène. La photographie est superbe et la musique, insidieuse, a quelque chose d'envoûtant. Difficile de ne pas se sentir happé: moi, j'ai aimé cette sensation ! Une énigme est posée à mi-parcours et de nombreuses hypothèses peuvent être formulées pour la résoudre: c'est l'intérêt de la chose. Perdu dans les méandres d'une intrigue complexe, j'ai trouvé agréable d'être mené en bateau, tout en restant libre de mes interprétations. Rares sont les films qui restent aussi "ouverts". Oui, j'en redemande !
Burning a tout pour plaire, mais peut déplaire. Le fait qu'il dure presque deux heures et demie va décourager une partie du public. Franchement, si la noirceur ne vous fait pas peur, ce serait dommage de passer à côté. Une fois n'est pas coutume: je vais recommander aux sceptiques de regarder la bande-annonce pour se faire une idée de l'atmosphère du film. Les images que j'ai moi-même choisies restent de pures illustrations: elles ne dévoilent donc rien d'essentiel. En fait, pour apprécier le long-métrage, il vaut mieux s'y immerger complétement, sans nécessairement chercher à y voir clair. Sur écran géant, l'expérience coupe le souffle... et bouscule notre imagination !
Burning
Film sud-coréen de Lee Chang-dong (2018)
Pas de doute: ce très impressionnant labyrinthe a toutes les chances de figurer en bonne place dans mon futur top de l'année cinéma. J'ajoute qu'il fait honneur à son pays d'origine, dont d'autres "pépites" méritent le détour (cf. Memories of murder et/ou Mademoiselle). J'espère vous avoir convaincus de vous tourner vers ces horizons lointains. Et, quant à moi, je compte bien prolonger leur exploration !
----------
Une précision littéraire...
Le film est une adaptation (libre) des Granges brûlées, une nouvelle de l'écrivain japonais Haruki Murakami. Le texte fait partie du recueil intitulé L'éléphant s'évapore, disponible en poche aux éditions 10/18.
Ailleurs sur la grande toile...
Vous pourrez découvrir une autre chronique enthousiaste de Pascale. Dasola, elle, s'est d'abord ennuyée, avant d'être captivée par le final. Je vous suggèrerai enfin de lire l'avis de Strum, analytique et nuancé.
Tout se complique un peu plus quand, par hasard, l'auteur en devenir retrouve la jolie Hae-mi, une fille qu'il avait connue quelques années auparavant. Dois-je préciser qu'il va en tomber amoureux ? Pas sûr. C'est cependant du fait de cette circonstance que Burning s'enflamme véritablement et commence lentement à révéler sa nature profonde. Quand Ben, un autre garçon, entre dans la danse, on comprend vite que tout cela risque de devenir explosif. Je vous laisse vérifier seuls si cela se confirme ou pas, mais je crois pouvoir vous dire que le film joue beaucoup sur les non-dits, le hors-champ et les faux semblants. Il en découle un suspense assez poisseux, qui vous prend à la gorge...
Le talent des acteurs fait le reste: nous voilà scotchés à l'écran. Parfois inconfortable, la posture du spectateur nous permet toutefois d'apprécier l'incroyable beauté de la mise en scène. La photographie est superbe et la musique, insidieuse, a quelque chose d'envoûtant. Difficile de ne pas se sentir happé: moi, j'ai aimé cette sensation ! Une énigme est posée à mi-parcours et de nombreuses hypothèses peuvent être formulées pour la résoudre: c'est l'intérêt de la chose. Perdu dans les méandres d'une intrigue complexe, j'ai trouvé agréable d'être mené en bateau, tout en restant libre de mes interprétations. Rares sont les films qui restent aussi "ouverts". Oui, j'en redemande !
Burning a tout pour plaire, mais peut déplaire. Le fait qu'il dure presque deux heures et demie va décourager une partie du public. Franchement, si la noirceur ne vous fait pas peur, ce serait dommage de passer à côté. Une fois n'est pas coutume: je vais recommander aux sceptiques de regarder la bande-annonce pour se faire une idée de l'atmosphère du film. Les images que j'ai moi-même choisies restent de pures illustrations: elles ne dévoilent donc rien d'essentiel. En fait, pour apprécier le long-métrage, il vaut mieux s'y immerger complétement, sans nécessairement chercher à y voir clair. Sur écran géant, l'expérience coupe le souffle... et bouscule notre imagination !
Burning
Film sud-coréen de Lee Chang-dong (2018)
Pas de doute: ce très impressionnant labyrinthe a toutes les chances de figurer en bonne place dans mon futur top de l'année cinéma. J'ajoute qu'il fait honneur à son pays d'origine, dont d'autres "pépites" méritent le détour (cf. Memories of murder et/ou Mademoiselle). J'espère vous avoir convaincus de vous tourner vers ces horizons lointains. Et, quant à moi, je compte bien prolonger leur exploration !
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Une précision littéraire...
Le film est une adaptation (libre) des Granges brûlées, une nouvelle de l'écrivain japonais Haruki Murakami. Le texte fait partie du recueil intitulé L'éléphant s'évapore, disponible en poche aux éditions 10/18.
Ailleurs sur la grande toile...
Vous pourrez découvrir une autre chronique enthousiaste de Pascale. Dasola, elle, s'est d'abord ennuyée, avant d'être captivée par le final. Je vous suggèrerai enfin de lire l'avis de Strum, analytique et nuancé.
10 commentaires:
J'aurais voulu aimer ce film (et je vois ce qu'il veut faire ou ce que les gens aiment) mais j'ai vraiment failli m'endormir durant la première partie du film et je trouve sa fin si expéditive (elle est pourtant intéressante mais j'aime pas son exécution on va dire).
Un des somets de cette année.
Strum en révèle trop je trouve. Ne pas savoir ce qui se passe au bout d'une heure est surprenant.
Merci pour le lien Martin. Un film très riche en effet. A Pascale : j'en dis certes beaucoup, mais c'était la seule manière d'analyser mon sentiment partagé sur ce film (et partant ce dernier).
@Tina:
La fin expéditive ? Si tu parles de la dernière scène, je comprends ta remarque.
Mais je ne suis pas d'accord... les quelques scènes avant allongent ce final, à mon goût.
Je comprends aussi que tu aies trouvé la première partie longuette.
Cela ne m'a pas dérangé. Je pense y avoir surtout vu un état des lieux de la jeunesse coréenne.
@Pascale:
Nous sommes d'accord sur le sommet. Le film risque de bien figurer dans mon top annuel.
Pour les révélations "strumiennes"... il me semble que le pitch du film en disait déjà long.
Tu ne l'avais pas lu ?
@Strum:
Pas de quoi pour le lien, l'ami ! C'est toujours un plaisir.
Nous nous retrouvons donc sur la densité du film. Je m'en réjouis.
Non je n'avais pas lu.
Coréen : je fonce.
Moi aussi je trouve ca génial que va s'arrête comme ça s'arrête.
Il prend quand même le temps de remonter dans sa voiture...
Il n'ira pas bien loin...
@Pascale fonceuse:
Je comprends, maintenant.
Mais je pense que beaucoup savaient à l'avance ce que tu ignorais.
@Pascale et la fin:
Ne spoilons pas non plus !
Pour moi, cette fin reste ouverte: à nous d'imaginer ce qu'elle veut dire et ce qu'elle induit.
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