lundi 29 janvier 2018

De mal en pis

La démocratie fait de gros progrès en Arabie saoudite: non content d'avoir autorisé les femmes à conduire, il paraît que le régime compte aller plus loin en rouvrant les salles de cinéma, après 35 années d'interdiction totale ! Cette info récente fait contraste avec l'actualité en Iran, où se passe le bon film dont je vais vous parler aujourd'hui...

Comme son titre semble l'indiquer, Un homme intègre fait le portrait d'un type ordinaire, plutôt en phase avec l'idée que l'on peut se faire de l'honnêteté. Pisciculteur de son état, Reza tâche de s'en sortir dignement et, pour cela, travaille dur. Il ne cache rien d'important sous le vernis de son attitude respectable... si ce n'est qu'il fabrique clandestinement de l'alcool de pastèque. Seule la somme importante qu'il a empruntée pourrait bien finir par lui attirer de gros ennuis. L'hypothèse se vérifie très vite et, bientôt, tout ira de mal en pis pour Reza et sa famille. C'est en fait ce que j'ai trouvé remarquable dans ce long-métrage: il n'offre AUCUN répit à son (pseudo-)héros. Pire, à chaque fois qu'un peu de lumière pourrait revenir, la situation s'aggrave encore, de manière semble-t-il inéluctable. La perversité extrême du scénario paraît donc infinie, sur fond de je-m'en-foutisme généralisé et de corruption à tous les niveaux. Un fascinant vertige !

Le film a l'intelligence de ne pas marteler sans cesse le mot "Iran" pour appuyer son propos. Au fond, même si aucune place n'est laissée au doute sur la nationalité des protagonistes, l'intrigue elle-même serait également transposable dans un autre contexte géographique. Cette universalité fait d'Un homme intègre une oeuvre glaçante. D'ailleurs, volontairement, je ne vous dis pas tout: le comportement de Reza va évidemment évoluer, mais dans un sens assez inattendu. Enfin... disons plutôt que, si j'avais plus ou moins anticipé certaines de ses réactions, je n'avais pas vu venir ce qui allait lui arriver finalement. C'est pour cela qu'au-delà des quelques plans magnifiques qui parsèment le film, j'ai surtout apprécié la progression du récit. Arrivé au bout, j'ai eu le souffle coupé devant l'absolu machiavélisme de cette redoutable histoire. Quelle leçon d'efficacité dramatique ! Elle vaut désormais au réalisateur-scénariste de très sérieux démêlés avec les autorités de son pays. Raison de plus pour filer au cinéma...

Un homme intègre
Film iranien de Mohammad Rasoulof (2017)

C'est à juste titre, je crois, que certains ont comparé ce long-métrage à un autre brûlot sorti voilà un peu plus de trois ans: Léviathan. Cinéma russe toujours, j'ai aussi pensé à L'idiot, à quelques reprises. Le cinéma persan perce en France depuis le terrible Une séparation. Maintenant, sur l'absence totale de liberté et la déliquescence fatale d'une société, Mustang cogne différemment, mais aussi fort, en fait !

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Le film connaît un bon petit succès d'estime...

D'autres chroniques sont ainsi lisibles chez Pascale, Dasola et Strum.

4 commentaires:

eeguab a dit…

Hélas je n'ai pu le voir. Grand dommage à l'évidence.

Martin a dit…

Grand, je ne sais pas, mais c'est dommage, en effet.
Il me reste à te souhaiter une occasion insoupçonnée ou une diffusion Arte rapide !

Pascale a dit…

C'est un film admirable.
Je me demande encore pourquoi il n'est pas dans mon top annuel !
L'épilogue me glace encore...
Quel pays, mais quel pays !

Martin a dit…

Ah oui, l'épilogue, je ne l'avais pas vu venir !
J'ai vraiment trouvé remarquables les rebondissements du film, quasi-constants.