Tiens ! Voilà encore un film qui parle de la guerre sans la montrer ! Nous sommes en 1929. Journaliste spécialisé dans les nécrologies, Julien Davenne a vu nombre de ses camarades tomber au champ d'honneur. Lui-même revenu sans dommage des tranchées, il vit dans une névrose constante et le souvenir, voire la nostalgie morbide, de ses "chers" disparus. Une sombre obsession d'autant plus prégnante que l'infortuné chroniqueur a perdu Julie, sa femme, peu après le conflit, en 1919. Saura-t-il reprendre goût à la vie ? Aimer ? Être aimé ? C'est toute la question qui se pose (vite), quand, dans une vente aux enchères, il rencontre la jeune et jolie Cécilia Mandel, qu'il avait d'ailleurs connue quand elle n'était qu'une enfant. L'intrigue se noue autour d'une interrogation: la mémoire revenue à la surface peut-il guérir Davenne de ses tristes pensées ? François Truffaut propose une réponse dans La chambre verte, son dernier film comme acteur et l'un de ses derniers aussi en tant que réalisateur. Précision pour la forme: ce long-métrage méconnu est sorti en 1978.
Autant dire que ce n'est pas franchement une comédie ! Je l'ai regardé dans d'étranges conditions, à Genève, alors que j'attendais l'avion qui devait me ramener à Nice après les vacances. Le plaisir que j'y ai pris est assez singulier. Ce film peut mettre mal à l'aise celles et ceux qui vivent - ou ont vécu - une période de deuil. Même si le personnage joué par Nathalie Baye éclaire un peu les ténèbres de celui que joue François Truffaut, le duo reste comme engoncé dans la noirceur du propos de l'auteur. Disons que la problématique est intéressante, mais qu'il faut se préparer à être "secoué", pris entre espoir, inquiétude et désespérance. La chambre verte interroge en fait chacun de nous sur son rapport à la vie et à la mort, sur la valeur des souvenirs, sur la force des symboles. Il montre d'après moi fidèlement ce à quoi peut ressembler un homme ruiné par le chagrin et dont l'existence ressemble finalement désormais assez à une longue traversée peuplée de fantômes. Je vous laisse découvrir par vous-mêmes comment Davenne s'en sort au final.
Sur le plan technique, bien qu'il soit probable qu'un film de ce genre ne trouve plus vraiment sa place parmi les productions d'aujourd'hui, il reste intéressant de replacer La chambre verte dans son contexte historique. Sous réserve que vous soyez sensible au rythme un peu languissant des oeuvres anciennes, le regarder ne devrait pas vous déplaire. C'est aussi un hommage sobre et sensible à tous les soldats de la Première guerre mondiale, et ce notamment par l'entremise d'un magnifique générique d'ouverture, où François Truffaut apparaît comme un spectre sur les images du conflit. Parmi d'autres éléments qui m'ont particulièrement intéressé, il y a donc également le fait que le réalisateur interprète lui-même le rôle principal. Son phrasé très particulier, saccadé et peu assuré, colle vraiment parfaitement au personnage. De façon surprenante, l'expressivité de Nathalie Baye reste elle aussi très limitée, comme si la comédienne s'était décidée à retenir ses émotions, mais là encore, cela donne à son jeu beaucoup de justesse. D'abord distants de par leur âge et leur mode de fonctionnement, les deux êtres se rapprochent petit à petit, s'intéressent alors l'un à l'autre et finalement s'attirent. Ils sont même de plus en plus semblables, de plus en plus "en phase", à mesure que le scénario se déroule, jusqu'à la toute dernière scène, où ils sont sans doute plus proches que jamais. Chut ! Pour mieux saisir mon propos, je vous laisserai visionner le film. Vous devriez alors également comprendre le pourquoi du titre de cette chronique...
1 commentaire:
Probablement le moins abordable des films de Truffaut... Mais il est bon pour les réalisateurs d'explorer la part d'ombre qui existe en eux !
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