mardi 29 septembre 2009

Cauchemar(s) d'entreprise

Allez, on repasse par la case cinéma: dernièrement, j'y suis allé voir Rien de personnel, comédie grinçante sur les rivalités entre cadres. L'intrigue: un grand laboratoire pharmaceutique organise une soirée à l'attention de son personnel, l'occasion pour chacun de discuter affaires dans un cadre un peu plus informel qu'un couloir de la société ou une salle de réunion. L'ambiance générale de ce huis clos moderne est un peu morose, surtout lors des toutes premières scènes, quand un employé en fin de période d'essai est mis à rude épreuve par l'une de ses collègues, et, de rage, va alors briser sa coupe de champagne pour mieux en avaler le verre devant un représentant du personnel. Fondu au noir et ça repart, avec pour partie les mêmes images...

Rien de personnel joue en effet sur la répétition. En tout, on voit certains passages trois fois. Ce qui change, c'est qu'à chaque redite, le réalisateur ajoute d'autres morceaux de film, qui nous font percevoir les choses de manière totalement différente, un peu comme le ferait un négatif de notre première analyse. Subtil procédé et faux semblants: l'employé stressé des premiers instants n'a finalement rien à voir avec une victime du monde du travail. Surprise: sa tension n'est qu'apparente et pour tout dire simulée. Incompréhensible, dites-vous ? Le mieux serait alors que vous alliez voir le film: vous saisirez sans doute mieux ce que je veux dire. Retenez donc que les images ne mentent pas mais ont plutôt, comme le disait La Fontaine, des vérités successives. Et on se fait attraper.

Premier film de Mathias Gokalp, Rien de personnel est une réussite formelle. Repéré à la Semaine de la critique du Festival de Cannes 2009, le réalisateur signe une oeuvre intéressante, qui devrait logiquement lui valoir d'être, sinon attendu au tournant, au moins suivi dans ses prochaines créations. Sur le fond, je serai un poil plus nuancé: ce long métrage laisse tout de même un goût amer, partagé qu'il est entre un aspect dénonciateur et un certain cynisme devant son sujet. Pas sûr que ça soit tellement plaisant à voir et revoir. Pour conclure, laissons donc la parole au cinéaste: "Ma co-scénariste et moi avons construit le film autour de trois figures, héros, traître et victime. Nous avons déplacé celles-ci d'un cran à chaque version de l'histoire, en cherchant à ce que ça fonctionne à chaque fois. Cette rotation a (...) fini par générer une déréalisation de la parole et des relations humaines, qui nous semblaient une bonne traduction du monde du travail". Un peu pointu, certes, mais pas mal ficelé. Et porté, je précise, par d'excellents acteurs, Jean-Pierre Darroussin, Denis Podalydès, Zabou Breitman ou Bouli Lanners, entre autres.

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