lundi 22 mai 2023

La vie qui lui arrive

J'ai revu passer le nom de Benoît Mariage sur mes sources d'info ciné. Je gardais un bon souvenir des films de ce cinéaste et d'un échange téléphonique avec lui. J'ai fini par passer le cap des critiques mitigées sur son tout nouvel opus pour - enfin - le découvrir par moi-même. Habib, la grande aventure n'a été que peu diffusé. C'est dommage...

Pour ma part, j'ai aimé cette histoire d'un jeune Belge d'ascendance marocaine, bien déterminé à interpréter François d'Assise au théâtre. Pour se fondre dans ce rôle difficile, Habib tend à effacer la culture héritée de ses parents et jusqu'à son prénom. Mais ça ne suffit pas face à un metteur en scène qui le renvoie en fait à son "arabitude" ! Dans le sens inverse, quand le jeune homme passe alors une audition pour un petit rôle au cinéma, il l'obtient parce qu'il se montre capable de prétendre qu'il s'appelle Philippe... sur différents tons. Et le fait qu'il puisse jouer aux côtés d'une très grande comédienne lui cause soudain bien des ennuis ! J'espère que vous pourrez découvrir la suite douce-amère des pérégrinations de ce jeune homme effacé, Pierrot des temps dits modernes incarné par Bastien Ughetto (avec justesse). Le personnage ressemble un peu au petit frère des attachants losers des frères Coen ! J'ai eu envie de le secouer, mais de l'aimer, aussi...

De fait centrée sur son drôle d'anti-héros, cette "grande aventure" déploie aussi toute une galerie de beaux protagonistes secondaires. Dans leurs brefs échanges, quelques répliques bien senties me parlent tout particulièrement. L'une vient me rappeler la sensible différence entre envisager et dévisager, par exemple. Une autre m'aura soufflé le titre de ma chronique, au sujet de cette "vie qui arrive" et heurte parfois celle dont nous rêvons. Il y a de la mélancolie, évidemment. Habib, la grande aventure apporte aussi une vraie dose d'espoir autour de l'acceptation des différences (et, donc, de nos singularités). N'ayez pas peur: le film n'est nullement replié sur une communauté unique. Au contraire: il montre qu'il est possible de vivre heureux avec une identité multiple et, avant tout, que l'essentiel n'est visible que du coeur. Est-ce que cela donne du grand cinéma ? Peut-être pas. Mais oui, je suis sensible à la petite musique du film. Elle me semble d'une humanité proche de celle que je sentais déjà en Benoît Mariage. Une impression qui, en prime, conforte ma francophonie de partage. Une info aux Belges qui me liraient: le film arrivera chez vous en juin.

Habib, la grande aventure
Film (franco-suisso-)belge de Benoît Mariage (2023)

Un regard sur toutes les altérités qui recèle d'une grande empathie pour son personnage principal... et pour ceux qui l'entourent, croqués avec leurs forces, leurs faiblesses et une bonne dose de bienveillance amusée. J'aime vraiment que le cinéma non-spectaculaire soit ainsi. De Benoît Mariage, je conseille aussi Cowboy (et tous les autres) ! D'aucuns parlent d'une "belgitude". Et il me plairait d'en (re)discuter...

2 commentaires:

Pascale a dit…

Les convoyeurs attendent, Cow boy, Les rayures du zèbre... j'adore Benoît Mariage et sa belgitude. Je suis surprise de ne pas avoir vu ce film.

Martin a dit…

Apparemment, il a été très mal distribué: 37 copies seulement, apparemment, le même jour où Dany Boon en avait plus de 800 (pour un film que je n'ai pas vu).

Résultat au box-office français aux dernières nouvelles: 3.328 tickets vendus. Tu n'es pas la seule à l'avoir loupé...