jeudi 2 avril 2020

Un soir avec JLG

Jean-Luc Godard en a-t-il désormais fini avec le cinéma ? Pas sûr ! Exilé en Suisse, le réalisateur a exigé que son dernier film en date soit diffusé... en dehors du réseau des salles obscures "ordinaires". Par simple curiosité, début mars, j'ai saisi l'opportunité de le voir dans un ancien squat (auto)géré par un collectif anarcho-syndicaliste !

À l'approche de son 90ème anniversaire, JLG pourrait nous surprendre en prolongeant encore sa carrière: dans une interview réalisée l'année dernière, il témoignait en tout cas de son envie de tourner un film consacré aux Gilets jaunes. Celui que j'ai vu et dont je parle aujourd'hui - Le livre d'image - pourrait donc ne pas être son oeuvre ultime (et testamentaire). L'analyser autrement ? Ce n'est pas facile. Sans scénario et sans acteurs, il s'agit d'une sorte de grand collage. Dans le méli-mélo, on retrouve des plans d'anciens films de Godard lui-même, des "emprunts" effectués à droite et à gauche, des images d'actualité, d'autres que je n'ai pas su identifier: vaste fourre-tout ! Afin peut-être d'expliciter son propos, le réalisateur livre une citation du philosophe - et écrivain - Denis de Rougemont: "La vraie condition de l'homme, c'est de penser avec ses mains". Et il est vrai que l'aspect artisanal du long-métrage qu'il fabrique lui donne pleinement raison...

Reste peut-être le plus compliqué: comprendre ce qu'il a voulu dire. Coupé en cinq parties (Remakes / Les soirées de Saint-Pétersbourg / Les fleurs entre les rails, dans les vents confus des voyages / L'esprit des lois / La région centrale), Le livre d'image forme un tourbillon labyrinthique. Il est d'autant plus confus que, très souvent, son auteur intervient en voix off, avec des phrases qu'il interrompt - ou empile. En réalité, c'est bien plus simple à voir qu'à raconter après coup ! Mais, très sincèrement, je me trouve heureux d'avoir eu l'opportunité d'apprécier cet OFNI dans les conditions souhaitées par le cinéaste. L'un des critères importants concerne le son, venu de sept points différents, un "effet" qu'Arte (qui a diffusé le film l'année dernière) n'a évidemment pas pu reproduire. Toutes ces explications techniques suffiront-elles à vous convaincre de surveiller une projection possible dans un lieu près de chez vous ? Hum... j'avoue que j'ai un doute. Cela étant, je suis content d'avoir pu me forger ma propre opinion. Quelques dizaines de foldingues avaient eux aussi tenté l'expérience !

Le livre d'image
Film franco-suisse de Jean-Luc Godard (2018)

J'accorde la note médiane à ce long-métrage plus que déroutant. Finalement, Godard ne se compare peut-être bien... qu'à lui-même. Ce qui est sûr, pour moi qui connais encore très mal la filmographie du bonhomme, c'est que l'on est ici à mille lieues de Pierrot le fou. Notez que, pour sa longévité, l'ami JLG peut déjà faire des envieux. Et qu'il est donc plus que probable que je verrai d'autres de ses films !

10 commentaires:

cc rider a dit…

Et l'émotion dans tout cela..???

Martin a dit…

J'avoue que ce drôle de film m'a plutôt laissé froid.

Pascale a dit…

Vu dans "un squat auto géré par un collectif anarcho syndicaliste"... ça m'a amusée.
S'il re.passe dans le poste, je me garderai bien de le voir. Je n'en peux plus de JLG et de ses films de laboratoire. Et je lui en veux à mort depuis que je l'ai vu faire pleurer Agnès en lui fermant sa porte.
Je crois que la sénilité a eu raison de son bon sens. C'est dommage car son besoin vital de filmer pourrait être touchant.
Tu relates très bien ce labyrinthe abscons. J'ai l'impression de le voir et de l'entendre...
J'ai vu pas mal de films de Godard. Pierrot reste son chef doeuvre et pour moi un chef doeuvre tout court.

Martin a dit…

Oui, je pensais que l'anecdote du squat méritait d'être racontée. Avant la séance, on nous a proposé du chili con carne à 2 euros 50, une bière à 1 euro 50 ou un Coca à prix libre !

Godard est un sacré loustic, avec une très haute opinion de lui-même et/ou une détestation des autres chevillée au corps. Je ne l'aime pas beaucoup en tant que personne et le terme "sénilité" ne me choque pas (même si tous les vieux gâteux n'ont pas sa créativité). J'avais entendu quelque chose au sujet d'Agnès Varda, mais je n'ai pas les détails...

J'adore "Pierrot le fou". C'est une toute autre époque. Il faudrait que je voie "À bout de souffle".

Pascale a dit…

Un chili à 2.50, c'est anarcho syndicaliste en effet.
Tu n'as pas vu Villages Visages ? "L'anecdote" y tient une grande place.

Ah oui A bout de souffle, film incroyable.

Laura L a dit…

Géniale condition pour voir le film, même si tu n'en ressors pas convaincu.
Bonne soirée

Martin a dit…

@Pascale:

Non, je n'ai pas vu "Villages, visages". J'ai loupé son récent passage sur Arte !
J'ai bien l'intention de le rattraper à la prochaine occasion. Rien que pour Agnès...

On reparlera sans doute de la référence "À bout de souffle" un jour ou l'autre.

Martin a dit…

@Laura:

Hé ! Bonjour ! Ça faisait longtemps, dis donc !

Je reconnais que mes conditions de visionnage étaient optimales.
En tout cas, je pense que c'est ainsi que JLG envisage la diffusion du film.

Pascale a dit…

C'est un film merveilleux Visages, villages.

Et A bout de souffle est étonnant. "Si vous n'aimez pas la mer..."

Martin a dit…

OK. Je les place l'un et l'autre sur ma liste des "films à voir à la prochaine occasion".