lundi 15 octobre 2018

De rouille et d'or

Tourner un western ? Jacques Audiard n'en faisait pas une priorité. Dernièrement, le cinéaste a ainsi expliqué que c'est une proposition de l'acteur américain John C. Reilly et de sa femme Alison Dickey, productrice, qui l'a conduit à réaliser Les frères Sisters. Lire le roman du Canadien Patrick deWitt l'aura convaincu de le mettre en images...

Pour la toute première fois, le Français s'est donc penché sur les idées d'un autre, lui qui, jusqu'alors, n'avait suivi que sa propre inspiration. Pour ce faire, peut-être aidé aussi par la Palme d'or qu'il a remportée en 2015, il a fait appel à un quatuor de comédiens américains choisi parmi les meilleurs: à John C. Reilly déjà cité, il a ajouté deux stars majeures, Joaquin Phoenix et Jake Gyllenhaal, ainsi que Riz Ahmed. Avec pareil carré d'as, on peut se croire capable d'abattre un jeu gagnant ! Le Frenchie a-t-il pour autant remporté la partie ? Possible. L'histoire qu'il a portée à l'écran est à sa place dans le Grand Ouest. Un mystérieux homme de pouvoir charge deux frangins à la gâchette facile de retrouver un chercheur d'or, inventeur d'un procédé chimique apte à détecter les gisements qui reposeraient au fond des rivières. Idéaliste, le prospecteur semble s'être lié d'amitié avec un détective parti à sa poursuite et envisage de créer avec lui une communauté entre hommes de bonne volonté. Reste à savoir dans quelle situation cette étrange intention le mettra alors... au doux pays du flingue-roi !

Un constat: nous voilà face à un western pour le moins déroutant. Évidemment, vous y trouverez malgré tout de nombreuses références aux archétypes du genre: des armes à feu, des chevaux, un saloon fréquenté par des dames de petite vertu et des desperados, arrivés en ville après avoir traversé mille paysages et passé de longues nuits en pleine nature, à la lueur d'un feu de camp. Il n'en reste pas moins que le film est presque parvenu à constamment déjouer mes attentes de vieil habitué de ce type d'histoires. Faut-il parler de French touch pour expliquer que Les frères Sisters sorte du lot ? C'est très tentant. Cela dit, force est donc de constater que le scénario trouve sa source dans une oeuvre littéraire nord-américaine - et écrite en langue anglaise, de surcroît. Au fond, il est peut-être inutile de se torturer les méninges pour analyser le succès de l'entreprise: chaque partie prenante a trop de talent pour qu'un raté soit juste envisageable. Maintenant, je me dis qu'il faut aussi savoir entrer dans cet univers pour en mesurer la valeur. Et que la fin devrait en étonner plus d'un...

Les frères Sisters
Film franco-américain de Jacques Audiard (2018)

Je l'ai suggéré et enfonce le clou: c'est sans doute son aspect atypique qui donne du charme à ce western. De nombreux autres représentants du genre chevauchent sur le blog, sans être tous aussi intéressants. Parmi les plus récents, je vous conseille notamment The homesman et La dernière piste, plus radicaux que le True grit des frères Coen. J'ai désormais envie de voir Hostiles, dont j'ai eu de très bons échos !

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Aimé ou pas, une chose est sûre...

Le film fait du bruit sur la blogosphère ! L'amie Tina en a parlé brièvement, tout comme des cinq autres qu'elle a vus en septembre. Pascale et Dasola l'ont devancée, tout comme Strum et Princécranoir. Vous pourrez vérifier que toutes et tous n'ont pas la même opinion...

8 commentaires:

GirlyMamie a dit…

Je ne suis pas fan d'Audiard du tout... mais sur un western, il va falloir tenter, par curiosité !

Martin a dit…

Curiosité bien naturelle si tu aimes le western !
Je ne le classerai pas parmi les incontournables de l'année, mais les acteurs valent le détour.

Pour tout (re)dire, je n'accroche pas toujours aux films de Jacques Audiard.
Parmi ceux que je connais, "Sur mes lèvres" et "De battre mon coeur s'est arrêté" ont ma préférence.

Pascale a dit…

Un des grands films de cette année.
Mais il ne supplante pas Hostiles, LE film de l'année pour moi pour l'instant.

Martin a dit…

Deux bons westerns dans la même année, ça n'arrive plus si souvent !
Je vais tâcher de voir "Hostiles" à la première occasion et entrer ainsi dans la mêlée du débat.

Strum a dit…

Comme je l'ai dit chez moi, j'ai été gêné par la mise en scène instable du film qui ne parvient pas à situer les personnages dans les paysages. Dommage car les personnages sont intéressants et les acteurs ne déméritent pas. Merci pour le lien Martin.

Martin a dit…

Je comprends ce que tu veux dire.
Mais je n'écarte pas l'idée que ce soit un peu délibéré, pour que nous soyons un peu perdus, nous aussi.

Après, la question qui se pose, c'est celle de l'intention. Là... je n'ai pas de réponse.

princecranoir a dit…

Superbe chronique Martin, qui développe des arguments vers lesquels je tends également, non sans quelques réserves il est vrai. Mais je crois en effet que son caractère atypique fera de ce western un jalon important. Tu as bien raison de citer "Homesman" qui attrapait la légende de l'ouest par un de ses bords les moins épiques. On est tout de même assez loin ici du détachement métaphysique de "la dernière piste", et pourtant, il y a dans le spectacle de ces passions humaines le terreau d'une belle réflexion sur le colon.

Martin a dit…

Merci, très cher. Sur le côté "jalon" de ce western, l'avenir nous répondra. Wait and see.
Avec un peu de recul, je crois que j'ai préféré "The homesman" (où l'on trouve une autre maison qui brûle).