dimanche 30 novembre 2014

Inéluctable

Vladimir Poutine n'y est pas pour rien: un certain nombre de préjugés tenaces colle à l'image de la Russie. Je me garderai bien d'un avis tranché sur la question - mes connaissances sur ce gigantesque pays sont objectivement plus que limitées. Côté cinéma, je n'avais pas vu le moindre film russe depuis environ cinq ans quand j'ai découvert Léviathan, honoré à Cannes du Prix du scénario, le 25 mai... dernier.

Bon, autant le dire: si vous assimilez les Russes à des "princes" corrompus, de pauvres gens et/ou des alcooliques impénitents, il est possible que Léviathan vienne confirmer ces idées-là. L'histoire tourne autour de Kolia et Lylia, couple menacé d'expropriation. Évidemment, l'indemnisation qui leur est proposée est dérisoire comparée à la valeur - réelle et affective - de leur maison. L'intervention d'un ami avocat n'y change rien: la loi et la justice demeurent du côté des puissants et, en l’espèce, du maire, peu enclin à faire preuve de patience. Sans entrer dans les détails d'un scénario effectivement remarquable, je vous dirai simplement que, pour Kolia et Lylia, tout ira bientôt de mal en pis. C'est la vieille rengaine habituelle, celle du combat de David contre Goliath. La différence essentielle tient à ce que, cette fois, c'est le géant qui gagne. Amis lecteurs qui préférez les happy ends, il vaut mieux aller voir ailleurs...

Vous êtes encore là ? Parfait ! Si le drame ne vous rebute pas d'emblée, vous avez toutes les raisons du monde d'apprécier ce film exigeant, mais par ailleurs d'une grande beauté. J'avais entendu quelqu'un dire qu'il aurait pu être récompensé pour sa mise en scène. Je confirme ! Léviathan est aussi d'une incroyable puissance formelle. J'y ai vu quelque chose qui ressemblait à un opéra. Sur une musique de Philip Glass, les premières images fixent un décor et accrochent aussitôt le regard: nous voilà projetés avec force sur une terre inhospitalière, le rivage de la mer de Barents, au nord de la Russie occidentale. Entre ce fastueux prélude et un épilogue très comparable en intensité, j'ai pris une vraie gifle et j'en suis vraiment content ! Andreï Zviaguintsev a eu 50 ans cette année. Artiste rare, il n'a signé "que" quatre films en onze ans. Le regard qu'il porte sur son pays mérite le détour, soyez-en sûrs. Vous pouvez oublier les préjugés...

Léviathan
Film russe d'Andreï Zviaguintsev (2014)

J'aurai au moins une prochaine occasion de me frotter au cinéma russe... et à Andreï Zviaguintsev. Patience, patience... j'en reparlerai probablement très vite ensuite. À ce stade, je ne sais pas quel film citer pour vous servir de point de comparaison. Le seul long-métrage russe dont j'avais parlé ici jusqu'alors, c'était Mongol - rien à voir. Mon inculture est encore plus manifeste sur le cinéma soviétique...

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Un mot sur le titre, pour compenser...
Monstre du chaos primitif de la mythologie phénicienne, le Léviathan apparaît aussi dans la Bible et notamment dans le Livre de Job. Thomas Hobbes, philosophe anglais du 17ème siècle, utilisa son nom comme titre d'un de ses ouvrages. L'occasion d'évoquer sa conception de l’État et d'affirmer que chaque homme poursuit prioritairement son propre intérêt. Cette idée, le film fait bien plus que la suggérer...

Et pour finir, feriez-vous un p'tit tour sur un site ami ?

Au choix: "Le blog de Dasola" et/ou "Sur la route du cinéma".

3 commentaires:

sentinelle a dit…

J'aime particulièrement son premier film Le retour, que je te conseille vivement.

ChonchonAelezig a dit…

Flûte. Je crois qu'il est passé sur Arte, non ? Je ne l'ai pas enregistré... J'ai eu peur, et comme j'ai déjà des piles qui attendent.

dasola a dit…

Bonjour Martin, comme sentinelle, j'avais beaucoup apprécié Le retour (qui avait fait connaître le réalisateur en France). Merci pour le lien sur Leviathan, grand grand film de l'année 2014. Bonne journée.