Je vous ai parlé du premier long de Steven Spielberg il y a cinq jours. Je compte bien voir un jour les deux films qu'il a réalisés sortis l'année dernière. Aujourd'hui, j'aborde le dernier opus de sa carrière sur les écrans: Lincoln. Une oeuvre à vrai dire tout à fait fascinante !
C'est juste prodigieux: il paraît que le cinéaste portait ce projet depuis douze ans et qu'il en a mis presque autant à convaincre l'Irlandais Daniel Day-Lewis à s'emparer du rôle-titre. Cette patience me paraît récompensée: c'est en effet un très grand film que signe ici le célèbre réalisateur... et une très grande prestation de plus à l'actif de son acteur. Du cinéma à l'ancienne, viscéralement américain, fruit de la plus belle tradition hollywoodienne. Pour le dire vite, j'ai adoré !
L'intelligence de Steven Spielberg se manifeste d'emblée par un choix audacieux: celui de tourner le dos à une biographie filmée et d'offrir deux heures et demie aux quelques dernières semaines de l'existence de son héros. Film anti-spectaculaire, Lincoln ne montre même pas l'assassinat du président américain. Il préfère consacrer ses images aux coulisses du pouvoir, là même où l'ancien avocat a défendu l'abolition totale de l'esclavage sur le sol de son pays. Une plaidoirie construite sur un autre choix: celui de faire durer quelque temps encore une guerre de Sécession supposée lui garantir des pouvoirs exceptionnels et une possibilité unique de donner un prolongement concret à son idéologie égalitariste. Une bonne part de l'intérêt présenté par ce (très) long-métrage vient à mes yeux du fait qu'il dit qu'une avancée majeure ne s'obtient pas sans sacrifice. Bien loin d'être un chef omnipotent, le président est ici, avant tout, un homme qui avance dans le doute. Et que ses convictions inébranlables n'empêchent pas de s'interroger sur ce qu'il adviendra véritablement ensuite, si d'aventure il parvient à obtenir ce qu'il veut dans l'instant.
Il serait fastidieux de recenser l'ensemble des personnages secondaires venus apporter de l'eau au moulin de ces réflexions. Objectivement, le film en regorge, avec 140 autres rôles, ai-je lu. Avoir également filmé le président au coeur de son intimité familiale apporte un vrai plus à l'édifice: ces scènes ne sont jamais de trop, mais illustrent au contraire parfaitement la difficulté qu'un homme peut ressentir à l'heure de choisir un chemin. Lincoln pose forcément la question du devoir et même, au-delà, celle de la responsabilité. Difficile de ne pas comprendre que le destin collectif se joue parfois au détriment des options individuelles. Aussi cruelle que cette leçon puisse être parfois, elle n'en est pas moins juste. Le scénario l'illustre avec brio, porté par une distribution éclatante et la grande beauté formelle d'une remarquable reconstitution. Certes, il a bien également quelques petits défauts, à commencer par un ou deux temps morts. Son aspect prolixe peut aussi sembler pesant quand on ne connaît pas l'histoire américaine. De très belles scènes permettent de contourner cet écueil et, en filigrane, font de la fresque un grand film humain.
Lincoln
Film américain de Steven Spielberg (2012)
Cette page tournée, le réalisateur indique qu'il compte se retourner vers un autre de ses genres de prédilection: la science-fiction. Logiquement, dès cette année, on devrait voir débarquer Robopocalyse, son adaptation d'un roman d'anticipation sur le thème éternel du soulèvement des machines contre l'homme. Je voudrais indiquer à celles et ceux d'entre vous qui préfèrent les films historiques qu'en regardant la dernière oeuvre du maître, j'ai pensé plusieurs fois au récent Clint Eastwood, J. Edgar. Sacré diptyque !
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Pour finir, je le signale également...
On peut aimer Steven Spielberg et Clint Eastwood, sans apprécier Lincoln comme moi. Exemple: Pascale ("Sur la route du cinéma").
Et en toute dernière minute...
J'ajoute que j'ai écrit cette chronique avant de connaître le palmarès des Oscars 2013. Daniel Day-Lewis remporte sa troisième statuette du meilleur acteur, un score sans précédent. Autres artistes récompensés: Rick Carter et Jim Erickson, les créateurs des décors.
C'est juste prodigieux: il paraît que le cinéaste portait ce projet depuis douze ans et qu'il en a mis presque autant à convaincre l'Irlandais Daniel Day-Lewis à s'emparer du rôle-titre. Cette patience me paraît récompensée: c'est en effet un très grand film que signe ici le célèbre réalisateur... et une très grande prestation de plus à l'actif de son acteur. Du cinéma à l'ancienne, viscéralement américain, fruit de la plus belle tradition hollywoodienne. Pour le dire vite, j'ai adoré !
L'intelligence de Steven Spielberg se manifeste d'emblée par un choix audacieux: celui de tourner le dos à une biographie filmée et d'offrir deux heures et demie aux quelques dernières semaines de l'existence de son héros. Film anti-spectaculaire, Lincoln ne montre même pas l'assassinat du président américain. Il préfère consacrer ses images aux coulisses du pouvoir, là même où l'ancien avocat a défendu l'abolition totale de l'esclavage sur le sol de son pays. Une plaidoirie construite sur un autre choix: celui de faire durer quelque temps encore une guerre de Sécession supposée lui garantir des pouvoirs exceptionnels et une possibilité unique de donner un prolongement concret à son idéologie égalitariste. Une bonne part de l'intérêt présenté par ce (très) long-métrage vient à mes yeux du fait qu'il dit qu'une avancée majeure ne s'obtient pas sans sacrifice. Bien loin d'être un chef omnipotent, le président est ici, avant tout, un homme qui avance dans le doute. Et que ses convictions inébranlables n'empêchent pas de s'interroger sur ce qu'il adviendra véritablement ensuite, si d'aventure il parvient à obtenir ce qu'il veut dans l'instant.
Il serait fastidieux de recenser l'ensemble des personnages secondaires venus apporter de l'eau au moulin de ces réflexions. Objectivement, le film en regorge, avec 140 autres rôles, ai-je lu. Avoir également filmé le président au coeur de son intimité familiale apporte un vrai plus à l'édifice: ces scènes ne sont jamais de trop, mais illustrent au contraire parfaitement la difficulté qu'un homme peut ressentir à l'heure de choisir un chemin. Lincoln pose forcément la question du devoir et même, au-delà, celle de la responsabilité. Difficile de ne pas comprendre que le destin collectif se joue parfois au détriment des options individuelles. Aussi cruelle que cette leçon puisse être parfois, elle n'en est pas moins juste. Le scénario l'illustre avec brio, porté par une distribution éclatante et la grande beauté formelle d'une remarquable reconstitution. Certes, il a bien également quelques petits défauts, à commencer par un ou deux temps morts. Son aspect prolixe peut aussi sembler pesant quand on ne connaît pas l'histoire américaine. De très belles scènes permettent de contourner cet écueil et, en filigrane, font de la fresque un grand film humain.
Lincoln
Film américain de Steven Spielberg (2012)
Cette page tournée, le réalisateur indique qu'il compte se retourner vers un autre de ses genres de prédilection: la science-fiction. Logiquement, dès cette année, on devrait voir débarquer Robopocalyse, son adaptation d'un roman d'anticipation sur le thème éternel du soulèvement des machines contre l'homme. Je voudrais indiquer à celles et ceux d'entre vous qui préfèrent les films historiques qu'en regardant la dernière oeuvre du maître, j'ai pensé plusieurs fois au récent Clint Eastwood, J. Edgar. Sacré diptyque !
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Pour finir, je le signale également...
On peut aimer Steven Spielberg et Clint Eastwood, sans apprécier Lincoln comme moi. Exemple: Pascale ("Sur la route du cinéma").
Et en toute dernière minute...
J'ajoute que j'ai écrit cette chronique avant de connaître le palmarès des Oscars 2013. Daniel Day-Lewis remporte sa troisième statuette du meilleur acteur, un score sans précédent. Autres artistes récompensés: Rick Carter et Jim Erickson, les créateurs des décors.
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