vendredi 6 juillet 2012

Une ambition funeste

Une chronique de Martin

Le film du jour nous transporte dans le Japon médiéval. Généraux victorieux à la guerre, les chevaliers Washizu et Miki sont attendus par leur suzerain pour obtenir récompense. Alors qu'ils se dirigent vers la forteresse de leur maître, rompus de fatigue, ils s'égarent dans une forêt et y croisent un drôle de personnage. L'apparition livre alors une prophétie: Washizu va s'élever dans la hiérarchie militaire et sera un jour le roi, avant qu'à son tour, le fils de Miki monte sur le trône. C'est ainsi que débute Le château de l'araignée.

Avec ce long-métrage, Akira Kurosawa ose transposer dans son pays la tragédie Macbeth, écrite en 1606 par William Shakespeare. L'audace du maître nippon est récompensée: le film s'adapte parfaitement au contexte japonais. La loyauté du samouraï est mise à l'épreuve quand l'opportunité lui est offerte de prendre le pouvoir. Au-delà de la cupidité des personnages, Le château de l'araignée dresse surtout un sombre portrait de l'humanité, où l'ambition d'aller toujours plus haut finit inéluctablement par primer sur la parole donnée et la fidélité à l'engagement. Il y a là un discours très audible dans la France actuelle: que le film ait déjà dépassé le demi-siècle n'affaiblit pas son propos et n'altère en rien sa pertinence. J'imagine que c'est normal, la trame ayant plus de 400 ans ! Il n'y a donc bien que les lieux qui changent: ce n'est pas une mauvaise chose en soi.

Sur le plan purement cinématographique, le rendu est bluffant. L'image a certes souffert avec le temps, mais les plans et idées demeurent d'une étonnante beauté. En réalité, Akira Kurosawa s'illustre par son talent à faire beaucoup avec peu de moyens. Optant pour un tournage sur les pentes du mont Fuji, il utilise le brouillard naturel, fréquent à cet endroit, pour renforcer l'impression surnaturelle laissée par son scénario. Lui faut-il trouver une forêt mobile ? Le cinéaste filme les arbres d'en haut, le vent s'engouffrant dans leurs branches et, par de légers décalages du cadre, parvient aisément à donner l'illusion du mouvement. Je passe sur les scènes de bataille et les chevauchées: les travellings sont juste somptueux. Bref, Le château de l'araignée est une vraie petite merveille en noir et blanc. Un conseil d'ami: ne vous laissez pas rebuter par son âge !

Le château de l'araignée
Film japonais d'Akira Kurosawa (1957)
Quand il tourne ce film, le maître nippon est déjà un cinéaste expérimenté: c'est en effet son 17ème long-métrage. J'aborde juste sa filmographie: au préalable, j'avais simplement vu Kagemusha. J'imagine que je reviendrai un jour sur ce film, qui lui valut la Palme d'or du Festival de Cannes 1980. En attendant, j'envisage sérieusement de voir enfin Les sept mercenaires et sans doute également, si j'en ai l'occasion, La forteresse cachée, source d'inspiration pour la saga Star wars. Je vous recommande vivement Après la pluie, un scénario d'Akira Kurosawa tourné après sa mort.

1 commentaire:

LuxBox a dit…

"Le château de l'araignée" c'est macBeth au pays des Samouraî :) Je te conseille aussi Rashomon, toujours avec Toshirô Mifune, qui n'a rien à voir et est plus contemplatif mais rempli de suspens. Quant à la forteresse cachée, on me l'a (bien sûr si je puis dire) offert en DVD mais ej ne l'ai toujours pas vu ^^