Une chronique de Martin
Il fallait le faire ! Oser ! Réunir Benoît Poelvoorde et Albert Dupontel à l'écran ressemblait fort à un pari audacieux. L'inséparable duo grolandais Gustave Kervern / Benoît Delépine l'a brillamment relevé dans Le grand soir. Les héros ? Deux frangins. L'un se fait appeler Not et se présente lui-même comme le dernier punk à chien d'Europe. L'autre, Jean-Pierre, s'efforce de vendre des matelas dans une zone commerciale sordide. Des produits aux normes conçus pour des gens aux normes dans un endroit aux normes: l'argument paraît faiblard...
Que se passe-t-il alors ? Jean-Pierre paye son inefficacité chronique par un licenciement, craque nerveusement et, sous l'influence bienveillante de Not, devient à son tour un (bien curieux) punk. Réellement très drôle, le film enchaîne avec brio les courtes scènes autour de cette idée simple. Le grand soir ne convainc pas seulement par son scénario. L'efficace ici, c'est d'abord le jeu débridé des deux comédiens principaux, chacun balançant vers l'oeil-caméra le meilleur de ce dont il est capable. En clair, Dupontel excelle évidemment en martyr de la grande cause capitalo-consumériste sentant monter en lui une envie de révolte, quand Poelvoorde parvient même à émouvoir à force de faire le con. Je l'ai dit: on rit beaucoup. Le long-métrage n'en génère pas moins des sentiments contrastés. Il n'est pas nostalgique, non, mais il dit aussi des choses justes et dures. Caricaturales, sans doute, mais pas uniquement.
L'un des grands talents de Gustave Kervern et Benoît Delépine, c'est donc d'offrir à leur(s) film(s) des distributions haut-de-gamme. Concrètement, ici, les "petits" rôles sont presque aussi marquants que ceux des têtes d'affiche. En fait, si j'attendais Le grand soir depuis déjà quelques mois, c'est parce que j'étais convaincu d'avance qu'on aurait droit à un grand numéro de Brigitte Fontaine en mère des deux loustics. Bingo ! Son style perché est parfaitement raccord ! Difficile également d'oublier - entre autres - la prestation mémorable d'une anonyme en mémé partie faire ses courses, ou bien encore celle de Bouli Lanners, vigile du genre stressé et à la patience relative. L'heure et demie de projection passe très vite. Effet cinéma peut-être, j'ai trouvé l'ensemble plus fin que le commun des sketchs de Groland. Entre deux sourires, j'ai aussi pensé à notre société engoncée dans la course à la consommation. Et, avec les musiques des Wampas en tête, je suis sorti le sourire aux lèvres, avec l'envie d'être moi aussi parfois un punk à chien, fut-ce à ma petite échelle. Indigné, peut-être pas, mais, comme Not, certainement pas résigné.
Le grand soir
Film français de Gustave Kervern et Benoît Delépine (2012)
Je n'ai vu qu'un seul des quatre autres films du duo grolandais. Mammuth m'avait fait belle impression, mais, s'il me fallait comparer l'un et l'autre, je dirais que le long-métrage d'aujourd'hui m'a paru plus convaincant, parce que plus tendre aussi, peut-être. J'attendrai donc d'avoir complété la série pour juger d'une évolution dans le discours des auteurs. J'aime toutefois déjà leur ton irrévérencieux et respectueux à la fois, leur façon de filmer la misère et d'en rire sans jamais vraiment se moquer. Si un message social doit en sortir, ce sera en douceur. Et après une tranche de rigolade...
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Pour tout vous dire...
Je ne suis pas le seul à avoir beaucoup aimé le film. Pascale en fait aussi une chronique positive sur son blog, "Sur la route du cinéma".
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