Une chronique de Martin
Vous la lisez après coup, mais j'ai tenu à rédiger cette chronique avant de connaître le palmarès du 65ème Festival de Cannes. Aussitôt après avoir vu le film, en fait. D'autres avant moi ont parlé du nouveau film de Jacques Audiard, De rouille et d'os. Je peux supposer que vous connaissez au moins les grands traits du scénario.
Adapté de nouvelles de l'Américain Craig Davidson, il raconte l'histoire de Stéphanie, montreuse d'orques dans un parc aquatique, amputée de ses deux jambes après un accident. Elle venait à peine de rencontrer Ali, jeune père un peu paumé venu d'ailleurs en France.
Comme souvent chez Jacques Audiard, je crois, les lieux n'ont pas d'importance déterminante. Seule compte l'histoire des personnages. Isolée dans son malheur, Stéphanie appelle Ali, qui pourrait bien être le dernier à se souvenir d'elle, sans la connaître encore vraiment, sans avoir de jugement à porter sur sa vie d'avant. Deux mondes viennent s'entrechoquer et, point notable, ça semble assez naturel. Ali doit "bousculer" Stéphanie pour qu'elle reprenne goût à la vie. Stéphanie rechigne, mais Ali insiste, pas parce qu'il connaît la réalité de l'existence, mais parce que ça, c'est son attitude en tout, directe, incisive, brute de décoffrage. De rouille et d'os est d'abord l'histoire commune de deux êtres dissemblables, une sorte de mélodrame emporté par la chronique sociale, la vie d'un homme et d'une femme qui prennent des coups et qui se battent. Le point de départ demeure assez anecdotique: l'intérêt premier est dans ce qui est montré.
De rouille et d'os est un film de lutte, tourné au plus près des corps. Jacques Audiard excelle dans le montage de plans de cinéma incroyablement puissants. Cet homme-là sait composer des images qui scotchent la rétine et, s'il ne suit pas ici sa meilleure inspiration littéraire, il reste très au-dessus du lot pour ce qui est des images.
Autre grande force du long-métrage: sa distribution. Le duo principal est juste parfait. Faut-il véritablement tresser de nouveaux lauriers à Marion Cotillard ? Si l'expression du personnage public manque parfois de justesse ou d'à propos, elle démontre ici un talent rare pour composer ce personnage de femme fragilisée, sur le chemin d'une existence nouvelle. En face, Matthias Schoenaerts: le comédien belge a paraît-il beaucoup travaillé pour ne pas en faire trop et rester dans le vulgaire pathos. Le résultat est remarquable d'intensité animale: aux côtés de Stéphanie, il est Ali, sans contestation possible. J'applaudis aussi la prestation des comédiens secondaires. J'ai ainsi eu beaucoup de plaisir à revoir Corinne Masiero en soeur ainée emportée par la crise et Bouli Lanners, impeccable parieur véreux qu'on pourrait croire sorti d'un film noir. Au final, il m'a probablement manqué un tout petit quelque chose pour m'emballer vraiment, mais j'ai tout de même vu un des très bons films français de ce premier semestre 2012. L'oeuvre d'un réalisateur à suivre !
De rouille et d'os
Film français de Jacques Audiard (2012)
Trois étoiles, c'est le minimum. Quatre, ça aurait été un peu trop. J'en ai ajouté une demie pour toutes les qualités que j'ai déjà énumérées: images et distribution. À ce stade, des longs-métrages signés Audiard que je connais, je préfère encore Sur mes lèvres. Avant de voir et d'évoquer Un prophète, je vous recommande aussi De battre mon coeur s'est arrêté. J'en reparlerai d'ailleurs un jour ou l'autre. Pas très envie aujourd'hui de citer d'autres réalisateurs.
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Pour être tout à fait complet...
Il me faut dire encore que le film est très vigoureusement défendu par Pascale, sur son blog "Sur la route du cinéma". Et, bien qu'il soit probable que vous le sachiez déjà, qu'il est revenu de Cannes 2012 sans la moindre récompense. Partie remise à la soirée des Césars ?
2 commentaires:
Inoubliable Robocop...
C'est marrant parce que jusqu'ici je n'étais pas plus admiratif que cela de Marion Cotillard. Mais Audiard a su la sublimer, et je trouve qu'elle est bouleversante et magnifique dans "De rouille et d'os".
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