lundi 3 février 2025

Ce soir au théâtre

Je le crois tout à fait sincère, mais je dis aussi que Quentin Dupieux est un "petit malin". J'apprécie et admire parfois ce drôle de cinéaste pour la concision de son propos, ainsi que pour son côté insaisissable. Est-ce un style ? Ou bien un nouveau système, si personnel soit-il ? Sincèrement, je suis intéressé et me pose la question à chaque fois...

Faute de trouver une réponse, je me concentre sur l'aspect ludique des créations de notre ami QD (à prononcer Kiou Di, pour la blague). Prenez Yannick, par exemple. Cet homme qui interrompt une pièce de théâtre de boulevard pour réclamer un spectacle qui le coupe enfin de ses idées moroses... oui, je le trouve incongru et plutôt amusant. Auprès de quelques amis artistes, j'ai - mieux - compris ce que l'art dit vivant comporte de risqué - et je sais que certains spectateurs expriment parfois leur désapprobation au milieu d'une représentation. Faire un film d'une heure cinq minutes là-dessus ? Oui, bonne idée ! Et même quand, après avoir été chassé de la salle, il fait demi-tour, monte sur scène armé d'un flingue et rédige un texte pour l'imposer finalement aux acteurs, ce Yannick m'apparaît crédible et dérisoire. Sauf que je suis quand même un peu gêné aux entournures, disons. Dupieux ne choisit pas de camp et j'ignore ce qu'il veut dire, au juste.
 
Quand je dis "petit malin", c'est parce qu'en disposant des indices contradictoires, Quentin Dupieux semble autant critiquer l'institution culturelle que moquer une partie du public. Il est tout à fait possible que je me prenne trop la tête et que je gagnerais à regarder ses films après avoir un peu mieux débranché mon cerveau 100% analytique. Avec Yannick, c'est vrai: je reste sur une impression assez mitigée. Et, sur le plan formel, je suis tout de même très largement conquis. La brièveté du film - une constante chez le cinéaste - est un plaisir qui se conjugue intelligemment avec celui des saynètes très étirées. On n'est pas pris pour des idiots, au contraire: des pièces de puzzle apparaissent et on nous laisse juger de comment elles s'emboîtent. Objectivement, ce cinéma-là reste franchement hors du commun ! C'est pourquoi, malgré mes réserves, je reste fidèle à son créateur. Qui trouve ici deux bons alter ego en Raphaël Quenard et Pio Marmaï.

Yannick
Film français de Quentin Dupieux (2023)

Ma note est sévère, mais témoigne sans doute du caractère urticant de certaines séquences du film (et de sa fin ?). Une comparaison m'apparaît possible avec Money Monster ou Cowboy - à vous de voir. Comme je l'ai écrit, je ne remets pas en cause la sincérité de l'auteur qu'est Dupieux. Je dirais juste qu'ici, il oublie vite deux protagonistes importants, Blanche Gardin et Sébastien Chassagne. Rien de grave...

----------
Sur la blogosphère, on en parle beaucoup...

Je vous renvoie donc aux chroniques de Pascale, Dasola, Princécranoir et Strum, ainsi qu'à celle d'Elle et Lui. Des avis (globalement) positifs.

2 commentaires:

Pascale a dit…

C'est un film assez dépressif je trouve. Et il me semble que QD dézingue autant les acteurs que le public.
Un réalisateur aussi singulier et fidèle à lui-même tout en étant surprenant à chaque fois est précieux.
Je suis fan.
Il n'y a que Wrong cop que je n'avais pas aimé, voire pire.

Martin a dit…

Tout à fait d'accord pour dire que QD est un réalisateur précieux, même s'il ne me convainc pas toujours. Là, je trouve même qu'il dézingue Yannick, en fait. Et à force de détruire tous ces personnages, je le trouve parfois un peu trop centré sur lui-même. Et condescendant.

Mais j'ai peut-être tort.