samedi 9 février 2019

La force des liens

J'avais laissé passer le dernier film de Hirokazu Kore-eda. Ma fidélité au réalisateur japonais ne pouvait pas être prise en défaut deux fois d'affilée. Même si j'ai bataillé pour trouver le créneau, j'ai donc tenu à voir Une affaire de famille en salles et... je l'ai vraiment a-do-ré ! Certaines Palmes d'or paraissent contestables: celle-ci tient son rang !

Kore-eda nous mène vers ce qui fait la quintessence de son cinéma. Avec une profonde délicatesse, il nous offre le portrait complexe d'une vraie-fausse entité familiale. Dans le groupe de cinq personnes que nous découvrons, nous trouvons ainsi un homme et une femme adultes, qui semblent former un couple, une fille un peu plus jeune que ces deux-là, un petit garçon et une vieille dame (leur logeuse). Tous vivent chichement, le vol venant pour partie combler le manque d'argent. Bientôt, le groupe évolue encore, avec l'arrivée d'une fillette apparemment abandonnée par ses parents légitimes. Le scénario pose alors la question cruciale: au fond, qu'est-ce qu'une famille ? Est-ce simplement un ensemble d'individus unis par les liens du sang ? Ou peut-il s'agir de personnes rassemblées par une certaine affection commune ? Cette interrogation, le film nous l'adresse avec douceur. Même si les personnages sont des marginaux, tout ce qui est montré relève du quotidien ordinaire. C'est, je crois, parce que la caméra nous invite à faire partie de ce groupe que tout cela est si touchant...

Beaucoup de choses sont dites avec peu de mots. Quelques images suffisent souvent à nous faire comprendre que la situation évolue petit à petit, au fil du temps qui passe. En laissant quelques éléments sensibles hors-champ ou parfois dans le flou, Kore-eda nous plonge dans l'intimité de ses personnages et compte sur notre intelligence émotionnelle pour comprendre également tout ce qu'il n'explicite pas. Chacun interprètera les choses comme il l'entend, mais il est certain que, dans sa conclusion, le récit est à tout le moins mélancolique. L'air de rien, le réalisateur nous dit aussi quelque chose de son pays. Il l'a souligné: "Une telle famille au Japon n'existerait pas longtemps. La société se chargerait très vite de la disloquer". Je veux le préciser à celles et ceux qui pourraient s'en inquiéter: Une affaire de famille n'est pas pour autant un brûlot politique, ni même un film militant. C'est, comme je l'ai dit précédemment, une oeuvre délicate. Portée par une très belle forme d'humanisme, elle m'a mis la larme à l'oeil. Son auteur se maintient dans le panthéon de mes cinéastes préférés !

Une affaire de famille
Film japonais de Hirokazu Kore-eda (2018)

Yasujiro Ozu et Akira Kurosawa ont bel et bien trouvé leur héritier. Film après film, la belle sensibilité humaniste de Hirokazu Kore-eda continue de faire merveille: vous pourrez la retrouver avec émotion dans Nobody knows, Notre petite soeur et d'autres films indexés ici. Cet esprit se retrouve aussi dans Still the water ou The long excuse. Je vous recommande également une oeuvre franco-nipponne: Takara.

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Le saviez-vous ? La France l'intéresse...
Hirokazu Kore-eda y a tourné son dernier film. Son titre: La vérité. Au casting: Juliette Binoche, Catherine Deneuve et Ludivine Sagnier, ainsi que l'Américain Ethan Hawke. La post-production est en cours...

Et si vous, vous vous intéressez au film...
Vous le croiserez aussi chez Pascale, Dasola, Princécranoir et Strum. Vincent y a vu une "raison majeure de se réjouir en salles" l'an passé.

8 commentaires:

eeguab a dit…

J'ai apprécié Une affaire de famille même si j'avais davantage été touché par Tel père, tel fils et plus encore Après la tempête. Bon weekend Martin.

Martin a dit…

Pour ma part, je place "Une affaire de famille" au-dessus, mais ce sont de très beaux films.
J'aimerais pouvoir voir les tous premiers films de Kore-eda. Et rattraper "The third murder" !

Strum a dit…

Merci pour le lien Martin. Un très beau Kore-eda en ce qui me concerne, l'un de ses plus achevés depuis longtemps.

dasola a dit…

Bonsoir Martin, j'espère que Kore-Eda ne va pas faire la même erreur que Asghar Farahdi et perdre son âme à tourner des films moins "japonais" que ceux qu'il a fait jusqu'ici. Binoche et Sagnier à l'affiche, je crains le pire. Bonne soirée.

Martin a dit…

@Strum:

Nous sommes sur la même longueur d'ondes. Il y a tellement de belles choses, dans ce film !

Martin a dit…

@Dasola:

Je comprends ton inquiétude, Dasola, mais je lui fais confiance. Au pire, je me dis que lui a sans doute envie de s'ouvrir davantage à notre culture et que cela ne peut qu'enrichir son cinéma. Ce que j'espère, c'est que, dans le même temps, il a l'intention (et la possibilité !) de continuer à tourner au Japon. Qu'il n'a pas tari toutes les sources d'inspiration venant de son propre pays.

Nous verrons bien. Je suis vraiment intrigué à l'idée de (re)découvrir la France sous sa caméra...

tinalakiller a dit…

Pas mon Kore-Eda préféré - peut-être à cause de sa fin un peu trop explicative à mon goût - mais un très joli film tout de même, une Palme d'or honorable.
(et j'ai les mêmes craintes que Dasola).

Martin a dit…

Je suis assez d'accord pour dire que la fin est explicative.
L'un de ses mérites est à mes yeux qu'elle démontre que Kore-eda peut filmer autre chose que le groupe, tout en laissant forte l'impression laissée par ce même groupe.

Mais je ne voudrais pas spoiler...