jeudi 6 décembre 2018

Chronique de la rue

Les qualités du cinéma social britannique ne sont plus à démontrer. Argument marketing assez discutable: l'affiche (française) de Hector place Jake Gavin, son réalisateur, dans la lignée du grand Ken Loach. C'est vrai qu'il n'y a pas énormément de cinéastes pour s'intéresser d'aussi près - et en évitant tout misérabilisme - au sort des sans-abri.

Jake Gavin, lui, n'hésite pas à relever ce pari difficile. Je tiens à dire qu'il peut s'appuyer sur un acteur formidable: Peter Mullan. Méconnu en France malgré une carrière débutée en 1990, le comédien endosse le rôle-titre avec aisance, tout en faisant preuve d'une humilité remarquable. On sent qu'il aime son personnage, tout simplement. Impossible dès lors de ne pas être touché par cet homme de la rue que l'on aurait aussi bien pu croiser dans notre environnement, assis au pied d'un immeuble ou dans une rame de métro. Digne, le scénario prend tout son temps pour nous le présenter et pour nous expliquer comment il a dû faire sienne cette existence, que l'on dit "précaire"...

Oui, avant d'exposer les causes, Hector nous parle des conséquences. Un profond humanisme se dégage de la longue galerie de portraits que le film dessine. Car le protagoniste n'est pas seul ! Il s'est créé une seconde famille parmi les marginaux et les travailleurs sociaux. Quant à la première, la vraie, je crois mieux de vous laisser découvrir par vous-mêmes l'importance - décisive ? - que le récit lui accorde. J'insiste encore sur ce point déterminant à mes yeux: ici, le propos n'est jamais larmoyant. En réalité, il serait plutôt d'un réalisme cru. Peter Mullan a d'ailleurs expliqué qu'il avait lui-même été bénévole auprès de SDF... et sans-abri, à plusieurs reprises. Ce n'est pas tout ! Il a indiqué aussi que son héros était censé lutter contre une addiction à l'alcool, mais qu'il avait demandé à ce que cet élément scénaristique soit supprimé, pour ne pas en rajouter. Tout bien pesé, j'ai trouvé que l'histoire parvenait, malgré son âpreté, à être porteuse d'espoir. Ce type de cinéma a le mérite de nous ouvrir les yeux sur des réalités complexes. Je crois utile de lui octroyer, au moins, une petite place...

Hector
Film britannique de Jake Gavin (2015)

Je reviens sur la notion de dignité pour vous confirmer qu'elle reste d'après moi la toute première des qualités de ce beau long-métrage. Sur la grande pauvreté, je garde un souvenir fort de Louise Wimmer. D'autres vraiment marquants de Naked et Rosetta. Les conséquences du chômage, elles, font l'objet de films variés: Deux jours, une nuit, Le couperet, The company men, Retour chez ma mère. J'en passe !

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Si vous souhaitez prolonger le débat...

Il vous est offert de retrouver le film chez Pascale, Dasola et Eeguab.

4 commentaires:

Pascale a dit…

Ah oui que j'avais aimé ce film ! Et que j'aime cet acteur que je tiens pour un acteur connu. Enfin je pensais.
Je le "suis" depuis My name is Joe (si tu peux à l'occasion...) où il avait eu le Prix d'interprétation à Cannes.
Et il était dans MON Hostiles...

eeguab a dit…

Tout comme Pascale. Nous l'avions passé à sa sortie en ciné-débat. Sur ce thème je crains souvent la leçon bienpensante et la démagogie. Mais Hector échappe à tout ça, à mn avis. Merci Martin et bon weekend.

Martin a dit…

@Pascale:

Je crois vraiment que c'est ce que j'ai vu de plus juste sur le sujet depuis "Louise Wimmer".
"My name is Joe" ? Pas vu, mais ça me tente bien. Surtout s'il a valu un prix à Peter Mullan !

"Hostiles" ? Rien à voir, je suppose, si ce n'est l'acteur. Mais je le verrai... un jour.

Martin a dit…

@Eeguab:

Ravi de nous savoir tous les trois à l'unisson sur ce beau film.
Je suis parfaitement d'accord avec toi: il évite très bien la démagogie ou le misérabilisme.