samedi 22 juillet 2017

Réel... ou pas

Je vous fais un aveu: il me semble que, le jour où j'ai décidé de créer ce blog, je pensais ne pas y chroniquer de films produits pour la télé ou de documentaires. Mais vu qu'hier encore, j'ai "trahi" ce principe d'exclusion, cela m'a donné l'idée de juger de ce que le documentaire apporte au cinéma... et réciproquement. Avis absolument subjectif...

Quid du récit ?
Pour les histoires racontées, il me semble très clair que je continue de préférer franchement la fiction. Une petite anecdote: j'ai entendu le cinéaste français Pierre Jolivet expliquer qu'à ses yeux, elle était toujours plus proche de la réalité, sachant que le documentaire n'ose ou ne peut pas toujours pousser toutes les portes. Point de vue intéressant, que je ne partage pas tout à fait. Cela me fait réfléchir. D'autant qu'au cinéma, j'apprécie aussi qu'on ne m'explique pas tout !

Et les acteurs, alors ?
Du côté de la fiction, cette évidence: les protagonistes jouent un rôle. Même s'ils lâchent la bride de leurs propres émotions en s'inspirant parfois de ce qu'ils vivent ou ont vécu, il me semble qu'une distance demeure dans 99% des cas (et c'est plutôt bien ainsi, à mon avis). Maintenant, il est très probable aussi que, face à la caméra, le sujet d'un documentaire n'ait pas tout à fait la même attitude qu'au cours d'un échange direct avec ses amis. Donc... égalité et balle au centre.

Une question d'image ?
C'est un peu idiot, mais j'ai longtemps pensé que les réalisateurs spécialisées dans le documentaire soignaient moins leur photographie que les cinéastes de fiction. J'ai d'abord constaté que la frontière était poreuse: certains filmeurs travaillent dans les deux registres. Par ailleurs, j'ai appris et fini par admettre que, sur certains projets de grande qualité, la production repose sur l'association des talents. Après tout, quand on le peut, c'est bien aussi de croiser les regards...

Oui, mais le son... et la musique ?
Je crois que la fiction est un peu plus libre du point de vue sonore. Maintenant, si l'on parle musique, je suis convaincu que les choix qu'effectuent les réalisateurs vont nettement influer sur la perception que l'on peut avoir d'un film, qu'il soit censé représenter une réalité ou non. J'apprécie la musique, oui, quand elle amplifie les émotions. Cela dit, je n'aime pas... les violons, qui en ajoutent à une scène explicite ou, au contraire, viennent masquer les faiblesses de l'image.

Et si tout était montage, finalement ?
Ces dernières années, j'ai vu apparaître plein de director's cuts, films de fiction découpés en fonction des souhaits de l'artiste-réalisateur. C'est ainsi que j'ai compris qu'aux États-Unis par exemple, ce travail de validation du montage final relevait souvent... du producteur. Maintenant, je ne sais pas vous dire si les auteurs de documentaires ont plus (ou moins) les coudées franches sur leur travail. J'imagine que toutes les situations existent, mais ce n'est donc qu'une intuition.

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Allez, je termine avec un autre aveu...
Un double, en fait: je ne sais pas si j'ai été juste et clair, mais je suis sûr d'avoir été incomplet, restant muet sur l'origine du documentaire de cinéma, notamment. Bref, vos lumières et opinions m'intéressent !

8 commentaires:

princécranoir a dit…

Je ne suis pas un grand spécialiste du documentaire mais je crois que, comme dans les fictions, on peut plus ou moins les classer par catégories. Il y a en effet un monde entre le l'émouvant "Visages villages" d'Agnès Varda et JR et le magistral "I'm not your Negro" de Raoul Peck. Beaucoup de réalisateurs de fictions réalisent également des documentaires, sans doute parce que le sujet s'y prête mieux, ou qu'ils se sentent plus à l'aise par ce biais. Bertrand Tavernier aime évoquer sa passion du cinéma à travers ses fictions et s'avère être par ailleurs un formidable passeur d'envies lorsqu'il consacre un documentaire sur le cinéma français. Je ne parle même pas du cas Scorsese, qui a appris le métier sur les tables de montage, et qui s'est fendu d'un grand nombre de documentaires passionnants. On pourrait multiplier les exemples (Herzog, Wenders, Gondry ou même très récemment Malick) qui montrent que la frontière est poreuse entre réalité documentaire et fiction réaliste.

Pascale a dit…

Juste sans doute... Clair pas toujours :-)mais je suis dure de la comprenure parfois.
Je n'étais pas spécialement fan des documentaires mais j'en voyais.
Il se trouve que cette année, mes plus grandes émotions viennent des documentaires : Visages Villages, I'm not your Negro (l'autre au dessus fait tout comme moi mais je fais comme si j'avais rien vu :-)), l'Opéra, Nothingwood, A voix haute, Swagger...
ça fait beaucoup de docus pour un art mineur !

Martin a dit…

@Princécranoir:

Merci pour cette jolie contribution, qui ramène à ma mémoire le nom de quelques grands cinéastes de fiction qui sont (ou ont été) aussi d'excellents documentaristes. Il faudra notamment que je me décide à me pencher sur cette facette du travail de Werner Herzog, notamment.

J'en viens du coup à me demander s'il existe des gens qui ont longtemps fait du documentaire et qui seraient passés à la fiction ensuite. Sûrement. Des suggestions dans ce domaine ? Je reste preneur d'une liste plus longue.

Martin a dit…

@Pascale:

Merci à toi aussi ! Les titres que tu me proposes, nombreux, me rappellent que je vois sans doute moins de documentaires que toi. Disons que ce n'est pas une envie qui me vient spontanément. En revanche, si on m'encourage, je ne dis pas non…

Il est donc bien possible que je vois (au moins) certains des films que tu as cités… un jour ou l'autre.
"Visages villages" me tentait bien, notamment, mais je n'ai pas eu le temps d'y aller à sa sortie… et il n'est pas resté très longtemps à l'affiche.

Pascale a dit…

Les docus j'y vais presque par hasard. Tous ceux dont je parle, j'en suis sortie éblouie !
Visages, villages est INDISPENSABLE et tu vas adorer !

2flicsamiami a dit…

Mon expérience du "documentaire cinématographique" (si l'on peut l'appeler ainsi, parce qu'au final, un documentaire est un documentaire, avec évidemment ses subtilités et variations de forme) se limite à une courte poignée de films/cinéastes (Sugar Man de Malik Bendjelloul, quelques Alain Cavalier et Raymond Depardon). Il y a également des séries documentaires à la télévision qui sont dignes d'intérêt (je pense à l'excellent The Staircase).
Ceci étant, au delà des différences de forme que tu soulignes dans ton billet entre la fiction et le documentaire, je pense que le documentaire se heurte au fait et à la réalité (hormis le sous-genre mockumentary), élément dont ne s’embarrasse pas la fiction qui, en sacrifiant un peu du réel, permet parfois d'approcher une forme de vérité. Jolivet n'a donc pas tout à fait tort.

Martin a dit…

@Pascale:

Moi, c'est l'inverse: je ne vais voir que des documentaires dont j'ai entendu du bien.
Je n'ai pas encore renoncé à voir "Visages villages", mais je crains de voir attendre le DVD...

Martin a dit…

@2flics:

Salut à toi ! Cela faisait longtemps !
Un grand merci pour cette contribution au débat, qui me rappelle l'existence des "mockumentaires".

Ton distinguo final avec la fiction est très pertinent et joliment exprimé.
Merci encore !