Ceux d'entre vous qui me suivent régulièrement savent qu'il m'a fallu du temps avant d'apprécier réellement le cinéma de Martin Scorsese. La violence de ses films m'a longtemps rebuté. J'ai réalisé ensuite qu'elle n'était jamais vaine, ce qui m'a permis de "passer le cap". Mieux: j'attendais beaucoup de Silence, le dernier opus du cinéaste...
Avant de vous donner mon avis, quelques mots sur le pitch. Silence remonte le temps jusqu'au 17ème siècle, époque où le Japon ancien commerce avec l'Europe et, de ce fait, subit certaines influences. Quand le film commence, Sebastiao Rodrigues et Francisco Garupe, jeunes prêtres catholiques, apprennent que le père Ferreira, l'homme qui les a formés à la religion, a trahi sa mission d'homme d'église, abjuré sa foi, quitté l'habit et finalement adopté les us et coutumes d'un véritable potentat japonais. Ce à quoi ils refusent de croire. Aussi, il ne leur faut pas longtemps avant de se décider à se mettre en chemin pour retrouver leur coreligionnaire et découvrir la vérité...
Autant l'écrire: Silence ne fait pas de cadeau aux âmes sensibles. C'est même, si j'ose écrire, un long chemin de croix. Assez conforme semble-t-il à la réalité historique, il montre (explicitement) la façon dont les Chrétiens étaient traités par les autorités japonaises d'alors. Tortures et exécutions sommaires: les scènes sont éprouvantes. Heureusement, sur le plan de la forme, la grammaire "scorsesienne" fait merveille: nettement moins tapageur que ses bandes-annonces officielles, le film offre une succession de plans absolument superbes. L'usage modéré de la musique et un gros travail sur l'ambiance sonore renforcent l'aspect immersif de l'expérience, avant même les images !
Martin Scorsese est connu pour la longueur de certains de ses films. Celui-là dure presque trois heures: le cinéaste prend tout son temps pour suggérer l'évolution de ses personnages - et notamment de l'un d'entre eux, mais je préfère ne rien dire de plus sur ce point précis. Certains spectateurs s'ennuieront peut-être. Pour être très honnête avec vous, cela n'a pas été mon cas, mais Silence a toutefois exigé de moi une certaine forme de concentration. Deux ou trois voix off successives livrent des éléments de compréhension: il convient donc d'être attentif pour ne pas perdre le fil. Oui, il y a quelques redites. Pour moi, elles s'effacent bien vite devant la grande beauté du film...
Pour le reste, j'étais ravi de revoir quelques acteurs que j'apprécie. Andrew Garfield tient la tête d'affiche, Liam Neeson joue un rôle secondaire important, mais il m'a surtout plu de croiser Adam Driver ! Le fait qu'aucun de ces prétendus jésuites portugais ne fasse usage de la langue lusophone ne m'a pas dérangé. Rien à reprocher non plus aux acteurs japonais, même si, malheureusement, je n'en ai reconnu aucun. Après la projection, j'ai été surpris d'apprendre que Silence avait été tourné à Taïwan et présenté au cours d'une avant-première mondiale... au Vatican ! Martin Scorsese le mérite, lui qui donne ici de la religion une vision intelligente et nuancée. La sienne, sûrement.
Silence
Film américain de Martin Scorsese (2016)
Ce très bel ouvrage nous renvoie évidemment aux questionnements du cinéaste. Je prends acte qu'il n'est ni prosélyte, ni blasphémateur. Cela me donne envie de voir La dernière tentation du Christ, l'autre de ses films qui parle de religion (avec aussi Kundun, peut-être). Constat: le fait religieux est aussi interrogé dans Habemus papam. Dans le cinéma français, il faut aussi citer Des hommes et des dieux.
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Une petite précision d'ordre littéraire...
Silence - le film - est l'adaptation du livre d'un romancier japonais lui-même élevé dans la foi catholique: Shusaku Endo (1923-1996). Cette oeuvre écrite s'appuie d'ailleurs sur plusieurs personnages réels.
D'autres que moi ont-il aimé le film ?
Je vous laisse en juger chez Pascale, Dasola, Princécranoir et Strum.
Autant l'écrire: Silence ne fait pas de cadeau aux âmes sensibles. C'est même, si j'ose écrire, un long chemin de croix. Assez conforme semble-t-il à la réalité historique, il montre (explicitement) la façon dont les Chrétiens étaient traités par les autorités japonaises d'alors. Tortures et exécutions sommaires: les scènes sont éprouvantes. Heureusement, sur le plan de la forme, la grammaire "scorsesienne" fait merveille: nettement moins tapageur que ses bandes-annonces officielles, le film offre une succession de plans absolument superbes. L'usage modéré de la musique et un gros travail sur l'ambiance sonore renforcent l'aspect immersif de l'expérience, avant même les images !
Martin Scorsese est connu pour la longueur de certains de ses films. Celui-là dure presque trois heures: le cinéaste prend tout son temps pour suggérer l'évolution de ses personnages - et notamment de l'un d'entre eux, mais je préfère ne rien dire de plus sur ce point précis. Certains spectateurs s'ennuieront peut-être. Pour être très honnête avec vous, cela n'a pas été mon cas, mais Silence a toutefois exigé de moi une certaine forme de concentration. Deux ou trois voix off successives livrent des éléments de compréhension: il convient donc d'être attentif pour ne pas perdre le fil. Oui, il y a quelques redites. Pour moi, elles s'effacent bien vite devant la grande beauté du film...
Silence
Film américain de Martin Scorsese (2016)
Ce très bel ouvrage nous renvoie évidemment aux questionnements du cinéaste. Je prends acte qu'il n'est ni prosélyte, ni blasphémateur. Cela me donne envie de voir La dernière tentation du Christ, l'autre de ses films qui parle de religion (avec aussi Kundun, peut-être). Constat: le fait religieux est aussi interrogé dans Habemus papam. Dans le cinéma français, il faut aussi citer Des hommes et des dieux.
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Une petite précision d'ordre littéraire...
Silence - le film - est l'adaptation du livre d'un romancier japonais lui-même élevé dans la foi catholique: Shusaku Endo (1923-1996). Cette oeuvre écrite s'appuie d'ailleurs sur plusieurs personnages réels.
D'autres que moi ont-il aimé le film ?
Je vous laisse en juger chez Pascale, Dasola, Princécranoir et Strum.
8 commentaires:
Ah oui le film où on marche 28 fois en hésitant sur la photo du Christ Jésus notre seigneur ???
Bon c'est très beau mais c'est parfois bien chiant.
Il y a des fulgurances scorsésiennes vertigineuses. Et il tient la promesse de son titre : Silence, pas de musique, pas de JS Bach sur les images de chrétiens en train d'agoniser.
Et il me cloue sur place (c'est Martin, c'est lui le patron) quand il met Liam face à Andrew (ah mouarf le brushing !!!) qui lui fait une leçon de buddhisme vs/ christianisme. Rien que pour cette scène, je serais capable de me refaire presque 3 heures de souffrances chrétiennes dans la gadoue tiens.
Et puis il y a un acteur japonais Yosuke Kubozuka (beau), judas expiatoire qui finit par être drôle à force de vouloir se faire pardonner ses fautes et de toujours recommencer les mêmes conneries. J'aurais aimé entendre Martin s'exprimer à propos de ce rôle/personnage.
Je n'ai jamais trouvé ça chiant, moi.
Tout à fait d'accord en revanche pour la promesse du titre bien tenue.
Attention aux spoilers, très chère: tu en dis beaucoup, je trouve. Je n'ai pas parlé du Judas, que je trouve plus pathétique que drôle. Ce serait effectivement intéressant de savoir comment notre ami Martin a construit ce personnage. Tout ça me donne aussi une grosse envie de dénicher le roman originel !
Il s'est fait attendre longtemps mais comme toi je n'ai pas regretté ce voyage de près de trois heures en terre de souffrance. Non seulement le film est fort et beau, mais il propose un point de vue sur la juste place de la foi hier comme aujourd'hui.
Bonjour Martin, pas un film très facile mais rien pour la dernière heure, il vaut la peine d'être vu. J'ai acheté le livre dont il est adapté, je n'ai plus qu'à le lire. Bonne fin d'après-midi.
@Princécranoir:
Content de nous savoir du même avis, mon bon prince !
Je l'ai trouvée très intelligente, cette réflexion sur la place de la foi.
@Dasola:
Ah non, c'est certain que ce n'est pas un film facile ! Je ne pensais pas qu'il le serait. Pour ma part, j'ai beaucoup aimé le début et cet extrême dénuement dans lequel plongent les deux prêtres.
Bon... il faut dire aussi que j'aime vraiment beaucoup Adam Driver !
J'ai super hâte de le voir celui-là. Parce que j'adore Scorsese, mais aussi pour le sujet, méconnu et intéressant. Surtout quand on sait que Marty est un fervent chrétien, c'est toujours passionnant de voir un réalisateur livrer quelque chose de très personnel.
La puissance de la mise en scène fait du film un grand spectacle.
Je lirai bien le livre pour comparer et comprendre à quel point Scorsese en est proche (ou non).
Est-ce que ça te plaira ? Hum... ça, je ne sais pas trop le dire, en fait.
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